Asie, Afrique, Amérique Latine dénoncent l’intervention militaire en Libye. Les verts et les socialistes européens la « saluent », et regrettent son caractère « tardif ».

« Sauver des vies à coup de bombes est un contresens inexplicable » déclare le président de l’Uruguay.

Cocha­bam­ba, Boli­vie. En inau­gu­rant ce 19 mars la IIIème Réunion du Conseil Minis­té­riel Social de l’ALBA, (Vene­zue­la, Boli­vie, Equa­teur, Nica­ra­gua, Cuba, Anti­gua et Bar­bu­da, Domi­nique, San Vicente et Gra­na­di­na), le pré­sident Evo Morales a expri­mé sa joie de rece­voir dans cette ville du centre de la Boli­vie un groupe de tech­ni­ciens qui tra­vaillent pour les peuples, et a défen­du le modèle de l’Alliance Boli­va­rienne des Peuples de Notre Amé­rique — Trai­té de Com­merce des Peuples (ALBA-TCP) dans le pro­ces­sus de chan­ge­ment mon­dial, tout en énu­mé­rant ses pre­mières réus­sites en matière de jus­tice sociale, san­té gra­tuite pour les pauvres, alpha­bé­ti­sa­tion, etc.…

Il a éga­le­ment décla­ré au nom de le la Boli­vie et de l’ALBA : “Nous reje­tons toute inter­ven­tion mili­taire en Libye parce qu’elle va pro­vo­quer plus de morts. Ce n’est pas la solu­tion. Nous n’avons pas un Conseil de Sécu­ri­té mais un Conseil d’Insécurité car cela signi­fie plus de pertes de vies humaines et aucune sécu­ri­té pour les habi­tants”.

Ce same­di le chan­ce­lier argen­tin Héc­tor Timer­man a mis en cause le fait que ces attaques contre le ter­ri­toire libyen menés par les états-unis, la France et le Royaume-Uni, n’aient pas fait l’objet d’un large débat au Conseil de Sécu­ri­té ou à l’Assemblée Géné­rale des Nations Unies.

Le pré­sident de l’Uruguay a qua­li­fié de “lamen­table” l’attaque des forces de l’OTAN contre la Libye. « Le remède est pire que la mala­die », a décla­ré le man­da­taire, « Sau­ver des vies à coup de bombes est un contre­sens inex­pli­cable. C’est à en pleurer. »

Le chef de la Ligue arabe Amr Mous­sa a cri­ti­qué dimanche les bom­bar­de­ments de la France, des anglais et des nord-amé­ri­cains sur la Libye, esti­mant qu’ils s’écartent “du but qui est d’imposer une zone d’exclusion aérienne. Ce qui s’est pas­sé en Libye dif­fère du but qui est d’imposer une zone d’exclusion aérienne, et ce que nous vou­lons c’est la pro­tec­tion des civils et pas le bom­bar­de­ment d’autres civils”.

L’Union Afri­caine, tout comme le Viet­nam ou l’Inde, a éga­le­ment dénon­cé cette vio­la­tion de la sou­ve­rai­ne­té en rap­pe­lant que la « com­mu­nau­té inter­na­tio­nale » (c’est-à-dire, comme dit Chom­sky les USA et les pays qui sont d’accord avec eux) avait reje­té son offre d’envoyer une délé­ga­tion de paix en Libye. De la même manière a été occul­té le plan de paix véné­zué­lien qui pré­voyait notam­ment d’envoyer en Libye une mis­sion de média­teurs de pays lati­nos et arabes, et de la Ligue Arabe, mis­sion char­gée de négo­cier les voies per­met­tant de trou­ver une sor­tie de crise afin d’empêcher toute inter­ven­tion mili­taire, notam­ment étran­gère. On aurait pu pré­ser­ver des vies en dis­cu­tant ce plan, en l’infléchissant éven­tuel­le­ment, en le modu­lant ; on aurait choi­si la voie de la dis­cus­sion, et peut- être de la conci­lia­tion. Même la France, qui vient de pas­ser sous com­man­de­ment mili­taire nord-amé­ri­cain, a refu­sé ce recours et la réso­lu­tion de la GUE (Gauche Unie euro­péenne au par­le­ment euro­péen, groupe en géné­ral pro­gres­siste) ne fait aucune men­tion de ces deux ini­tia­tives de paix.

