« Courrier international », le produit offshore du « Monde »

Décryptage méticuleux d’une série de mensonges dont les historiens souriront demain. Le Courrier International, qui recycle des articles puisés dans l’apparente diversité qu’assure l’hégémonie des grands groupes médiatiques internationaux…

Cet article est un redou­table décryp­tage des enfu­mages média­tiques, des mani­pu­la­tions, voire des purs men­songes des­ti­nés à un public fran­çais à par­tir de situa­tions dans des pays lointains.

Avec une pré­ci­sion chi­rur­gi­cale, une pro­fu­sion de sources irré­fu­tables, l’auteur met en cause Le Cour­rier Inter­na­tio­nal, Le Monde, Libé­ra­tion que le grand public prend pour des médias insoupçonnables.

La plus récente trom­pe­rie vou­lait convaincre que les diri­geants véné­zué­liens sont com­pro­mis (comme tout le monde !) dans le scan­dale d’HSBC. L’article qui suit est une leçon de jour­na­lisme et une fes­sée admi­nis­trée à ceux qui, trop atta­chés à une cause, en oublient de res­pec­ter leurs lecteurs.

pinoccio.jpg « Cour­rier inter­na­tio­nal », le pro­duit off­shore du « Monde » par Thier­ry DERONNE

Lorsque la Guerre Froide cède­ra la place à l’équilibre mul­ti­po­laire, les his­to­riens sou­ri­ront en étu­diant la pro­pa­gande média­tique déployée autour de la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive la plus avan­cée de l’Amérique Latine. D’un Pau­lo Para­na­gua (Le Monde) écri­vant que Cha­vez avait nui à l’unité lati­no-amé­ri­caine au moment pré­cis où l’ensemble des gou­ver­ne­ments, orga­nismes mul­ti­la­té­raux et mou­ve­ments sociaux du conti­nent saluaient l’œuvre du prin­ci­pal arti­san de l’unité[[« L’Amérique Latine et les Caraïbes saluent le prin­ci­pal arti­san de l’unité conti­nen­tale » par Mau­rice Lemoine]], à un Fran­çois-Xavier Fre­land expli­quant pour­quoi des mil­lions de véné­zué­liens saluaient la dépouille mor­telle du « dic­ta­teur » Cha­vez : « oh vous savez il y a beau­coup de curieux »[Ibi­dem]]. Sans oublier ce Libé­ra­tion de 2006 où Jean-Hébert Armen­gaud, actuel rédac­teur en chef de Cour­rier Inter­na­tio­nal, cou­pa et remon­ta un dis­cours du pré­sident boli­va­rien pour prou­ver qu’il était antisémite[[[Le cré­do anti­sé­mite de Cha­vez]].

Cette cam­pagne lan­cée par le « Guy­sen Israël News » et relayée par la sec­tion argen­tine du Centre Wie­sen­thal, fut démon­tée le 11 jan­vier 2006 par le site ACRIMED qui révé­la le tru­cage[[Le jour­na­lisme d’imputation : Chá­vez accu­sé d’antisémitisme]]. Le pré­sident de la Confé­dé­ra­tion des Asso­cia­tions Juives du Vene­zue­la Fred Press­ner expli­qua que Cha­vez n’avait rien d’antisémite, cri­ti­quant le Centre Wie­sen­thal pour sa pré­ci­pi­ta­tion et son refus de s’informer auprès de la com­mu­nau­té locale : “Vous avez inter­fé­ré avec notre sta­tut poli­tique, notre sécu­ri­té et notre bien-être en tant que com­mu­nau­té. Vous avez agi uni­la­té­ra­le­ment, sans nous consul­ter, sur des thèmes que vous ne connais­sez pas et ne com­pre­nez pas[[Venezuela’s Jews Defend Lef­tist Pre­sident in Flap Over Remarks]]. Tant l’AJCommittee (Glo­bal Jewish Advo­ca­cy) que le Congrès Juif Amé­ri­cain appuyèrent le point de vue de la com­mu­nau­té juive du Vene­zue­la pour qui les pro­pos du pré­sident boli­va­rien avaient été tota­le­ment mani­pu­lés. 119 – 300x2251Ses auto­ri­tés se réunirent ensuite avec Cha­vez pour sou­li­gner publi­que­ment d’excellentes rela­tions jamais démen­ties depuis, comme en témoigne la réunion du pré­sident Madu­ro avec les repré­sen­tants du Congrès Juif Mon­dial en novembre 2014 (pho­to) à New York[[Pre­sident Madu­ro met with World Jewish Congress]].

