Le jazz et les femmes, les femmes du jazz

Par Nico­las Béniès

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Entreleslignes/mots

Dans toute his­toire du jazz qui se res­pecte, les femmes ne sont pas oubliées.

Mary-Lou Williams, pia­niste, com­po­si­teure, arran­geure — il faut lire son por­trait par Jacques Réda 1 – eût la pre­mière l’audace de consti­tuer un com­bo (c’est le nom tra­di­tion­nel­le­ment don­né aux petits ensembles) uni­que­ment consti­tué de jazz­wo­men 2 et a su, tout au long de sa vie, se conver­tir — j’emprunte le terme à Réda — pour res­ter contem­po­raine, après avoir été moderne dans les années 1930. Pour indi­quer sa place dans les mondes du jazz, à cette époque, il suf­fit de dire que c’est elle que les musi­ciens ont déci­dé de réveiller pour arbi­trer le match entre Cole­man Haw­kins et Les­ter Young à Kan­sas City, dans le milieu des années 1930, qui n’en finis­sait pas. Un match sans vain­queur ou plu­tôt avec deux vain­queurs sui­vant les pen­chants de chaque auditeur(e). Elle est certes citée, louan­gée même pour son tra­vail d’arrangeure — elle est res­pon­sable de la sono­ri­té par­ti­cu­lière de l’orchestre d’Andy Kirk au nom ravis­sant, les « 12 nuages de joie » — sans que son influence ne soit mise en évi­dence. Le seul à la reven­di­quer est Hil­ton Ruiz qui a étu­dié avec elle et lui a dédiée une de ses com­po­si­tions 3.

Est-elle un zom­bie dans les mondes du jazz ? Pia­niste, elle a joué avec tout ce que le monde des jazz compte de nova­teurs. Les grands orchestres de Kan­sas City, le Big Band de Diz­zy Gil­les­pie — au fes­ti­val de New­port en 1957, un album Verve en témoigne —, et même ren­con­tré Cecil Tay­lor (enre­gis­tré pour le label Pablo, de Nor­man Granz). Elle a influen­cé la plu­part des pia­nistes de son temps. Per­sonne n’a fait part de sa dette. A l’exception peut-être des autres pia­nistes — il fau­drait rajou­ter un « e » — comme Beryl Boo­ker qui avait été choi­sie par Billie Holi­day pour une tour­née en Europe. Billie avait insis­té… Ou Doro­thy Done­gan 4, une autre de ces pia­nistes superbes et tota­le­ment ignorées.

Mary-Lou Williams (1910 – 1981)

Mary Lou s’était éloi­gnée du show biz — parce que le jazz fait aus­si par­tie de cette indus­trie — pour deve­nir infir­mière, pour y reve­nir une der­nière fois. Depuis sa mort, le 28 mai 1981, plus per­sonne n’en parle… Elle a dis­pa­ru, évanouie…

Elle n’est pas la seule dans ce cas, et ce n’est pas réser­vé au jazz. Par exemple, qui se sou­vient du Prix Nobel de lit­té­ra­ture 1945 ? Gabrie­la Mis­tral, une femme bien sur. Pas for­cé­ment démonstratif ?

Pre­nons Augus­ta Hol­mès — non ce n’est ni la sœur ni la femme de Sher­lock, et pour cause. Com­po­si­teure recon­nue, de son temps, les auto­ri­tés fran­çaises lui deman­dèrent de com­po­ser la musique de l’anniversaire du cen­te­naire de la révo­lu­tion fran­çaise, en 1889, « L’Ode triom­phale ». Femme libre, nova­trice, talen­tueuse, elle fit scan­dale, comme il se doit. Dés sa mort, d’une crise car­diaque le 28 jan­vier 1903, s’organise sa mise défi­ni­tive au tom­beau. Pour l’éternité. Ses œuvres ne seront plus jouées, tout le monde fera comme si elle n’avait jamais exis­té. Cer­taines ency­clo­pé­dies sur la musique n’en par­le­ront pas5.

Pour le jazz, tout avait mal démar­ré. Par Bes­sie Smith. L’impératrice du blues ! Elle a eu le mal­heur, dans l’ordre d’apparition sur l’écran noir des légendes :

De figu­rer dans le livre de sou­ve­nirs, avec beau­coup d’oublis, beau­coup de trans­fi­gu­ra­tions, de légendes, de Mezz Mezz­row, « La rage de vivre » 6, écrit en col­la­bo­ra­tion avec Ber­nard Wolfe, se vou­lant une saga des pre­miers temps du jazz. Mezz­row vou­drait démon­trer, en fai­sant sem­blant de racon­ter sa vie, que les grands jazz­men ne peuvent être que Noirs. Il ren­contre, fort logi­que­ment, sur sa route Hughes Panas­sié qui par­tage cette même vision, influen­cé qu’il est par les thèses de Jacques Mari­tain sur le déclin de la civi­li­sa­tion occi­den­tale. Pour lui le salut vien­dra d’une chose noire. Para­doxa­le­ment, cette façon de voir sera par­ta­gée, un peu plus tard, après la deuxième guerre mon­diale, par le Par­ti Com­mu­niste Amé­ri­cain, qui fera du Noir le sym­bole de la classe ouvrière…

