J’étais à Villepinte…

Un·e participant·e au rassemblement

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Paris-luttes.info

Nous par­ta­geons cette contri­bu­tion d’un.e participant.e à la mobi­li­sa­tion contre le mee­ting d’E­ric Zem­mour, orga­ni­sé à Vil­le­pinte, dimanche 5 décembre. Ce témoi­gnage sin­gu­lier met en lumière la résur­gence inquié­tante des milices fas­cistes qui agissent en toute impu­ni­té, en Bel­gique comme ailleurs, avec une trou­blante com­plai­sance des gouvernements.

J’étais à Villepinte…

Moti­vé à expri­mer mon désac­cord avec un mee­ting fas­ciste et pour­tant habi­tué aux mani­fes­ta­tions mus­clées, jamais je n’aurais ima­gi­né ce qui allait se pas­ser. Je rejoins de vieux cama­rades de lutte et là, pas le temps d’arriver sur place (vers 12h10) que déjà on com­prend que la jour­née va être dure.
Les gen­darmes s’agitent pour nous entra­ver alors qu’on aper­çoit une cin­quan­taine de fas­cistes armés de barres de fer et de gazeuses à la sor­tie de la Gare RER B.

Tout va très vite, les flics arrivent de tous les côtés, les motos les camions, on est trop peu et nous savons de quoi ils sont capables. Très vite ils arrivent à nous sépa­rer en petits groupes, ça frappe, ça inter­pelle, ça ver­ba­lise. On a pour­tant même pas encore chan­té notre désac­cord… Les insultes fusent, plus de leur côté que du nôtre, la BRAV-M se met en ligne et je m’aperçois que l’on va vivre quelque chose de dif­fé­rent, pas que ce soit une par­tie de plai­sir d’habitude ou qu’ils soient cool. Là ça se sent, ça se voit, dans leur regard, leur com­por­te­ment : ils ont la haine. Ils ne veulent pas sim­ple­ment faire du main­tien de l’ordre, nous répri­mer ou nous faire par­tir, ils veulent nous casser…

Deux som­ma­tions, ça charge, ça inter­pelle, ça frappe sans rai­son. On assiste impuis­sants à la scène. Un flic fait le tour, on com­prend qu’il veut attra­per une femme, on est cer­nés. Le temps s’arrête je vois ces gens se faire frap­per, inter­pel­ler. Quelqu’un s’interpose, peut être cette femme aura-t-elle une chance d’éviter les coups. Un coup de matraque, le flic l’attrape par le sac, c’est mort et elle le sait. Elle ne résiste pas, mais un frus­tré (qui insulte les femmes depuis le début) arrive par der­rière, la tam­ponne très fort dans le dos et porte un coup de matraque à la per­sonne qui ten­tait de s’interposer. Ses col­lègues arrivent en nombre, plus le choix, la per­sonne qui ten­tait de l’aider prend la fuite. Le frus­tré essaye de le rat­tra­per, même rap­pe­lé par ses col­lègues il conti­nue. Celui qui s’interposait réus­sit à lui mettre un bon vent .

À toi le frus­tré, si tu me lis, ne te crois pas fort. Tu as tapé une per­sonne par der­rière, tu as por­té un coup qui n’a même pas ébran­lé celui qui ten­tait de la pro­té­ger et qui n’a pro­ba­ble­ment pas répon­du sim­ple­ment pour ne pas finir en pri­son ou que tes col­lègues et toi pas­siez votre frus­tra­tion sur celle qu’il a ten­té de pro­té­ger, il avait l’air clai­re­ment plus dur que votre haine, ses convic­tions plus fortes que vos coups de matraque .

Ça ne s’arrête pas là, la chasse conti­nue. Dans les moindre recoins des flics en civil sans bras­sard, d’autres avec des chiens, à moto… Quel triste spec­tacle !

Après l’assassinat de Malik Ous­se­kine par des vol­ti­geurs un 6 décembre il y a 35 ans… c’est dur. Dur de voir une telle situa­tion, de revoir des fas­cistes char­ger aux côtés des gen­darmes. Ses cama­rades se faire frap­per, embar­quer injus­te­ment… Y assis­ter impuissant…

Et tout ça pour­quoi ?
Pour avoir osé venir essayer d’exprimer son désac­cord avec les idées nau­séa­bondes d’un fas­ciste. Oui un fas­ciste !! C’est dur de mani­fes­ter en Bié­lo­rus­sie… heu en France pardon.

Je ne peux m’empêcher de me deman­der pour­quoi ? Pour­quoi un mee­ting d’un can­di­dat aux élec­tions pré­si­den­tielles, condam­né pour inci­ta­tion à la haine raciale, peut être tenu ? Pour­quoi des fas­cistes peuvent-ils être armés avec des flics qui les regardent ? Pour­quoi ont-il char­gé côte à côte, sans que per­sonne ne dise rien ? Quelles sont les rai­sons qui poussent le pou­voir en place, la pré­fec­ture, à répri­mer à ce point une contre-mani­fes­ta­tion où il n’y a eu aucun trouble à l’ordre public. Que se passe-t-il dans les rangs de ces flics pour qu’ils soient à ce point hai­neux et dépour­vus d’empathie ? Est-ce dû à des moti­va­tions poli­tiques ? Un enga­ge­ment sur la base du volon­ta­riat pour cette mis­sion ? Com­ment se fait-il que tout ça soit pas­sé sous silence ?

Je vou­drais expri­mer mon sou­tien à toutes les per­sonnes qui ont subi cette jour­née, les cama­rades de Vil­le­pinte pré­sents à l’extérieur et à l’intérieur.
Je ne blâme pas ceux qui étaient à Bar­bès, même si pour moi c’était un mau­vais choix. Une mani­fes­ta­tion sécu­ri­sée à Vil­le­pinte était pos­sible, encore une fois on a vu des orga­ni­sa­tions qui cher­chaient leur petite place au soleil, ou qui lais­saient par­ler leur ego. Plus de 60 inter­pel­la­tions alors que des pour­ri­tures de fas­cistes tapent des mili­tant-e‑s de SOS racisme à grand coups de poing et rien, ils sont tou­jours dehors… Mais ça, ça ne va pas pas­ser en boucle à la télé, ces mêmes chaînes sont res­pon­sables de ce qui se passe aujourd’hui, lorsque des jour­na­listes sont per­sé­cu­tés, à l’intérieur comme à l’extérieur du mee­ting et pas seule­ment par des fas­cistes sans uni­forme, cer­tains en por­taient un !!

Bref ce 5 décembre j’étais à Villepinte.

un·e participant·e au ras­sem­ble­ment de Villepinte