Le racisme scientifique est de retour

par Gavin Evans
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the guar­dian

la pseu­dos­cience pour don­ner une cau­tion intel­lec­tuelle à une poli­tique ethno-nationaliste.

Un des phé­no­mènes les plus éton­nants de notre époque est qu’une « dis­ci­pline scien­ti­fique » tota­le­ment dis­cré­di­tée soit res­sus­ci­tée par des gens qui pré­tendent défendre la véri­té contre une vague mon­tante d’i­gno­rance. L’i­dée que cer­taines races sont intrin­sè­que­ment plus intel­li­gentes que d’autres est pro­pa­gée par un petit groupe d’an­thro­po­logues, de spé­cia­listes de l’intelligence humaine, de psy­cho­logues et d’experts qui se pré­sentent comme de nobles dis­si­dents sou­te­nant des véri­tés qui dérangent. Grâce à un mélange sur­pre­nant de sources média­tiques mar­gi­nales et tra­di­tion­nelles, ces idées touchent un nou­veau public, qui les consi­dère comme la preuve de la supé­rio­ri­té de cer­taines races.

L’af­fir­ma­tion selon laquelle il existe un lien entre la race et l’intelligence est le prin­cipe fon­da­men­tal de ce que l’on appelle la « science des races » ou, dans de nom­breux cas, le « racisme scien­ti­fique ». Les scien­ti­fiques des races affirment qu’il existe des fon­de­ments évo­lu­tifs aux dis­pa­ri­tés dans les condi­tions sociales — telles que l’es­pé­rance de vie, le niveau d’instruction, la richesse et le taux d’in­car­cé­ra­tion – consta­tées dans les dif­fé­rents groupes raciaux. En par­ti­cu­lier, beau­coup d’entre eux affirment que les Noirs s’en sortent plus mal que les Blancs parce qu’ils tendent à être natu­rel­le­ment moins intelligents.

Bien que la « science des races » ait été dis­cré­di­tée à plu­sieurs reprises par la recherche scien­ti­fique, elle a fait son retour ces der­nières années. Par­mi les actuels pro­mo­teurs les plus achar­nés de la « science des races », beau­coup sont des stars de l’«alter-droite » [« alt-right » d’origine US, Ban­non, Breit­bart & Co., NdE], qui aiment uti­li­ser la pseu­dos­cience pour don­ner une cau­tion intel­lec­tuelle à leur poli­tique eth­no-natio­na­liste. Quand on croit que les pauvres sont pauvres parce qu’ils sont intrin­sè­que­ment moins intel­li­gents, alors il est facile d’en tirer la conclu­sion que les mesures libé­rales, telles que la dis­cri­mi­na­tion posi­tive ou l’aide inter­na­tio­nale, sont vouées à l’échec.

Il y a des dizaines d’exemples récents de poli­ti­ciens de droite qui font du bat­tage pour la « science des races ». En juillet 2016, par exemple, Steve Ban­non, qui était alors le patron de Breit­bart, et qui allait deve­nir le stra­tège en chef de Donald Trump, a écrit un article dans lequel il sug­gé­rait que cer­tains Noirs qui avaient été abat­tus par la police l’a­vaient peut-être méri­té. « Il y a, après tout, dans ce monde, des gens qui sont natu­rel­le­ment agres­sifs et vio­lents », écri­vait Ban­non, recou­rant a l’un des plus argu­ments les plus abjects du racisme scien­ti­fique : celui selon lequel les Noirs seraient géné­ti­que­ment plus pré­dis­po­sés à la vio­lence que d’autres.