Mezz raconte — et la plume de Ber­nie Wolfe n’y est pas pour rien — la mort de Bes­sie dans un acci­dent de voi­ture. Ce ne sera pas la der­nière à mou­rir de cette manière… Les secours mettent du temps à arri­ver et ils sont à proxi­mi­té d’un hôpi­tal pour Blancs qui refusent de la soi­gner et la laisse décé­der. Belle image. Le racisme de la socié­té amé­ri­caine tue et il tue les chan­teuses de blues et de jazz — la dif­fé­rence n’est pas très évi­dente ici. Du coup, le génie — oui, il faut employer à son pro­pos ce terme là, elle est fon­da­trice de toute une tra­di­tion, Billie Holi­day l’écoutera énor­mé­ment et, comme à chaque fois dans le jazz, elle sui­vra sa voie en refu­sant obs­ti­né­ment de l’imiter, elle ira jusqu’à même ne plus chan­ter de blues, sauf « Fine and Mel­low », de sa com­po­si­tion -, le talent, la musi­cienne tout sim­ple­ment dis­pa­raît der­rière cette image. Bes­sie Smith = morte à cause du racisme, et Bes­sie Smith n’existe plus.

Eli­za­beth “Bes­sie” Smith (1894 – 1937)

En fait, per­sonne n’aurait eu l’idée à cette époque — elle meurt le 26 sep­tembre 1937, à 42 ans — de la trans­por­ter dans un hôpi­tal pour Blancs. Stric­te­ment, ce n’était pas pos­sible. Par-là même, que l’hôpital refuse de la soi­gner, ne s’envisage même pas. Une inven­tion pure et simple du musi­cien ou du jour­na­liste ou des deux. Ils ont per­du Bes­sie Smith en vou­lant en faire une héroïne de la lutte contre le racisme. Elle n’en deman­dait pas tant.

Il aurait été plus intel­li­gent de racon­ter son com­bat contre ce monde d’hommes pul­lu­lant dans le show biz, avec cette men­ta­li­té bien par­ti­cu­lière sup­po­sant de savoir com­ment faire de l’argent, com­ment valo­ri­ser son capi­tal. Elle avait consti­tué une sorte de com­mu­nau­té, de regrou­pe­ment de femmes pour s’entre aider. Une com­mu­nau­té les­bienne, seule façon de s’organiser et de trou­ver un peu de récon­fort, d’amour, osons le mot. Ce sera aus­si le cas pour « Ma » Raney, une autre grande chan­teuse de blues de ce temps-là. Mais aus­si pour Billie Holi­day et pour beau­coup d’autres… Ce monde-là est cruel.

Tony Mor­ri­son en a fait la trame de ses romans… C’est une des entrées dans son monde fait de mor­ceaux d’histoires, de moments, tout autant que la réfé­rence à la culture des gos­pels, des blues et des jazz. Elle pra­tique en pro­fes­sion­nelle le « double entendre » mâti­né de reven­di­ca­tions fémi­nistes. Elle s’inscrit direc­te­ment dans « l’Anglais noir » d’un côté — voir la « Suite amé­ri­caine » — et dans toutes les tra­di­tions de ce patri­moine qui se trans­met ora­le­ment. Dans « Jazz », titre qui dit bien son rap­port avec « la musique du diable » — comme les Etat­su­niens bien pen­sants l’ont tou­jours appe­lée – contrai­re­ment à ce qu’ont affir­mé la plu­part des cri­tiques au moment de la paru­tion de ce livre, décrit le par­cours de 6 per­son­nages, dont un « je » ano­nyme condui­sant les 5 autres. En même temps qu’elle ins­crit ses per­son­nages dans le Har­lem de ces années 1920 7, elle décrit le par­cours inté­rieur d’une de ces femmes vers la prise de conscience de ce qu’elle est et non pas de la manière dont son mari — qui a assas­si­né sa maî­tresse v ou son entou­rage la voit. Années dites folles, années de trans­hu­mance des anciens esclaves du Sud vers ce Har­lem mythique dont tout le monde parle, où même les Antillais des îles « fran­çaises » y viennent et imposent d’y fêter le 14 juillet, une sorte de marche non seule­ment dans l’espace mais sur­tout vers un autre uni­vers. Elle raconte expli­ci­te­ment cette his­toire, his­toire à la fois par­ti­cu­lière et col­lec­tive8. Comme les blues. L’écriture adopte les questions/réponses – ou appels-et-répons – qui sont à l’œuvre à la fois dans les gos­pels, les blues et une par­tie du jazz.

Billie Holi­day (1915 – 1959)

Les immi­grants qui arrivent du Sud s’urbaniseront sans pro­blème, et seront même plus cita­din que les cita­dins, pour oublier les racines, l’esclavage. Une atti­tude des Afri­cains-Amé­ri­cains que l’on retrouve tout au long du siècle, déci­dés qu’ils sont à refou­ler leur his­toire. C’est une plon­gée dans l’inconscient col­lec­tif qu’elle nous pro­pose en racon­tant le New York des années 20 – 26, et les migra­tions des Afri­cains-Amé­ri­cains du Sud vers le Nord.

