Ce qui semble normal

Par Pas­qua­li­na Cur­sio Cursio

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Vene­sol


Tra­duit par Vene­sol

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Nous avons été invi­tés, en tant qu’humanité, à une « nou­velle nor­ma­li­té », selon le sys­tème des Nations unies qui nous y invite.

Ce qui est nor­mal est ce qui est « lar­ge­ment accep­té », c’est bien connu, l’habituel, l’ordinaire, que cela nous plaise ou non, que nous le consi­dé­rions comme juste ou non. Face à une telle res­pon­sa­bi­li­té, la ques­tion que nous devons nous poser est la sui­vante : pour­quoi est-ce cette nor­ma­li­té et pas une autre qui carac­té­rise le monde aujourd’hui ? Qui béné­fi­cie de cette nor­ma­li­té aujourd’hui et donc qui sont ceux qui décident de ce qui est nor­mal et de ce qui ne l’est pas ? Com­ment ont-ils réus­si à nous convaincre de cette nor­ma­li­té ? Ce qui est consi­dé­ré comme nor­mal aujourd’hui est-il appro­prié pour les 7,5 mil­liards d’êtres qui habitent sur cette pla­nète ? Que faut-il changer ?

Ces ques­tions semblent très com­plexes et phi­lo­so­phiques, mais puisque nous avons été convo­qués, pen­sons le nou­veau monde comme nous aime­rions, inter­ro­geons et réflé­chis­sons sur la « nor­ma­li­té » actuelle, débar­ras­sons-nous des para­digmes qui nous ont été impo­sés, ima­gi­nons quelque chose de dif­fé­rent, devi­nons un autre monde possible.

Eduar­do Galea­no a dit, en citant Fer­nan­do Bir­ri : « À quoi sert l’utopie ? L’utopie est l’horizon, et si elle est à l’horizon, je ne l’atteindrai jamais, car si je fais 10 pas, l’utopie s’éloignera de 10 pas, et si je fais 20 pas, l’utopie s’éloignera de 20 pas, en d’autres termes, je sais que je ne l’atteindrai jamais, jamais. À quoi sert l’utopie alors ? L’utopie sert à te mettre en marche ».

Ce qui est « normal » aujourd’hui

Il semble que la chose « nor­male » est qu’environ 820 mil­lions de per­sonnes dans le monde sont aujourd’hui en situa­tion d’insécurité ali­men­taire, par­mi les­quelles 150 mil­lions souffrent de la faim, bien que, selon la FAO, chaque jour, il y ait suf­fi­sam­ment de nour­ri­ture pro­duite pour cha­cun des habi­tants de la pla­nète Terre.

On estime que d’ici 2020, quelque 12.000 per­sonnes seront mortes de faim chaque jour en rai­son de l’impact de la pan­dé­mie, un nombre plus impor­tant que celui esti­mé par le Covid-19 lui-même. La faim est aujourd’hui la cause de 45 % des décès d’enfants de moins de 5 ans dans le monde. C’est la « nor­ma­li­té » que nous connais­sons alors que 8 des plus grandes entre­prises ali­men­taires et de bois­sons ont dis­tri­bué plus de 18 mil­liards de dol­lars US à leurs action­naires depuis jan­vier de cette année, c’est-à-dire au plus fort de la pan­dé­mie. C’est dix fois plus que ce que les Nations unies estiment néces­saire pour évi­ter que les gens ne souffrent de la faim.

Il sem­ble­rait que c’est « nor­mal » que 1% de la popu­la­tion mon­diale s’approprie 82% de la pro­duc­tion mon­diale, ou du moins c’est ce qui se passe depuis des décen­nies. Il est éga­le­ment « nor­mal » que plus de la moi­tié des 7,5 mil­liards de per­sonnes sur cette pla­nète vivent dans la pauvreté.

Il est « nor­mal » que face à une situa­tion de contrac­tion de la pro­duc­tion mon­diale, quelque 450 mil­lions de per­sonnes soient au chô­mage, car il est éga­le­ment « nor­mal » dans le monde où nous vivons aujourd’hui que ces mil­lions de chô­meurs ne peuvent nour­rir quo­ti­dien­ne­ment leurs enfants tan­dis que les 12 mil­liar­daires les plus riches du monde ont bat­tu des records en aug­men­tant leur richesse de plus de 40% depuis jan­vier de cette année. Normal ?