L’un des prin­ci­paux acteurs de cette renais­sance de la « science des races » était jusqu’à une date récente un per­son­nage média­tique. En 2014, Nicho­las Wade, un ancien cor­res­pon­dant scien­ti­fique du New York Times, a écrit ce qu’il faut consi­dé­rer comme le livre le plus néfaste sur la « science des races » qui soit paru au cours des 20 der­nières années. Dans A Trou­ble­some Inhe­ri­tance, il rabâ­chait les trois man­tras de la « science des races » : que la notion de « race » cor­res­pond à de pro­fondes dif­fé­rences bio­lo­giques entre les groupes humains ; que les cer­veaux humains ont évo­lué dif­fé­rem­ment d’une race à l’autre ; et que cela est confir­mé par des résul­tats dif­fé­rents aux tests de quo­tient intellectuel.

Le livre de Wade a inci­té 139 des plus grands géné­ti­ciens de la popu­la­tion et théo­ri­ciens de l’é­vo­lu­tion du monde entier à signer une lettre dans le New York Times accu­sant Wade d’a­voir mani­pu­lé des résul­tats de leur propre recherche scien­ti­fique, et plu­sieurs uni­ver­si­taires ont publié des cri­tiques plus détaillées. Le géné­ti­cien de l’u­ni­ver­si­té de Chi­ca­go, Jer­ry Coyne, l’a décrit comme « rien d’autre que de la mau­vaise science ». Pour­tant, cer­tains à droite, peut-être fal­lait-il s’y attendre, se sont ali­gnés sur les idées de Wade, le carac­té­ri­sant comme un modèle d’hon­nê­te­té intel­lec­tuelle qui aurait été réduit au silence, non par des experts, mais par un confor­misme bien-pensant.

“Cette attaque contre mon livre était pure­ment poli­tique”, a décla­ré Wade à Ste­fan Moly­neux, l’un des pro­mo­teurs les plus célèbres du nou­veau racisme scien­ti­fique de l’ « alter-droite ». La conver­sa­tion avait lieu un mois après l’é­lec­tion de Trump sur la page You­Tube de Moly­neux, dont les épi­sodes ont été vus des dizaines de mil­lions de fois. Wade conti­nuait ain­si : « [Cette attaque] n’a­vait aucune base scien­ti­fique ; elle exhi­bait le côté le plus ridi­cule de cette pen­sée moutonnière. »

Un autre des invi­tés récents de Moly­neux était le poli­to­logue Charles Mur­ray, qui a co-écrit The Bell Curve. Le livre affirme que les pauvres, en par­ti­cu­lier les Noirs pauvres, sont intrin­sèque-ment moins intel­li­gents que les Blancs ou les Asia­tiques. Quand il a été publié en 1994, il est deve­nu un best-sel­ler du New York Times, mais au cours des années sui­vantes, il a été mis en pièces par les cri­tiques universitaires.

Étant fré­quem­ment la cible de mani­fes­ta­tions sur les cam­pus uni­ver­si­taires, Mur­ray est deve­nu un porte-éten­dard pour les conser­va­teurs qui veulent dépeindre les pro­gres­sistes comme des hypo­crites sans cer­velle qui ont aban­don­né les prin­cipes du débat ouvert sur les­quels repose la socié­té libé­rale. Et cette logique a inci­té cer­taines per­son­na­li­tés cultu­relles domi­nantes à consi­dé­rer Mur­ray comme une icône du débat scien­ti­fique, ou comme un emblème de leur propre dis­po­si­tion à accep­ter l’éventualité que la véri­té soit par­fois gênante. En avril der­nier, Mur­ray est appa­ru sur le pod­cast de l’auteur polé­miste Sam Har­ris. Mur­ray a uti­li­sé cette tri­bune pour affir­mer que ses cri­tiques uni­ver­si­taires libé­raux « ont men­ti sans l’ombre appa­rente d’un remords parce que, semble-t-il, ils pen­saient dans leur tête faire le tra­vail du Sei­gneur. » (L’é­pi­sode de pod­cast s’intitulait « Le savoir interdit ».)