Elle veut expli­ci­te­ment lut­ter contre toutes ces images déva­lo­ri­sante des femmes et notam­ment des femmes afri­caines-amé­ri­caines. Pour situer le contexte du jazz, rap­pe­lons qu’en juin 1928, Louis Arm­strong enre­gis­tre­ra son chef d’œuvre abso­lu, « West End Blues »… Que Har­lem vit au rythme de la Renais­sance, en même temps que des « rent par­ties » — mini-concert orga­ni­sé chez l’habitant et par l’habitant pour payer le loyer —, que les « les séances de jazz per­met­taient aux Noirs amé­ri­cains d’affirmer — et non de reje­ter — leur pas­sé indi­vi­duel et col­lec­tif. » 9

Dans « Para­dis » 10, elle pour­suit dans la même voie en com­men­çant par se poser et nous poser la ques­tion de savoir si le Para­dis existe. Il est pos­sible de le construire répond-elle. Mais il déran­ge­ra. Parce qu’il sera com­po­sé de femmes fuyant ce monde d’hommes où elles sont oppres­sées. Ce sera la guerre, déclen­chée par les hommes. En toute bonne conscience. Sans com­prendre que dans cette guerre, ce sont eux aus­si qui ont per­du. Tout. Leur mémoire en par­ti­cu­lier. Leurs racines. Sur­tout les Afri­cains-Amé­ri­cains. Parce qu’ils ont subi toutes les ava­nies, parce qu’ils sont consi­dé­rés comme des hommes invi­sibles dans cette socié­té amé­ri­caine qui s’est consti­tuée sur le racisme 11. Fait-on œuvre de libé­ra­tion en repro­dui­sant les com­por­te­ments de l’oppresseur ? Redou­table ques­tion que pose l’auteure. Guerre était le titre qu’elle avait choi­si. L’éditeur a pré­fé­ré Paradis…

Neuf femmes décident un beau jour de se libé­rer de leurs chaînes. Elles partent. Dans la grande tra­di­tion amé­ri­caine. Elles cherchent un endroit où aller. Elles se retrouvent dans un Couvent. Ancien, actuel ? On ne sait pas. Ce n’est pas impor­tant. Comme le pour­quoi de leur révolte. Comme leur pas­sé. Inutile. L’important, c’est leur ren­contre, leur vie. Ensemble. Toni Mor­ri­son ne sait pas tout d’elle. Elle n’est pas Dieu. Elle se contente de regar­der, de noter les réac­tions, les conflits. Avec la ville, uni­que­ment com­po­sée de Noirs — une réa­li­té du Sud des Etats-Unis — et entre elles. Elles se battent, se déchirent, ont des his­toires d’amour… La vie… Le fait que l’une d’entre elles soit blanche est sans consé­quence dans le monde qu’elles se construisent.

Elles en mour­ront. Nous le savons dés le début. Mais leurs fan­tômes conti­nue­ront de han­ter les consciences. Ain­si elles vivront dans la mémoire de ces femmes qui se déci­de­ront un jour à ten­ter une expé­rience similaire.

Toni Mor­ri­son, prix Nobel de lit­té­ra­ture 1993, a vou­lu conju­guer dans son écri­ture les liber­tés de ces neuf femmes. Pour lut­ter. Contre toutes les fal­si­fi­ca­tions. Dont celle de Louis Far­ra­khan et de son groupe, Nation of Islam. Non, les femmes ne peuvent pas res­ter à la mai­son. Elles sont, au contraire, au centre du com­bat poli­tique. Elles portent la mémoire, la culture. Sans elles ni le blues, ni le gos­pel et donc le jazz n’auraient été pos­sibles 12. Cette écri­ture-là est por­tée par cette musique-art-de-vivre. Par le swing qui ne se conçoit pas sans la liber­té 13.

Dans ce roman, « Para­dis », Tony Mor­ri­son fait clai­re­ment réfé­rence à Zora Neale Hurs­ton et à son auto­bio­gra­phie, Des pas dans la pous­sière 14. Le cadre est une petite bour­gade du Sud des Etats-Unis gérée et habi­tée par des Afri­cains-Amé­ri­cains res­sem­blant à celle où est née Zora. Elle fut une pion­nière de la lit­té­ra­ture fémi­niste, noire-amé­ri­caine. On com­prend pour­quoi Alice Wal­ker, l’auteure de La Cou­leur Pourpre, a fait pla­cer une pierre tom­bale à l’endroit approxi­ma­tif où elle repose 15. Toutes les roman­cières amé­ri­caines lui paient leur dette. Elle a payé le prix éle­vé de cette liber­té, de cette volon­té de construire sa propre vie, son œuvre.

Sa vie fut un com­bat pour se faire recon­naître comme auteure à part entière, comme anthro­po­logue, pour vivre de sa plume. Ce qu’elle n’a pas réus­si à faire. Elle mour­ra pauvre en 1960. Elle joue­ra un rôle de pre­mier plan dans le mou­ve­ment des années 20 qui se construit autour de la « négri­tude », mou­ve­ment dont se récla­me­ra Sen­ghor, affir­ma­tion de la culture spé­ci­fique des Afri­cains-Amé­ri­cains, par­tant de Har­lem. A cette époque le ghet­to brille des mille feux du jazz, de la pho­to­gra­phie — Van Vech­ten en sera un des ani­ma­teurs —, de la danse, de la lit­té­ra­ture, avec Lang­ston Hughes comme ani­ma­teur prin­ci­pal. C’est LE lieu à la mode. Elle refu­se­ra, avec quelques rai­sons, ce concept de négri­tude, pour faire péné­trer dans la lit­té­ra­ture ce lan­gage par­ti­cu­lier, cette langue qu’est « l’Anglais noir » comme le « double-entendre » — comme disent les Amé­ri­cains — propre aux oppri­més vou­lant com­mu­ni­quer devant le maître blanc. Zora l’utilise dans cette auto­bio­gra­phie publiée en 1942 alors qu’elle se dis­pute et avec ses mécènes et avec ses édi­teurs. Être une femme dans ce monde d’hommes, y com­pris dans la com­mu­nau­té afri­caine-amé­ri­caine, est une gageure qu’elle relève.