Il semble « nor­mal », ou du moins c’est ce qu’on nous a fait voir et com­prendre depuis de nom­breuses décen­nies, que les rela­tions dans le pro­ces­sus social du tra­vail devraient être empreintes de dépen­dance, de domi­na­tion et d’exploitation. Pour­quoi est-il « nor­mal » que ceux d’entre nous qui pro­duisent vrai­ment et ceux qui apportent une valeur ajou­tée soient ceux qui pointent, qui ont à peine une demi-heure pour man­ger, ceux dont on compte et décompte le temps de tra­vail, et pour cou­ron­ner le tout, nous n’avons droit qu’à 18 % de tout ce que nous pro­dui­sons alors que nous sommes 99 % de la popu­la­tion, alors que le 1 % res­tant reçoit 82 % ? Cette ques­tion de l’exploitation du tra­vailleur devient « tel­le­ment nor­male » que par­fois, cer­tains ne sont même pas conscients d’appartenir à la classe exploi­tée et que se déclas­ser relève du « normal ».

Ima­gi­nons un ins­tant que le « nor­mal » ne soit pas le capi­ta­lisme, que la bour­geoi­sie ne conti­nue pas à s’approprier la valeur de notre force de tra­vail. Pen­sons à des rela­tions de tra­vail plus humaines, à la répar­ti­tion équi­table des richesses en termes de contri­bu­tion au pro­ces­sus de production.

Il est urgent de réflé­chir à la manière dont se réin­ven­te­ra le capi­tal dans cette « nou­velle nor­ma­li­té » qui inté­gre­ra de nou­veaux rap­ports de tra­vail non plus seule­ment basés sur la domi­na­tion, mais aus­si de nou­velles tech­no­lo­gies. Il faut aller de l’avant pour évi­ter qu’ils nous imposent, une fois de plus, à une autre « nou­velle normalité ».

Ce qui est « nor­mal », c’est que, par exemple, les femmes et les filles du monde entier consacrent 12,5 mil­liards d’heures par jour à des acti­vi­tés telles que s’occuper des enfants, des per­sonnes âgées, des malades ou des han­di­ca­pés, en plus des tâches domes­tiques comme la cui­sine, le net­toyage ou la cor­vée d’eau ou de bois de chauf­fage, sans que celles-ci soient recon­nues comme une valeur ajou­tée à l’économie et beau­coup moins rémunérées.

Les blo­cus éco­no­miques font déjà par­tie de la « nor­ma­li­té » de ce monde, ou du moins c’est ce que les inté­rêts du grand capi­tal essaient de nous faire voir. Il est déjà « nor­mal » d’aller chaque année à l’Assemblée des Nations unies et que tous les pays sauf deux votent contre le blo­cus de Cuba, tout comme il est « nor­mal » pour les États-Unis que ce vote ne les pré­oc­cupe pas. Les contraintes et les menaces cri­mi­nelles que les États-Unis font peser sur les peuples du monde font par­tie de cette « nor­ma­li­té » qui doit être chan­gée. Pour­quoi un pays devrait-il déci­der du sort d’autres peuples ?

Il est « nor­mal », depuis Bret­ton Woods, qu’une seule mon­naie, le dol­lar amé­ri­cain, soit la réfé­rence mon­diale et qu’un seul sys­tème de paie­ment, le SWIFT, soit le cadre des tran­sac­tions finan­cières. Depuis les années 70, il est « nor­mal » que le pétrole soit ache­té et ven­du en dol­lars, tous les pays devant avoir la « pré­cieuse » mon­naie. Il est peut-être temps d’instaurer une « nou­velle nor­ma­li­té » en matière moné­taire et finan­cière, afin de reti­rer le pri­vi­lège et le pou­voir qui ont été accor­dés aux États-Unis dans la « nor­ma­li­té » post-Seconde Guerre mon­diale. Il est peut-être temps d’échanger avec de nom­breuses mon­naies de réfé­rence et de mettre en place une mul­ti­pli­ci­té de sys­tèmes de paie­ment compensatoire.

Nous per­drions une grande oppor­tu­ni­té en tant qu’humanité si, en ces temps de pan­dé­mie, ayant été appe­lés à une « nou­velle nor­ma­li­té », nous nous conten­tions de pen­ser et de poser seule­ment un nou­veau monde dans lequel le masque devient un acces­soire indis­pen­sable à notre tenue ves­ti­men­taire quotidienne.

Nous méri­tons un monde d’égalité, sans exploi­tés ni exploi­teurs, sans dis­tinc­tion ni exclu­sion, sans racisme ni xéno­pho­bie, éco­lo­gi­que­ment durable. Le monde que nous vou­lons doit garan­tir le droit des peuples à l’autodétermination, doit être mul­ti­cen­trique et mul­ti­po­laire, sans domi­na­tion impé­riale, dans lequel la coopé­ra­tion et la soli­da­ri­té pré­valent. Un monde dans lequel les normes inter­na­tio­nales sont res­pec­tées et appli­quées par tous.

Nous vou­lons un monde dans lequel la jus­tice, la vraie liber­té et la paix sont la norme. Mar­chons, sans détour, vers cet horizon.