Il est inté­res­sant de com­pa­rer l’unité de juge­ment de gou­ver­ne­ments du sud, même de signe dif­fé­rent, en oppo­si­tion à la posi­tion en faveur de cette inter­ven­tion de la part de par­tis verts ou socia­listes euro­péens. C’est ce que Jean Bric­mont appelle “l’impérialisme huma­ni­taire” (http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1474&lang=fr).

Nous repro­dui­sons en fin d’article , car il est exem­plaire, le com­mu­ni­qué d’Ecolo Bel­gique qui jus­ti­fie la vio­la­tion de la sou­ve­rai­ne­té d’un pays. L’ironie fait que les bom­bar­de­ments de civils attri­bués à Kadha­fi et lar­ge­ment média­ti­sés pour jus­ti­fier l’entrée en guerre avaient été rapi­de­ment mis en doute par des experts de l’armée russe et du Penta­gone. En revanche les bom­bar­de­ments de l’armée fran­çaise ont, en quelques heures seule­ment, déjà fait 48 morts à Tri­po­li. Tout se passe comme si la gauche et la droite avaient été uni­fiées par la « dic­ta­ture média­tique », et mal­gré quelques bémols, avaient inté­gré l’idée d’une inter­ven­tion mili­taire, non seule­ment « pour le pétrole » mais aus­si pour reprendre pied dans la région et mieux contrô­ler le cours des révoltes arabes.

Ce n’est pas au nom des droits de l’homme que cette « gauche » dénonce la “répres­sion bar­bare contre une popu­la­tion”. On voit bien qu’un par­ti comme Eco­lo ne demande pas une inter­ven­tion pour pro­té­ger les civils du Bah­rein, du Yemen ou d’ailleurs. Comme le rap­pe­lait il y a quelques jours Noam Chom­sky à Bruxelles, le sort de ces civils inté­resse beau­coup moins le dépar­te­ment d’Etat, ou les médias occi­den­taux, donc pour­quoi fau­drait-il deman­der à l’ONU ou à l’OTAN de pro­té­ger ces popu­la­tions contre la répres­sion bru­tale, les assas­si­nats, les arres­ta­tions mas­sives et la torture ?

Le pré­sident afghan deman­dait dimanche l’arrêt des opé­ra­tions de l’OTAN pour faire ces­ser les inter­mi­nables atro­ci­tés de nos forces armées contre les civils, bien plus graves et plus nom­breuses que la répres­sion qu’a menée Kadha­fi. On cher­che­ra vai­ne­ment la moindre action concrète d’appui de cette « gauche » à la demande pres­sante et répé­tée du gou­ver­ne­ment afghan. Dans son com­mu­ni­qué Eco­lo ne dit pas un mot sur l’évidente mani­pu­la­tion média­tique des­ti­née à pro­vo­quer cette rage typique des der­niers jours, qui pré­cède les « bonnes raclées que la brute mérite ».

Déjà l’écologiste alle­mand Fischer — alors chan­ce­lier — avait convain­cu les Verts de voter l’engagement alle­mand pour bom­bar­der la You­go­sla­vie en 1999, ain­si que l’envoi de troupes au Koso­vo. Il avait décla­ré à ce sujet : « pour la pre­mière fois en ce siècle, nous sommes du bon côté ». On se rap­pelle les incan­ta­tions de Ray­monde Dury, une socia­liste belge qui dans une tri­bune du Soir, sou­te­nait l’invasion mili­taire de l’Irak tout en pro­met­tant qu’une fois Sad­dam Hus­sein éli­mi­né, la gauche euro­péenne en ferait beau­coup plus pour sou­te­nir les pales­ti­niens. L’invasion fit 800.000 morts par­mi « la popu­la­tion à pro­té­ger » et remit au goût du jour les pri­sons secrètes, les vols clan­des­tins et la tor­ture à l’échelon mon­dial. Quant aux palestiniens…

Cette fois, en 2011, les verts et socia­listes fran­çais, belges, etc.. ne pro­mettent plus rien en échange de l’attaque mili­taire de la Libye. Ils ont sim­ple­ment expri­mé leur “impa­tience” face aux lour­deurs de la machine mili­taire, inca­pable de se mettre assez vite en mou­ve­ment. Comme d’habitude ce n’est que lorsque le son des canons et que les grosses caisses de la pro­pa­gande de guerre se tai­ront, qu’on pour­ra mesu­rer l’étendue de la mani­pu­la­tion avant et pen­dant cette inter­ven­tion militaire.