Doro­thy Done­gan (1922 – 1998)

Au-delà de cette vie qui se reflète dans son écri­ture, c’est une véri­table écri­vaine. Avec un style qui lui appar­tient, avec cette manière, héri­tée du blues, douce-amère de par­ler de soi, d’inverser les situa­tions en pra­ti­quant un humour et une iro­nie per­met­tant à la fois de faire sou­rire et de faire réflé­chir. Rien ici ne res­sort d’une véri­table auto­bio­gra­phie, et tout est autobiographique.

Il est temps sans doute de décou­vrir Zora Neale Hurs­ton et ce fai­sant de faire un saut dans l’inconnu dans une culture spé­ci­fique née de la dépor­ta­tion des Afri­cains sur cette terre amé­ri­caine. Pour appré­hen­der plus faci­le­ment ce conti­nent, le livre de Robert Sprin­ger, bien que d’un style par trop uni­ver­si­taire, Les fonc­tions sociales du blues 16, sera un guide bienvenu.

Dans cette lignée de roman­cières — mais je ne sais trop si le terme « roman » convient – afri­caines-amé­ri­caines, Toni Cade Bam­ba­ra occupe une place impor­tante. Tony Mor­ri­son a beau­coup fait pour faire publier ses romans dont « Ce cadavre n’est pas mon enfant » 17 paru à titre post­hume racon­tant à la fois le racisme quo­ti­dien vécu par une famille noire, les Spen­cer dans un envi­ron­ne­ment mar­qué par les crimes d’enfants noirs. Elle décrit aus­si cette ville, Atlan­ta, qui fait par­tie des villes du jazz…

Un mes­sage d’espoir gît dans ce roman, la néces­si­té d’apprendre à vivre ensemble, sur de nou­velles bases, sans oublier la pas­sé. Par­lant de la guerre du Viêt-Nam, elle donne une appré­cia­tion qui pour­rait cor­res­pondre à celle actuelle menée en Irak : « En vrai trou du cul, il avait sous esti­mé trois choses : l’attachement qua­si géné­tique du gou­ver­ne­ment à l’image natio­nale du cow-boy invin­cible ; la démo­ra­li­sa­tion com­plète des troupes de com­bat, que l’on devait rem­pla­cer par du sang frais, ce qui vou­lait dire du sang noir et lati­no, en fait ; et enfin les très sérieux inté­rêts que les offi­ciers, les jour­na­listes et les pro­fi­teurs de tout poil avaient dans la pour­suite de la guerre. » (page 153)

Ce détour par la lit­té­ra­ture est néces­saire. Il indique d’abord que les réfé­rences cultu­relles se trouvent bien dans la trans­mis­sion orale, qu’elles sont autant musiques que paroles, gos­pel, blues et jazz. Les liens sont évi­dents à la lec­ture de ces auteures. Elles per­mettent aus­si d’appréhender la socié­té amé­ri­caine. Il montre ensuite que la lutte pour les droits des femmes n’est pas tota­le­ment accep­tée, y com­pris au sein de la com­mu­nau­té afri­caine-amé­ri­caine. Ces reven­di­ca­tions sont pour­tant essen­tielles, non seule­ment pour chan­ger l’air du temps, mais aus­si pour per­mettre d’autres rela­tions entre les êtres humains et sor­tir de ce libé­ra­lisme étouf­fant, dont la seule réponse est la mon­tée des com­mu­nau­ta­rismes comme tout l’indique. Cette lit­té­ra­ture éclaire la manière dont les femmes dans le jazz et le blues ont été mal­trai­tées ou igno­rées, c’est pire.

Le déni de la créa­teure — je n’aime pas créa­trice, et puis ce terme a un autre sens – Bes­sie Smith n’est pas très loin de ces des­tins de femmes. Elle aus­si s’est révol­tée. Chan­ter, s’imposer dans le monde et dans ce monde par­ti­cu­lier du Show Biz, est un com­bat pour la sur­vie, un com­bat pour s’imposer comme femme en même temps qu’artiste. En ces années de début de siècle, les spec­tacles sont iti­né­rants épui­sants. Ils s’appellent « Mins­trels », « Tent Shows » ou d’autres noms. Le Noir, para­doxe des para­doxes, est la seule cou­leur recon­nue. Même les Noir(e)s doivent se gri­mer en noir… Il est com­pré­hen­sible que, dés qu’elle ait pu, elle se soit payé une voi­ture per­son­nelle pour échap­per aux bus et à la pro­mis­cui­té. Une revanche aus­si cette voi­ture. Orphe­line à l’âge de huit ans, on a racon­té qu’elle dan­sât dans les rues jusqu’à faire par­tie de la troupe de « Ma » Rai­ney et par­tir en tour­née dés 1915, avec un « Tent Shows » orga­ni­sé par le syn­di­cat d’imprésarios, dit TOBA (Thea­ter Owners Boo­king Asso­cia­tion) (18.

