Brésil : Stedile, le néo-fascisme et le 15 Mars

Dans les manifestations réalisées par la droite brésilienne, nous avons été confrontés à une escalade de la haine qui doit mettre en alerte tous ceux qui agissent dans les mouvements sociaux et la gauche brésilienne.

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Quelques jours avant les mani­fes­ta­tions contre le gou­ver­ne­ment bré­si­lien qui ont eu lieu le 15 Mars, un avis de recherche était dif­fu­sé sur les réseaux sociaux : « On recherche : João Pedro Ste­dile, lea­der du MST – enne­mi de la patrie – mort ou vif, récom­pense de 10.000 reais ».

stedile.jpg Comme on le sait, João Pedro Ste­dile est le plus impor­tant diri­geant du MST (Mou­ve­ment des Sans-terre), un des mou­ve­ments les plus orga­ni­sés, dyna­miques et com­ba­tifs dans le pays, qui lutte pour la réforme agraire, contre les grandes pro­prié­tés fon­cières (latifún­dios) et l’agroalimentaire. Il est un lea­der res­pec­té de la gauche bré­si­lienne et inter­na­tio­nale et n’hésite pas une seconde quand il s’agit d’affronter les classes diri­geantes du pays. En Novembre 2014, il a ren­con­tré le pape Fran­çois, sus­ci­tant la colère et l’envie de réac­tion­naires. Au chef de l’Église Catho­lique, Ste­dile a rap­por­té les injus­tices dans les cam­pagnes bré­si­liennes ; il aurait enten­du le pape dire que « redis­tri­buer les terres est une ques­tion d’éthique ».

Dans les mani­fes­ta­tions réa­li­sées par la droite bré­si­lienne, dans une asso­cia­tion expli­cite avec les médias gol­pistes, nous avons été confron­tés à une esca­lade de la haine qui doit mettre en alerte tous ceux qui agissent dans les mou­ve­ments sociaux et la gauche bré­si­lienne. Le risque d’une régres­sion poli­tique qui pour­rait conduire à une esca­lade de la per­sé­cu­tion des mili­tants qui luttent en faveur des tra­vailleurs ne peut être négli­gée. Au contraire, nous devrions voir cette pos­si­bi­li­té comme un risque réel. Les classes diri­geantes uti­lisent toutes les res­sources, y com­pris la tor­ture et l’assassinat, pour défendre leurs pri­vi­lèges, si elles l’estiment nécessaire.

La Colom­bie, exemple de gou­ver­ne­ment pro-éta­su­nien du style du PSDB (par­ti d’Aécio neves, can­di­dat bat­tu au élec­tions pré­si­den­tielles NdT), est l’endroit où se pro­duit le plus grand nombre d’assassinats de syn­di­ca­listes dans le monde. Dans l’aggravation de la bataille poli­tique au Bré­sil, l’action des réac­tion­naires peut dégé­né­rer en une chasse aux sor­cières, étant don­née la mesure de la haine accu­mu­lée au cours des 12 der­nières années. J’imagine que la volon­té de cette élite révol­tée sera, pas­sé un cer­tain point, de mettre der­rière les bar­reaux les prin­ci­paux diri­geants res­pon­sables des chan­ge­ments qui ont béné­fi­cié des mil­lions de Bré­si­liens. Ce n’est pas pour rien qu’ils qua­li­fient Dil­ma et Lula comme des « chefs de gangs » et autres termes beau­coup moins respectueux.

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À plu­sieurs reprises, la pré­si­dente et l’ex-président sont appa­rus « pen­dus » dans des simu­la­tions avec des man­ne­quins pen­dant la jour­née du 15 mars ; on a vu se répé­ter aus­si des affiches « un bon com­mu­niste est un com­mu­niste mort / Dil­ma, Madu­ro, Hugo, Fidel, Cris­ti­na et Lula, ordures du monde ». Un nombre consi­dé­rable de mani­fes­tants, qui ont déve­lop­pé cette haine, et conta­mi­nés par le poi­son des médias, pensent que ces lea­ders de la gauche d’Amérique latine sont des ordures et qu’ils doivent donc être incinérés.

En signe de pro­tes­ta­tion, ils ont adap­té la phrase odieuse « Un bon ban­dit est un ban­dit mort » pour les com­mu­nistes, qui seraient dans leur vision tor­due des ban­dits à exé­cu­ter. Même Pau­lo Freire et Marx ont été la cible de la colère et de la moque­rie des par­ti­ci­pants des mani­fes­ta­tions. Cer­tains plus auda­cieux décla­rèrent ne vou­loir comme ins­ti­tu­tions qu’un Minis­tère Public et la Police Fédé­rale, organes subis­sant une forte influence des sec­teurs rétro­grades au ser­vice des classes dominantes.

Les actes de van­da­lisme contre le siège du PT à Jun­diaí sont injus­ti­fiables (il a été incen­dié NdT), résul­tant de ce cli­mat qui prêche l’intolérance en s’enlisant dans la vio­lence, et qui rap­pelle la des­truc­tion du siège du Par­ti com­mu­niste d’Ukraine par des bandes armées nazies finan­cées par les Amé­ri­cains et l’UE. La per­sé­cu­tion de per­sonnes dans la ville de São Pau­lo, Rio et d’autres villes, sous la seule rai­son qu’ils portent des vête­ments rouges, devient une rou­tine. Pen­dant la mani­fes­ta­tion à São Pau­lo, un bâti­ment a été entou­ré par envi­ron 500 per­sonnes parce qu’à l’un des étages, un mili­tant arbo­rait un dra­peau du PT par la fenêtre. La croix gam­mée nazie est appa­ru sur l’une des ban­de­roles dans la capi­tale cario­ca (Rio de Janei­ro NdT). Des fon­da­men­ta­listes chré­tiens ont carac­té­ri­sé le PT comme une repré­sen­ta­tion du démon. bresil-antic.jpg

Exi­ger le coup d’état est appa­ru de manière ouverte – sous la forme de l’impeachment ou d’une inter­ven­tion mili­taire. Dans les deux formes, la cri­mi­na­li­sa­tion des mou­ve­ments sociaux et de la gauche serait le résul­tat d’une issue défa­vo­rable aux inté­rêts du pays. N’oublions pas le mas­sacre d’Eldorado de Cara­jás (État du Para), qui a coû­té la vie à 19 tra­vailleurs ruraux sans terre, au cours de la ges­tion du PSDB aux plans fédé­ral et de l’État. Le 17 Avril cela fera 19 ans que cet acte lâche aura été com­man­di­té par un gou­ver­ne­ment du PSDB.

Pour en reve­nir à Ste­dile, la pro­vo­ca­tion diri­gée contre lui par des groupes néo-fas­cistes n’est pas qu’une attaque contre le diri­geant, mais aus­si contre tous ceux qui défendent les conquêtes du peuple bré­si­lien et des gou­ver­ne­ments pro­gres­sistes, inau­gu­rés par Lula en 2002. La droite sait que le diri­geant du MST a été par­mi les pre­miers à mettre en garde contre la ten­ta­tive de putsch en convo­quant nos troupes pour la résis­tance. Nous n’allons pas bais­ser notre garde. Nous nous bat­trons jusqu’au der­nier ins­tant pour la démo­cra­tie et la liberté.

Par Geral­do Galin­do est diri­geant du Par­ti Com­mu­niste du Bra­sil (PCdoB) à Bahia.

Tra­duit par Lucien pour Si le Bré­sil m’était traduit…bresil-int.jpg