Des fausses universités belges délivrent des doctorats au Chili

l’U­ni­ver­si­té du Chi­li a du annu­ler deux postes de doc­to­rat — qui avaient été recon­nus précédemment…

Le minis­tère fédé­ral de l’é­co­no­mie de Bel­gique (SPF éco­no­mie) a publié un cadastre de 41 éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment supé­rieur qui ne sont pas recon­nus et octroient des diplômes de troi­sième cycle comme si elles l’étaient. Par­mi eux se trouve l’U­ni­ver­si­té Libre des Sciences de l’En­tre­prise et des Tech­no­lo­gies de Bruxelles, ULSETB, qui attri­bue au Chi­li un doc­to­rat en ligne depuis plu­sieurs années ; des diplômes de troi­sième cycle ont même été reçus par les pou­voirs publics. Le minis­tère des Affaires étran­gères et le minis­tère de l’Éducation du Chi­li ont four­ni un rap­port au pro­cu­reur de la région centre-nord pour com­men­cer une enquête dans laquelle la fal­si­fi­ca­tion de docu­ments publics ne serait pas exclue.

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Il y a un mois, le site El Mostra­dor a publié un repor­tage indi­quant que vers fin sep­tembre, l’U­ni­ver­si­té du Chi­li a du annu­ler deux postes de doc­to­rat — qui avaient été recon­nus pré­cé­dem­ment — de deux hauts fonc­tion­naires du pou­voir judi­ciaire : Ricar­do Guz­man San­za, direc­teur de la Cor­po­ra­tion d’ad­mi­nis­tra­tion de la magis­tra­ture et du pou­voir judi­ciaire (CAPJ), ain­si qu’ Alex Sara­via Moli­na, chef du Dépar­te­ment de la pla­ni­fi­ca­tion et de la coor­di­na­tion du même orga­nisme. Ils pré­sentent le grade de Doc­tor of Busi­ness Admi­nis­tra­tion, décer­né par l’U­ni­ver­si­té Libre des Sciences de l’En­tre­prise et des Tech­no­lo­gies de Bruxelles (ULSETB); et le grade de doc­teur en admi­nis­tra­tion d’entreprises de l’U­ni­ver­si­té du Chili.

Les auto­ri­tés belges soup­çon­naient déjà un cer­tain nombre d’ins­ti­tu­tions qui agis­saient sans les cer­ti­fi­ca­tions néces­saires. En plein milieu de l’enquête, l’UL­SETB a chan­gé son nom en Liber Uni­ver­si­tas Nego­tio­rum Scien­tia­rum et Tech­ni­ca­rum Dis­ci­pli­na­rum Bruxel­lae et est impos­sible à loca­li­ser. Seule­ment, un site Web qui n’est pas libre d’accès. L’a­dresse où ils étaient cen­sés être à Bruxelles (Ave­nue Brug­mann 183 — 1190 Bruxelles), n’a pas d’auditoires, ni salles de classe, juste quelques bureaux d’a­vo­cats. Mal­gré d’insistantes démarches pour obte­nir une réponse de cette uni­ver­si­té belge, le contact n’a jamais été pos­sible. L’ULSETB aurait été créé par le décret royal n° 15223 en mai 2006. Cepen­dant, dans le moni­teur belge le décret est inexis­tant. Les auto­ri­tés belges ont étés alertées.

Mer­cre­di 30 novembre 2016, le SPF Eco­no­mie a dévoi­lé une liste de 41 fausses uni­ver­si­tés opé­rant en Bel­gique (dont 10 en Wal­lo­nie et 23 à Bruxelles). Le cadastre du minis­tère fédé­ral de l’é­co­no­mie, res­pon­sable, entre autres, des infrac­tions dans les pra­tiques com­mer­ciales et de la pro­tec­tion du consom­ma­teur porte un coup à un cer­tain nombre d’ins­ti­tu­tions, y com­pris l’U­ni­ver­si­té Libre des Sciences de l’En­tre­prise et des Tech­no­lo­gies de Bruxelles — ULSETB, qui délivre au Chi­li des diplômes de doc­to­rat depuis plu­sieurs années.

Chris­tine Favart, expert pour l’Amérique Latine de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles, a confir­mé que l’UL­SETB “n’existe plus et leur site a été fer­mé.” Favart signale éga­le­ment que cet orga­nisme se pré­sen­tait pré­cé­dem­ment comme une fon­da­tion. Ce qui est cer­tain c’est qu’ils ne peuvent agir comme une uni­ver­si­té car ils ne le sont pas. “Je pense qu’ils ont sen­ti le vent tour­ner et se sont rebap­ti­sés juste avant l’enquête,” affirme-t-elle par courriel.