Non seule­ment Mezz et Ber­nie en font l’égérie des méfaits du racisme, mais, en plus, elle allait tour­ner dans le court métrage « Saint Louis Blues » de Dud­ley Mur­phy (1929) — direc­tion musi­cale W.C. Han­dy et James P. John­son 19 — où elle incar­ne­ra une femme trom­pée, se saou­lant pour oublier, avec un sac pour robe et chan­tant — c’était le but du jeu — « Saint Louis Blues ». Cette image l’a sui­vie, d’autant que c’est son seul film. Bes­sie serait une alcoo­lique, nip­pée comme une souillon, tota­le­ment dévouée à son homme qui la vio­lente, lui pique son pognon pour par­tir avec une jeune femme… Un por­trait non seule­ment éloi­gnée de la réa­li­té de la chan­teuse, mais en plus déva­lo­ri­sant pour les femmes. « Le cli­ché selon lequel les chan­teurs — et sur­tout les femmes — expriment leur sen­ti­ment direc­te­ment par leurs chan­sons sans aucun média­tion intel­lec­tuelle, domine com­plè­te­ment le per­son­nage de Smith. » note jus­te­ment Krin Gab­bard 20. Com­ment confondre l’actrice avec le per­son­nage qu’elle incarne ? Une fois encore, la musi­cienne, la chan­teuse créa­teure d’un style, d’une esthé­tique ori­gi­nale était lais­sée pour compte. L’image pri­mait sur la réa­li­té de son art.

Non content de ces deux « images » très éloi­gnées de sa réa­li­té, une troi­sième allait aus­si estom­per l’art de l’impératrice du blues. Celle de Carl Van Vech­ten — pho­to­graphe par­ti­ci­pant de la « Renais­sance Nègre » de Har­lem bien que Blanc — repro­duite dans le livre que Flo­rence Mar­tin a consa­cré à Bes­sie Smith 21 dans lequel elle s’essaie avec suc­cès de lui rendre toute sa place. Bes­sie y appa­raît subli­mée, entre un masque afri­cain et l’autre d’Apollon, le pre­mier rigo­lard, le second sérieux et elle tout en noir. Il la repré­sen­te­ra aus­si altière, domi­na­trice, superbe. Une pho­to réus­sie où s’affirme les choix esthé­tiques de Van Vech­ten et non pas la quin­tes­sence de Bes­sie Smith. Une image de plus qui cache la chan­teuse… Tout en étant une créa­tion superbe du photographe.

Car­men McRae (1922 – 1994)

Seuls les enre­gis­tre­ments peuvent redon­ner vie à cette chan­teuse fon­da­men­tale, pilier de la tra­di­tion des blues et des jazz. Une anec­dote à son sujet. Dans les années 1930, alors que Louis Arm­strong trône dans les som­mets d’où il n’arrive pas à redes­cendre, un jour­na­liste lui demande si elle sou­vient d’avoir enre­gis­tré avec Satch­mo. C’était en 1925, et Le Louis com­men­çait juste à se faire connaître. Ensemble, ils avaient notam­ment gra­vé « Saint Louis Blues ». Mais c’était elle la res­pon­sable de la ses­sion. Elle avait donc enga­gé Arm­strong et pas l’inverse. Pour elle, cette ques­tion n’avait aucun sens. « Je ne me sou­viens pas », fut sa réponse. Logi­que­ment le jour­na­liste aurait dû fuir, rouge de honte… Une réponse iro­nique et méchante. Drôle ! Et pro­fond. Der­rière cette réponse ou plu­tôt dans cette volon­té de ne pas répondre, se trouve en même temps une bles­sure. La non-recon­nais­sance de sa place, pre­mière, dans le jazz. Bes­sie a influen­cé toutes les autres chan­teuses, plus ou moins direc­te­ment. Elle a été imi­tée, pillée. Elle est une des créa­trice de cet anti art suprême. Et on lui demande si elle se sou­vient du petit péque­not qu’elle avait enga­gé… Pour elle, c’est nier ce qu’elle est. C’est elle qui a fait subir son ascen­dant sur Louis Arm­strong alors à ses qua­si-bal­bu­tie­ments. Il vient d’être enga­gé par Flet­cher Hen­der­son et il com­mence à se faire recon­naître. Bes­sie est déjà impé­ra­trice ou peu s’en faut. Elle aura aus­si, par ses growls, par la manière de se situer dans le temps, une grande des­cen­dance du côté de tous les ins­tru­men­tistes. Sid­ney Bechet donne l’impression de l’avoir beau­coup écou­té, comme beau­coup d’autres… Elle a donc une place non seule­ment comme chan­teuse mais comme musi­cienne. Elle a subi, bien sur, ensuite l’influence de Satch­mo ou de Sid­ney, mais ce n’est pas à sens unique. Recon­naître sa posi­tion, c’est recon­naître aus­si que les chan­teuses — contrai­re­ment à une clas­si­fi­ca­tion que l’on retrouve très sou­vent — ne sont pas un monde à part, mais font par­tie com­plè­te­ment de cette his­toire du jazz qui n’a rien de chronologique.