L’important est de tirer les leçons poli­tiques de ces posi­tions qui ont aidé à faire de la Libye « le fait cen­tral » et à éla­bo­rer les argu­ments « huma­nistes » préa­lables à son inva­sion, en écar­tant les dis­so­nances, résis­tances, témoi­gnages qui n’entraient pas dans la vision dominante.

L’avantage, s’il y en a un dans cette affaire, c’est qu’elle aide­ra les peuples du Sud à se défaire de quelques illu­sions sur ce qui ose encore s’appeler une « gauche » en Europe.

« 18 mars 2011 | Eco­lo salue la déci­sion du conseil de sécu­ri­té de l’ONU et sou­tien­dra une par­ti­ci­pa­tion bali­sée de la Bel­gique aux efforts entre­pris contre la répres­sion bar­bare du colo­nel Kadhafi.

Le conseil de sécu­ri­té de l’ONU vient enfin d’autoriser les Etats membres à prendre toutes les mesures néces­saires, à l’exception d’une occu­pa­tion ter­restre, pour pro­té­ger le peuple libyen de la répres­sion lourde du colo­nel Kadhafi.

Pour les éco­lo­gistes, cette réso­lu­tion doit se concré­ti­ser immé­dia­te­ment. Une coa­li­tion de force inter­na­tio­nale devrait voir le jour dans les pro­chaines heures. Les éco­lo­gistes sou­tien­dront au par­le­ment fédé­ral une par­ti­ci­pa­tion de la Bel­gique à une inter­ven­tion inter­na­tio­nale telle que bali­sée par la réso­lu­tion de l’ONU. Notre pays, qui a recon­nu le Conseil Natio­nal de Tran­si­tion (CNT) comme un inter­lo­cu­teur offi­ciel, a une res­pon­sa­bi­li­té morale à l’égard du peuple libyen.

Cette réso­lu­tion de l’ONU est d’autant plus légi­time qu’elle répond aux vœux du CNT. Le 9 mars der­nier, les infor­ma­tions dis­po­nibles sur les mas­sacres en cours et les appels à l’aide lan­cés par les oppo­sants libyens avaient inci­té ECOLO à deman­der la recon­nais­sance du CNT ins­ti­tué le 5 mars. À sa demande, ECOLO avait relayé les appels en faveur d’une inter­ven­tion mili­taire ciblée, bali­sée, effi­cace, limi­tée dans le temps et négo­ciée avec la nou­velle Répu­blique libyenne, ain­si qu’une sécu­ri­sa­tion des quelques ports « libé­rés » par les insur­gés afin d’assurer une aide ali­men­taire, sani­taire et médi­cale vitale pour la popu­la­tion libyenne.

Eco­lo espère éga­le­ment que le Conseil de Sécu­ri­té de l’ONU veille­ra au res­pect inté­gral de ses propres réso­lu­tions, contrai­re­ment à ce qu’il s’est pas­sé jusqu’à aujourd’hui. En effet, la cap­ture par les insur­gés, ce mar­di 15 mars, d’un navire bat­tant pavillon grec et trans­por­tant 23.000 tonnes de pétrole ache­té à la Libye fait craindre que l’embargo sur les armes décré­té par le Conseil de Sécu­ri­té le 27 février ne fasse l’objet d’aucune sur­veillance. Le gou­ver­ne­ment belge doit en outre pré­ve­nir tout acte d’intimidation ou de repré­sailles qui pour­rait être com­mis sur le ter­ri­toire belge par les agents du régime de Kadha­fi à l’encontre des membres exi­lés du CNT et à l’encontre des citoyens belges d’origine libyenne ou des citoyens libyens pré­sents sur son territoire. »

LRV, avec Tele­sur, Pren­sa Lati­na, AVN