 

Dans le pas­sé, la « science des races » a façon­né non seule­ment le dis­cours poli­tique mais aus­si la poli­tique publique. L’an­née qui a sui­vi la publi­ca­tion de The Bell Curve, à l’ap­proche d’un congrès répu­bli­cain qui devait réduire de façon dras­tique les avan­tages sociaux pour les Amé­ri­cains les plus pauvres, Mur­ray a témoi­gné devant un comi­té séna­to­rial sur la réforme de l’aide sociale ; plus récem­ment, le lea­der répu­bli­cain à la Chambre des Repré­sen­tants Paul Ryan, qui a fait pas­ser les récentes réduc­tions d’im­pôts pour les riches, a affir­mé que Mur­ray était un expert sur le thème de la pauvreté.

Aujourd’­hui que la « science des races » pénètre à nou­veau le dis­cours domi­nant, on la retrouve aux éche­lons supé­rieurs du gou­ver­ne­ment usa­mé­ri­cain par l’intermédiaire de per­son­nages comme Ban­non. Le Royaume-Uni n’est pas indemne : le jour­nal Lon­don Student a récem­ment révé­lé la tenue d’une confé­rence semi-clan­des­tine sur l’in­tel­li­gence et la géné­tique qui s’est tenue ces trois der­nières années à l’Uni­ver­si­ty Col­lege de Londres à l’insu des auto­ri­tés de l’u­ni­ver­si­té. L’un des par­ti­ci­pants était Richard Lynn, 88 ans, psy­cho­logue évo­lu­tion­niste basé en Ulster, qui s’est lui-même décrit comme un « raciste scientifique ».

L’une des rai­sons pour les­quelles le racisme scien­ti­fique n’a pas dis­pa­ru est que le public entend plus sou­vent par­ler du racisme que de la science. Cela a don­né toute lati­tude à des gens comme Mur­ray et Wade, de concert avec leurs sou­tiens média­tiques, pour se pré­sen­ter comme d’humbles défen­seurs de la recherche ration­nelle. Nous avons trop mis l’accent sur leur évi­dente par­tia­li­té, et trop peu insis­té pour trai­ter réel­le­ment de la ques­tion scien­ti­fique. Ce qui sou­lève la ques­tion sui­vante : en quoi les racistes scien­ti­fiques ont-ils tort ?

Le concept de race, comme l’in­tel­li­gence, est notoi­re­ment dif­fi­cile à cer­ner. Les indi­vi­dus par­tagent sou­vent plus de gènes avec des membres d’autres races qu’a­vec des membres de la leur. Et de fait, de nom­breux uni­ver­si­taires sou­tiennent que la notion de race est une construc­tion sociale — ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des groupes démo­gra­phiques qui par­tagent un vaste héri­tage géné­tique com­mun. La « science des races » repose donc sur des pré­misses scien­ti­fiques biaisées.

Cette pré­ten­due science est au moins aus­si vieille que l’es­cla­vage et le colo­nia­lisme. Elle a été consi­dé­rée comme du bon sens com­mun dans de nom­breux pays occi­den­taux jus­qu’en 1945. Bien qu’elle ait été reje­tée par une nou­velle géné­ra­tion de cher­cheurs et d’humanistes après l’Ho­lo­causte, elle a recom­men­cé à fré­mir dans les années 1970, et a refait sur­face occa­sion­nel­le­ment dans le dis­cours domi­nant depuis lors.

En 1977, pen­dant ma der­nière année dans un lycée public de l’A­frique du Sud de l’apartheid, un pro­fes­seur de socio­lo­gie de l’u­ni­ver­si­té locale nous a fait un laïus, puis il a répon­du à des ques­tions. On lui a deman­dé si les Noirs étaient aus­si intel­li­gents que les Blancs. Non, a‑t-il dit : les tests de QI montrent que les Blancs sont plus intel­li­gents. Il fai­sait réfé­rence à un article publié en 1969 par Arthur Jen­sen, un psy­cho­logue US qui affir­mait que le QI était à 80% un pro­duit de nos gènes plu­tôt que notre envi­ron­ne­ment, et que les dif­fé­rences entre les quo­tients intel­lec­tuels des Noirs et des Blancs plon­geaient en grande par­tie leurs racines dans la génétique.