La même his­toire se répé­te­ra pour Billie Holi­day 22. L’influence de Les­ter est bien mis en évi­dence par tous les cri­tiques et his­to­riens, mais celle de Billie est presque tout le temps igno­rée, sauf sur Les­ter lui-même. Pas sur les chan­teurs et chan­teuses, évi­dem­ment. Ain­si, est sou­li­gné — il suf­fit de lire ses inter­views — le poids qu’elle a eu sur la manière de chan­ter de Frank Sina­tra (il a aus­si écou­té Les­ter Young, qui pre­nait plai­sir à l’entendre…) ou sur la plu­part des chan­teuses. Cer­taines allant jusqu’à l’imiter pure­ment et sim­ple­ment. Dans cette filia­tion, il faut faire une place par­ti­cu­lière à Car­men McRae. D’abord parce qu’elle était née le même jour que Billie et, ensemble, elles fêtaient leur anni­ver­saire en se retrou­vant, ensuite parce que l’album qui allait consa­crer Car­men comme « grande chan­teuse » — Car­men deve­nait Car­men — est issu du réper­toire de Billie, « Lover man », comme titre géné­rique 23. Se retrouve la grande leçon du jazz, « je t’aime, je t’estime, je t’ai copié, pillé, digé­ré et main­te­nant sur­tout je ne t’imite pas pour rendre le véri­table hom­mage à ton œuvre ». La seule façon d’être fidèle, c’est de bous­cu­ler la tra­di­tion, pour vivre et la faire vivre. Un musi­cien de jazz ne peut pas se lais­ser enfer­mer dans le style d’un autre ou alors il n’est plus lui-même. Il joue comme l’autre. Il change de per­son­na­li­té. C’est arri­vé à chaque fois qu’un génie ou qu’une œuvre d’art vient remettre en cause tous les acquis. Com­ment suivre ? Il est très dif­fi­cile de s’accepter soi-même. Rompre avec le génie pour créer sa propre façon d’être dans cette nou­velle tra­di­tion, quelque fois en regar­dant en arrière est la seule manière de conti­nuer à être au monde.

Mary Lou Williams (1910 – 1981)

Oubliés aus­si ces orchestres tota­le­ment fémi­nins qui ont écu­mé toutes les salles de bals et de spec­tacles pen­dant la deuxième guerre mon­diale alors que les hommes étaient « sous les dra­peaux ». Par­ti­cu­liè­re­ment le Big Band « The Inter­na­tio­nal Swee­thearts of Rhythm » conduit par Rae Lee Jones qui n’aura plus d’engagement après avoir enre­gis­tré quelques 78 tours en 1945 – 46 24.

Oubliées d’une manière géné­rale toutes ces femmes libres qui osent bra­ver les inter­dits, quel que soit l’art en ques­tion. Il faut les enter­rer, les empê­cher de don­ner le mau­vais exemple en remet­tant en cause la toute puis­sance de l’organisation sociale qui se repro­duit aus­si sur le ter­rain des inéga­li­tés de sexe.

Il faut donc rompre avec toutes ces images. Oser écou­ter les musi­ciennes de jazz pour leur créa­tion, leur créa­ti­vi­té, leur talent et leur génie. Pas seule­ment parce que ce sont des femmes tout en consi­dé­rant que, pour une femme, ce sera tou­jours plus dif­fi­cile que pour un homme. Encore aujourd’hui.

Le concept de « genre » — « gen­der » – même s’il est impar­fait peut ser­vir pro­vi­soi­re­ment pour don­ner un nou­vel éclai­rage aux sciences sociales, à l’histoire cultu­relle et à celle des intel­lec­tuelles. Comme le fai­sait remar­quer Nicole Racine dans la pré­face de « Intel­lec­tuelles. Du genre en his­toire des intel­lec­tuels » (Com­plexe, 2004), le fémi­nin ne s’entend pas !

Peut-être est-il temps de chan­ger de côté pour écrire l’Histoire. De la prendre du côté obs­cur, de cette his­toire jamais écrite, celle des femmes, de leurs luttes, de leur éman­ci­pa­tion. C’est valable évi­dem­ment pour le jazz… Ce tra­vail n’a pas encore été fait. Dans la plu­part des revues de jazz, on peut lire désor­mais la place nou­velle acquise par les femmes. Quan­ti­ta­ti­ve­ment, les jazz­wo­men sont plus pré­sentes dans les mondes du jazz, il ne fau­drait pas en conclure pour autant qu’elles arrivent…

  1. « L’improviste, II. Jouer le jeu », Gal­li­mard, 1985. Pour­quoi est-ce jus­te­ment Mary-Lou Williams qui a dis­pa­ru de la publi­ca­tion en Folio ? 
  2. Mary Lou Williams’ Girl Stars, outre Mary Lou, Mar­gie Hyams était au vibra­phone, Mary Osborne à la gui­tare, June Roten­berg, à la basse et Rose Got­tes­man à la bat­te­rie, enre­gis­tre­ment du 24 juillet 1946, pour RCA Vic­tor. Un des pro­duc­teurs est le cri­tique de jazz, Bri­tan­nique, Leo­nard Fea­ther. Il est l’auteur, notam­ment, de l’Encyclopédie du jazz. Il avait pro­duit un 25 cm — la forme de départ du 33 tours, appe­lé LP, c’est sous cette déno­mi­na­tion qu’il s’est fait connaître, inven­tion dépo­sée —, enre­gis­tré le 2 juin 1954, « Cats ver­sus Chicks », pour MGM. Clark Ter­ry, trom­pet­tiste, condui­sait les « cats » — les mecs à la coule, bran­ché – et Ter­ry Pol­lard, vibra­pho­niste et pia­niste, les « chicks » — les nanas bran­chées. Une manière de rendre compte de la réa­li­té des mondes du jazz, un essai intel­li­gent et sen­sible. Per­sonne ne peut oublier que cette année-là, aux Etats-Unis, est une année noire du Maccarthysme.