Jean-Hébert Armen­gaud a caché ces faits aux lec­teurs et a refu­sé d’admettre sa faute pro­fes­sion­nelle. Il est deve­nu en 2012 rédac­teur en chef de Cour­rier Inter­na­tio­nal, un pro­duit du groupe Le Monde qui recycle des articles pui­sés dans l’apparente diver­si­té qu’assure l’hégémonie des grands groupes média­tiques internationaux…

En 2007, cet heb­do­ma­daire publie un article inti­tu­lé « Pou­tine et Cha­vez, de drôles de démo­crates ». Quelques jours avant la tenue d’un réfé­ren­dum sur la consti­tu­tion au Vene­zue­la, Phi­lippe Thu­reau-Dan­gin parle de « coups d’Etat en forme de plé­bis­cites » et parie sur une vic­toire de Cha­vez pour l’analyser par avance : « on ne fait plus de coups d’Etat baïon­nette au canon ; on se contente de les faire ava­li­ser, tout à fait léga­le­ment, par des peuples sub­ju­gués ». Hélas pour Cour­rier Inter­na­tio­nal Cha­vez perd le réfé­ren­dum et féli­cite aus­si­tôt l’opposition ![[Lire l’article de Maxime Vivas]].

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Le Vene­zue­la boli­va­rien a orga­ni­sé un nombre record de scru­tins (19 en 15 ans), recon­nus comme légi­times et trans­pa­rents par les obser­va­teurs de l’Union Euro­péenne, de l’Organisation des Etats Amé­ri­cains ou de l’Association des Juristes Lati­no-amé­ri­cains. “Excès de démo­cra­tie” pour l’ex-président du Bré­sil Lula. Meilleur sys­tème élec­to­ral du monde selon Jim­my Car­ter qui a obser­vé 98 élec­tions dans le monde[[http://venezuelanalysis.com/print/7272]]. En mai 2011 le rap­port de la cana­dienne Fon­da­tion pour l’Avancée de la Démo­cra­tie (FDA), qui prend régu­liè­re­ment le pouls des sys­tèmes poli­tiques, place le sys­tème élec­to­ral du Vene­zue­la à la pre­mière place mon­diale pour le res­pect des normes fon­da­men­tales de démo­cra­tie et d’équité sociale[[http://democracychange.com/]]. L’ONG chi­lienne LatinoBarometro[[http://www.latinobarometro.org/lat.jsp]] sou­te­nue entre autres par le BID (Banque Inter-Amé­ri­caine de Déve­lop­pe­ment), le PNUD (Pro­gramme des Nations Unies pour le Déve­lop­pe­ment), l’OEA (Orga­ni­sa­tion des États Amé­ri­cains), l’états-unien Office of Research et les agences de coopé­ra­tion des gou­ver­ne­ments sué­dois, nor­vé­giens et cana­diens, a éta­bli dans son rap­port 2013 que le Vene­zue­la bat tous les records de confiance citoyenne dans la démo­cra­tie pour toute l’Amérique Latine (87 %) sui­vi de l’Équateur (62 %) et du Mexique (21 %). Pour Lati­no­ba­ro­me­tro, “le Vene­zue­la est le pays où on observe la plus grande dif­fé­rence entre ce que pensent ses citoyens de leur démo­cra­tie et l’image qui cir­cule dans la com­mu­nau­té internationale”.

Le 10 février 2015, dès qu’éclate le scan­dale de la fraude fis­cale orga­ni­sée par HSBC pour ses clients, Cour­rier Inter­na­tio­nal tire à nou­veau plus vite que son ombre et affirme que « la révo­lu­tion boli­va­rienne confiait son argent à HSBC »[[Lisible ici : http://offshoreleaks.icij.org/]], lais­sant entendre qu’il y a eu fraude et que le gou­ver­ne­ment boli­va­rien refuse de s’expliquer. L’objectif de Sabine Gran­da­dam est trans­pa­rent : sur­fer sur le scan­dale HSBC pour créer l’image d’une révo­lu­tion cor­rom­pue. De fait, grâce à la conver­gence crois­sante des médias com­mer­ciaux et des médias sociaux, le buzz s’opère : twit­ter. Or, la seule réfé­rence à l’Etat sur la liste véné­zué­lienne de Fal­cia­ni concerne la Banque du Tré­sor qui en 2005 avait ouvert trois comptes à HSBC et une quin­zaine d’autres dans des banques étran­gères. Il ne s’agit ni de comptes indi­vi­duels, ni de comptes secrets ni d’une fraude avec comptes codés et socié­té-écrans off­shore. Les noms qui appa­raissent sont ceux des fonc­tion­naires qui ont effec­tué les signa­tures admi­nis­tra­tives et l’information n’évoque pas d’irrégularités.