Dans l’A­frique du Sud de l’a­par­theid, l’i­dée que chaque race avait ses propres carac­té­ris­tiques, ses propres traits de per­son­na­li­té et son propre poten­tiel intel­lec­tuel était une des jus­ti­fi­ca­tions de la domi­na­tion blanche.

 

La ques­tion de la race et du QI était pareille­ment poli­ti­sée aux USA, où l’article de Jen­sen a été uti­li­sé pour com­battre les régimes de pro­tec­tion sociale, tels que le pro­gramme Head Start, qui avaient été conçus pour sor­tir les enfants de la pau­vre­té. Mais cet article a ren­con­tré une réac­tion immé­diate et extrê­me­ment néga­tive — « un tol­lé inter­na­tio­nal », selon la nécro­lo­gie de Jen­sen dans le New York Times 43 ans plus tard, — en par­ti­cu­lier sur les cam­pus uni­ver­si­taires usa­mé­ri­cains, où les uni­ver­si­taires ont publié des dizaines de réfu­ta­tions, et où les étu­diants l’ont brû­lé en effigie.

La récente renais­sance des idées sur la race et le QI a com­men­cé par une obser­va­tion scien­ti­fique appa­rem­ment ano­dine. En 2005, Ste­ven Pin­ker, l’un des psy­cho­logues évo­lu­tion­nistes les plus célèbres au monde, s’est mis à pro­mou­voir l’i­dée que les juifs ash­ké­nazes sont par nature par­ti­cu­liè­re­ment intel­li­gents — d’a­bord lors d’une confé­rence don­née dans un ins­ti­tut d’é­tudes juives, puis dans un long article paru dans le maga­zine libé­ral US The New Repu­blic l’an­née sui­vante. Cette affir­ma­tion a long­temps été le côté pré­sen­table de la « science des races » ; car s’il est vrai que les Juifs sont par nature plus intel­li­gents, il est logique de dire que d’autres le sont natu­rel­le­ment moins.

À l’arrière-plan de l’es­sai de Pin­ker était un docu­ment daté de 2005 inti­tu­lé « His­toire natu­relle de l’in­tel­li­gence ash­ké­naze », écrit par un trio d’an­thro­po­logues de l’U­ni­ver­si­té de l’U­tah. Dans leur article de 2005, les anthro­po­logues fai­saient valoir que les résul­tats éle­vés aux QI chez les Juifs ash­ké­nazes indi­quaient qu’ils avaient évo­lué pour deve­nir plus intel­li­gents que les autres (y com­pris d’autres groupes de juifs).

Ce tour­nant dans l’é­vo­lu­tion avait soi-disant eu lieu entre 800 et 1650 après JC, lorsque les Ash­ké­nazes, qui vivaient prin­ci­pa­le­ment en Europe, avaient été pous­sés par l’an­ti­sé­mi­tisme à pra­ti­quer l’usure, pra­tique stig­ma­ti­sée par­mi le chris­tia­nisme. Cette évo­lu­tion rapide a été ren­due pos­sible, selon cet article, en par­tie parce que la pra­tique de ne pas se marier hors de la com­mu­nau­té juive entraî­nait un « très faible apport de gènes depuis l’extérieur ». Ce fut aus­si un fac­teur de la pré­va­lence dis­pro­por­tion­née chez les Juifs ash­ké­nazes de mala­dies géné­tiques telles que les mala­dies de Tay-Sachs et de Gau­cher, dont les cher­cheurs ont affir­mé qu’elles étaient une consé­quence de la sélec­tion natu­relle d’individus d’une intel­li­gence supé­rieure ; les por­teurs de ces variantes géné­tiques ou allèles de ces mala­dies seraient plus intel­li­gents que les autres.