    Peter Bölke qui signe le livret accom­pa­gnant la réédi­tion de cet album, en 2005, pour Docu­ment, croit déce­ler un lan­gage déva­lo­ri­sant pour les femmes chez Fea­ther. D’abord, il n’a jamais lu le bon Leo­nard, c’est dom­mage, notam­ment son auto­bio­gra­phie, « The Jazz Years, ear­wit­ness to an era », Quar­tet Book, 1986, ensuite il ignore que, dans le « jive » de cette époque — que Leo­nard pra­tique en ama­teur – cats est au même niveau que chicks… Sait-il qu’en 1945, un groupe uni­que­ment fémi­nin s’intitule « The Hip Chicks » avec Jean Star (tp), L’Ana Hyams (ts), Mar­jo­rie Hyams (vib) Vickie Zim­mer ℗, Marion Gange (g), Ceci­lia Zirl (b) Rose Got­tes­man (dr) ? faut-il les soup­çon­ner d’auto déva­lo­ri­sa­tion ? (voir l’album Saga­jazz, « Jazz­wo­men, great ins­tru­men­tals Gals »). Il ose écrire, à la fin, « Mais ne faut-il pas que toute louange donne une impres­sion légè­re­ment condes­cen­dante lorsqu’on laisse se pro­duire des musi­ciennes que presque per­sonne ne connaît face à des anciens ? » Sait-il que Beryl Boo­ker, pia­niste, a aus­si longue car­rière der­rière elle que Clark Ter­ry ? Que Mary Osborne, la gui­ta­riste aus­si, comme Elaine Leigh­ton, drum­mer — que je pré­fère à bat­te­rie — est déjà reconnue ?

    Ce n’est parce que les femmes enre­gistrent moins, laissent moins de traces de manière géné­rale qu’il faut en déduire qu’elles sont moins connues et que le pro­duc­teur orga­nise la com­pé­ti­tion pour per­mettre aux hommes de gagner. Cha­cun, cha­cune y va de sa per­for­mance, c’est la loi du jazz, pour jouer du mieux pos­sible, pour sor­tir l’essentiel, mais cette com­pé­ti­tion est sans gagnants ni per­dants. L’auditeur aime ou non, tout dépend de la façon dont il ou elle reçoit le mes­sage esthétique…

  3. Hil­ton Ruiz est mort, sans doute assas­si­né à la Nou­velle-Orléans, le 6 juin 2006. Il était né à New York le 29 mai 1952 dans une famille d’origine por­to-ricaine. Le thème « Blues for Mary Lou » a été enre­gis­tré le 8 février 1977, pour l’album Stee­ple­Chase, « N.Y. Hil­ton » (sur­nom de Hil­ton Ruiz). Mary Lou nous a quit­tée le 8 mai 1981, peu de temps après être entrée dans sa soixante-dou­zième année. 
  4. Elle a enre­gis­tré pour le label fran­çais, Black & Blue, « Makin’ Whoo­pee », 1979. Fresh Sound, le label du Cata­lan Jor­di Pujol, l’avait aus­si réédi­tée en trio, mais je ne sais si ces albums sont encore disponibles. 
  5. « Femmes fin de siècle, 1870 — 1914 : Augus­ta Hol­mès et Auré­lie Tid­ja­ni ou la gloire inter­dite », Michèle Friang, col­lec­tion Mémoires, Autre­ment, octobre 1998. 
  6. Pre­mière édi­tion 1946, « Real­ly the Blues » – une com­po­si­tion de Mezz qu’il jouée avec Sid­ney Bechet en 1938, tra­duc­tion fran­çaise de Mar­cel Duha­mel et Made­leine Gau­tier allant jusqu’à tra­duire en argot, le « jive », argot étrange des Afri­cains-Amé­ri­cains, langue des ghet­tos, langue évo­lu­tive, avec des résul­tats assez comiques, Buchet Chas­tel, réédi­tion Livre de Poche, 1966. 
  7. « Dans les années 20, écrit fort judi­cieu­se­ment Flo­rence Mar­tin (« Toni Mor­ri­son fait du jazz » in « Jazz et Lit­té­ra­ture », revue « Europe août/septembre 1997, n°820/821), le jazz avait réus­si en musique ce que Toni Mor­ri­son veut accom­plir dans l’écriture : retrou­ver un pas­sé et affir­mer une voix ici et main­te­nant ». le rap­port avec le jazz est donc direct et pas du tout médié.

    La démons­tra­tion de Flo­rence Mar­tin est essen­tielle, à la fois pour la lec­ture de Toni Mor­ri­son – et pas seule­ment « Jazz » — et pour com­prendre les rap­ports entre le jazz et la lit­té­ra­ture afri­caine-amé­ri­caine, ce patri­moine com­mun. Robert Sacré — auteur d’un « Que Sais-Je ? » abso­lu­ment indis­pen­sable sur « Les Negro Spi­ri­tuals et les gos­pel songs » — consacre un article à l’art de Tony Mor­ri­son, qu’il appelle « griot afri­cain-amé­ri­cain », à par­tir de « Sula » (Chris­tian Bour­gois 1992, réédi­té par 10/18), en mon­trant les rela­tions avec les grands thèmes du blues. (in « Les Cahiers du Jazz », n°3 de la nou­velle série, PUF) 