Ce ne fut pas la seule fois que l’Etat Véné­zué­lien dépo­sa une par­tie de ses fonds dans des banques suisses pour défendre ses inté­rêts. En février 2008, en pleine bataille légale contre la plus grande com­pa­gnie pétro­lière états-unienne, ce fut pour pro­té­ger une par­tie de ses reve­nus pétro­liers d’un pos­sible embar­go de la part d’Exxon Mobil que le gou­ver­ne­ment boli­va­rien les trans­fé­ra dans des banques suisses (en 2014 le tri­bu­nal tran­cha en faveur du Vene­zue­la.) Trois ans plus tard, en 2011, le pré­sident Cha­vez annon­ça le rapa­trie­ment des réserves d’or du pays, qui se mon­taient à 11 mil­liards de dol­lars et se trou­vaient dans des banques d’Angleterre, du Cana­da, de France et des Etats-Unis. Il déci­da aus­si de trans­fé­rer les fonds des réserves et du Tré­sor véné­zué­lien à des pays membres des BRICS comme la Chine, la Rus­sie et le Bré­sil, face à de pos­sibles « sanc­tions » de la part des Etats-Unis.

Ces faits ulté­rieurs éclairent la rela­tion de l’Etat véné­zué­lien avec la banque pri­vée inter­na­tio­nale mais n’ont aucun inté­rêt pour Sabine Gran­da­dam puisque son objec­tif est sim­ple­ment d’associer « révo­lu­tion boli­va­rienne » à « cor­rup­tion ». C’est aus­si pour­quoi elle reste muette sur les 99% de la liste « Vene­zue­la » de Fal­cia­ni[Lisible [ici]] : 178 noms et 115 adresses de clients véné­zué­liens pos­sé­dant des comptes indi­vi­duels à HSBC. On n’y trouve pas de diri­geants poli­tiques de la révo­lu­tion, ni le pré­sident Madu­ro ou sa famille, mais pas mal de membres du sec­teur pri­vé, notam­ment des médias ou de PDVSA (com­pa­gnie pétro­lière) avant sa récu­pé­ra­tion par le gou­ver­ne­ment. C’est plu­tôt une sur­prise quand on sait que la vul­gate média­tique au Vene­zue­la comme sur le plan inter­na­tio­nal est de dénon­cer « la cor­rup­tion des chavistes ».

Bien sûr, un jour­na­liste doué d’un mini­mum de confor­misme n’a qu’à se bais­ser pour tra­duire les titres dont les grands groupes média­tiques usent pour faire cam­pagne contre le socia­lisme boli­va­rien. Cha­cun est libre d’ajouter sa pierre aux mil­liers d’attaques subies par le Vene­zue­la depuis qu’une démo­cra­tie de gauche y res­ti­tue les droits sociaux et poli­tiques a une majo­ri­té d’exclus, et consciem­ment ou non, de ren­for­cer l’environnement média­tique néces­saire aux coups d’Etat comme celui que le Vene­zue­la vient de déjouer. Il est libre d’occulter à ses lec­teurs l’ingérence états-unienne dénon­cée par l’ensemble des gou­ver­ne­ments lati­no-amé­ri­cains[Lire « [L’Amérique Latine serre les rangs autour du Véné­zué­la : les États-Unis iso­lés (avec décla­ra­tion inté­grale du som­met de la CELAC) »]], et de se refu­ser à effec­tuer le moindre repor­tage sur seize ans d’avancées sociales. Bref, libre d’ignorer la Charte du « Monde » : « 1/ Res­pec­ter la véri­té, quelles qu’en puissent être les consé­quences pour lui-même, et ce, en rai­son du droit que le public a de connaître la véri­té ; (..) 9/ Ne jamais confondre le métier de jour­na­liste avec celui du publi­ci­taire ou du pro­pa­gan­diste[«[ Charte de déon­to­lo­gie des jour­na­listes du Monde »]]. »

Thier­ry Deronne,

Source de l’ar­ticle : blog de thier­ry deronne


NOTES