Dans la com­mu­ni­ca­tion du SPF Eco­no­mie repro­duite dans la presse belge, ils déclarent qu’un centre d’é­du­ca­tion ne peut pas uti­li­ser le terme d’ “uni­ver­si­té ou haute école” si elle n’est pas recon­nue comme telle par la com­mu­nau­té com­pé­tente. Si l’ins­ti­tu­tion ne dis­pose pas de ces réfé­rences, et devient l’u­ni­ver­si­té (ou un autre nom pro­té­gé) et offre des cours menant à un bac­ca­lau­réat, maî­trise ou doc­to­rat, on pour­rait par­ler de pra­tiques trom­peuses et mal­hon­nêtes (vio­la­tion du code de commerce).

L’une des prin­ci­pales ins­ti­tu­tions liées à l’ULSETB au Chi­li est le EGEU Busi­ness School, Euro­pean School of Mana­ge­ment, qui décerne un doc­to­rat “en par­te­na­riat” avec l’UL­SETB concerné.

Sur base d’une décla­ra­tion publique du direc­teur de l’EGEU Busi­ness School, Eduar­do Ber­to­lo, on peut affir­mer que l’é­cole fait l’ob­jet d’un pro­ces­sus d’en­quête par les enti­tés offi­cielles du gou­ver­ne­ment belge afin de vali­der que ces pro­pos sont réels. On ne peut pas comp­ter sur une réponse offi­cielle à ce jour.

Chez EGEU on assure que les der­nières infor­ma­tions offi­cielles émises par les auto­ri­tés belges en octobre der­nier, un docu­ment four­ni par Wal­lo­nie-Bruxelles Inter­na­tio­nal à la demande de l’am­bas­sade de Bel­gique au Chi­li, montrent que l’ULSETB compte sur une légi­ti­mi­té juri­dique en Bel­gique, “selon les décrets réels et minis­té­riels, ils peuvent émettre des titres pri­vés ou soi-disant propres qui sont légi­ti­més par l’in­ter­mé­diaire de la Conven­tion Apos­tille de La Haye, dont la qua­li­té est cer­ti­fiée par la CUS et la rigueur aca­dé­mique est assu­rée par ses centres asso­ciés dans divers pays dans le monde.”

Mal­gré ces infor­ma­tions, chez EGEU on dit qu’ils “pren­dront toutes les mesures néces­saires dans le cas où un de ses par­te­naires stra­té­giques ne répon­dait pas aux para­mètres juri­diques et aca­dé­miques afin d’assurer leur vali­di­té dans cha­cun de leurs pays d’o­ri­gine.

Le grade de doc­teur de cette uni­ver­si­té peut éga­le­ment être acquis par le biais d’un site Web pour envi­ron 8.000 euros. Un site qui jus­qu’à aujourd’­hui est tou­jours actif.

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Suspicions de la justice

Le minis­tère des Affaires étran­gères d’abord et celui de l’é­du­ca­tion sont en cause. Le gou­ver­ne­ment chi­lien est au cou­rant de ces éven­tuelles irré­gu­la­ri­tés qui ont été ren­dues publiques dans la presse chi­lienne. Mais, jus­qu’à pré­sent aucune plainte ou dénon­cia­tion n’a été faite par d’éventuelles vic­times, cepen­dant, le minis­tère des Affaires étran­gères a dénon­cé cer­tains faits au pro­cu­reur. Ils seraient liés à la mai­son d’études belge, trans­mis le 8 novembre au dépar­te­ment juri­dique consu­laire du Pro­cu­reur Centre-Nord.

Le Minis­tère des Affaires étran­gères a dénon­cé auprès du Minis­tère Public cer­tains faits qui semblent être délic­tueux et seront étu­diés par la jus­tice” affirment-ils. L’ac­tion sou­ligne que les faits consti­tue­raient des crimes contre la foi publique.

Sur base d’an­té­cé­dents, le minis­tère des Affaires étran­gères men­tionne éga­le­ment l’U­ni­ver­si­té du Chi­li comme l’ins­ti­tu­tion qui a recon­nu deux doc­to­rats déli­vrés par le ULSETB.

Le Minis­tère de l’é­du­ca­tion est éga­le­ment au cou­rant de ces éven­tuelles irré­gu­la­ri­tés et, deux semaines après la publi­ca­tion, il a éga­le­ment déci­dé d’in­for­mer le pro­cu­reur. Le minis­tère de l’E­du­ca­tion a ren­du un rap­port le lun­di 21 novembre sur une plainte contre EGEU Busi­ness School ; une action qui a été com­plé­tée d’une infor­ma­tion envoyée par le Conseil Natio­nal de l’Education.

Il convient de noter que, lorsque le Minis­tère de l’E­du­ca­tion reçoit une plainte concer­nant une ins­ti­tu­tion qui décerne des titres et que cette enti­té ne cor­res­pond pas à l’un des éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment supé­rieur appar­te­nant à l’É­tat ou recon­nu par la pré­sente (qui sont habi­li­tés par la loi à déli­vrer des diplômes), le minis­tère de l’E­du­ca­tion informe le pro­cu­reur esti­mant que ces faits pour­raient consti­tuer un crime”, a‑t-on décla­ré au ministère.