  8. « Jazz », Tony Mor­ri­son, 1993, Chris­tian Bour­gois, réédi­tion 10/18. Voir les pages 140 et sui­vantes, dans cette édi­tion de poche, pour cette his­toire col­lec­tive chan­tée par 5 indi­vi­dus. L’auteure a adap­té la scan­sion du blues au roman. En même temps, il est com­pré­hen­sible que l’oxymore je/nous soit une évidence. 
  9. Kathy Ogren, « The Jazz Revo­lu­tion : Twen­ties Ame­ri­ca and the Mea­ning of Jazz », cité par Flo­rence Martin. 
  10. « Para­dis », Toni Mor­ri­son, tra­duit de l’Anglais par Jean Gui­loi­neau, Chris­tian Bour­gois, Paris, 1998. 
  11. Invi­sible Man, de Ralph Elli­son, 1952, paru en fran­çais chez Gras­set sous le titre Homme invi­sible pour qui chantes-tu ? Le même édi­teur vient d’offrir au public fran­çais une tra­duc­tion — par Claude et Jen­ni­fer Meu­nier – des nou­velles que l’éditeur John F. Cal­la­han a col­lec­té, De retour au pays, Gras­set, 1998. Elles traitent de la même ques­tion, mais d’un autre point de vue, elles décrivent la situa­tion des Noirs amé­ri­cains. Elles sont aus­si inté­res­santes d’un autre côté. Elles éclairent la genèse de cette œuvre magis­trale, « Invi­sible Man ». Nous avons déjà cité ce roman, mais il faut se rendre compte qu’il est un chef d’œuvre de la lit­té­ra­ture mon­diale. Tony Mor­ri­son s’en est aus­si inspiré. 
  12. La réfé­rence évi­dente, ce sont les com­mu­nau­tés de femmes qui se consti­tuaient dans le « show busi­ness » au début du siècle pour résis­ter au monde des blancs et des hommes. Com­mu­nau­tés les­biennes le plus sou­vent. Où se retrou­vaient les chan­teuses de blues comme Ma Rai­ney ou Bes­sie Smith… 
  13. Je ren­voie à l’article de Flo­rence Mar­tin paru dans la Revue Europe d’août sep­tembre 1997, Jazz et Lit­té­ra­ture, « Toni Mor­ri­son fait du jazz ». 
  14. Des pas dans la pous­sière, de Zora Neale Hurs­ton, tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Fran­çoise Brod­sky, Edi­tions de l’Aube.
  15. Comme le rap­pelle la tra­duc­trice dans la pré­face à Spunk, un recueil de nou­velles réédi­tées par ces mêmes édi­tions de l’Aube.
  16. Les fonc­tions sociales du blues, Édi­tions Paren­thèses, col­lec­tion Eupa­li­nos, Mar­seille, 1999. 
  17. Tony Cade Bam­ba­ra, « Ce cadavre n’est pas mon enfant », Chris­tian Bour­gois, 2002. 
  18. Que les artistes fai­sant par­tie de ces tour­nées longues et incon­for­tables, mal payées, avec une absence totale de condi­tions d’hygiène et de « vie pri­vée », « Tough On Black Asses », Dur pour les culs noirs… 
  19. Soit res­pec­ti­ve­ment le com­po­si­teur de Saint Louis Blues, qui se disait le père du blues — c’est le titre de son auto­bio­gra­phie, « Father Of The Blues » -, un peu abu­si­ve­ment. On raconte qu’il enten­dit des chants sur le quai de la gare de Mem­phis — la ville natale d’Elvis Pres­ley qui s’inspira de « Beale Street, le ghet­to — et qu’il les avait repro­duit sur de papier à musique, pour les dif­fu­ser. Ce rôle de dif­fu­seur fût assu­ré­ment impor­tant. W. C. Han­dy (1873 – 1958), fils d’esclave fut aus­si cor­net­tiste et diri­ge­ra les « Mahara’s Mins­trels » avant de deve­nir le copro­prié­taire d’une com­pa­gnie d’éditions musi­cales, à Mem­phis. James P. John­son (1894 – 1955) est le fon­da­teur du pia­no stride, style har­lé­mite par excel­lence. Il ser­vi­ra de pro­fes­seur à « Fats » Wal­ler qui le por­te­ra à son zénith. 
  20. « Le film, mémoire du jazz », contri­bu­tion à l’ouvrage col­lec­tif « All that jazz. Un siècle d’accords et de désac­cords avec le ciné­ma », Cahiers du Cinéma/Festival inter­na­tio­nal du film de Locar­no, 2003. Un ouvrage de réfé­rence pour appré­cier, appré­hen­der les rap­ports étranges que les deux arts majeurs du 20e siècle entre­tiennent l’un avec l’autre.
  21. Flo­rence Mar­tin, « Bes­sie Smith », Édi­tions du Limon, 1994. 
  22. Y com­pris le ciné­ma. A son grand dam, ne lui sera offert qu’un rôle de sou­brette dans le mau­vais film « New Orleans » d’Arthur Lubin (1947). Sans comp­ter, a‑t-elle racon­té, le racisme de cer­taines actrices. A ses côtés Louis Arm­strong dans le rôle du bon Noir, tout en jouant de la trom­pette et chan­tant aux côtés de Billie. C’est le seul inté­rêt de ce film. Et ce qui a déci­dé Billie, chan­ter avec Satchmo… 
  23. Colum­bia (Sony Music), 1961. 
  24. Voir le cof­fret de deux CD, « For­ty Years of Women in Jazz. A double disc femi­nist retros­pec­tive », 1989, Jass Records/Milan. Cof­fret qui per­met aus­si d’entendre Mary Osborne, gui­ta­riste, enre­gis­tré en 1945, gagnante du concours Esquire…