Pin­ker a pour­sui­vi cette logique dans son article de New Repu­blic et sur d’autres sup­ports, a décrit le papier sur les Ash­ké­nazes comme « exhaus­tif et bien argu­men­té ». Il a conti­nué en fus­ti­geant ceux qui dou­taient de la valeur scien­ti­fique du dis­cours sur les dif­fé­rences géné­tiques entre les races, et a affir­mé que « les traits de per­son­na­li­té sont mesu­rables, trans­mis­sibles au sein d’un groupe et dif­fèrent légè­re­ment, en moyenne, entre dif­fé­rents groupes ».

Au cours des années sui­vantes, Nicho­las Wade, Charles Mur­ray, Richard Lynn, le psy­cho­logue cana­dien de plus en plus popu­laire Jor­dan Peter­son, et d’autres, ont épou­sé la thèse de l’in­tel­li­gence juive, en l’utilisant pour étayer leurs points de vue selon les­quels les dif­fé­rents groupes de popu­la­tion héritent de capa­ci­tés men­tales dif­fé­rentes. Un autre membre de ce chœur est le jour­na­liste Andrew Sul­li­van, qui a le plus bruyam­ment applau­di la paru­tion de The Bell Curve en 1994, en lui don­nant une place de choix dans The New Repu­blic, dont il était alors le rédac­teur en chef. Il est reve­nu à la charge en 2011, en uti­li­sant son blog popu­laire, The Dish, pour pro­mou­voir l’i­dée que les groupes de popu­la­tion avaient des poten­tiels innés dif­fé­rents en matière d’intelligence.

Sul­li­van a noté que les les don­nées recueillies auprès des Juifs ash­ké­nazes et séfa­rades mon­traient « des dif­fé­rences frap­pantes ». C’é­tait un excellent exemple du dis­cours de la « science des races », dont les par­ti­sans adorent affir­mer qu’ils réagissent aux don­nées, pas aux enga­ge­ments poli­tiques. L’ex­trême-droite a même rebap­ti­sé la « science des races » d’un nom de rechange qui a l’air d’avoir été emprun­té direc­te­ment à un syl­la­bus uni­ver­si­taire : « Bio­di­ver­si­té Humaine ».

Un thème fré­quem­ment exploi­té dans le dis­cours de la « science races » est que ses adver­saires se bercent d’illusions sur la nature de l’é­ga­li­té entre les hommes. « Les résul­tats des tests d’intelligence révèlent ce que per­sonne ne veut admettre », a récem­ment décla­ré Peter­son à Moly­neux dans son show You­Tube. Même le spé­cia­liste émi­nent des sciences sociales Jona­than Haidt a cri­ti­qué les libé­raux comme « des néga­tion­nistes du quo­tient intel­lec­tuel », qui rejettent l’existence d’une dif­fé­rence de QI héré­di­taire entre groupes humains à cause de leur foi erro­née en l’i­dée que la réus­site sociale dépend entiè­re­ment de l’acquis et non de l’inné, et peut donc varier en fonc­tion de celui-ci.

Les défen­seurs de la « science des races » affirment qu’ils se contentent de décrire les faits tels qu’ils sont — et que la véri­té n’est pas tou­jours facile à entendre. « Nous sommes tou­jours des membres de la même espèce, tout comme un caniche et un beagle sont de la même espèce, » a écrit Sul­li­van en 2013. « Mais les caniches sont géné­ra­le­ment plus intel­li­gents que les beagles, et les beagles ont un sens de l’o­do­rat bien plus développé. »

affiche-3.jpg Affiche de l’al­ter-droite sur la cam­pus de l’U­ni­ver­si­té d’O­hio : “Aimez ce que vous êtes : soyez blanc” (sic)

La « science » des races qui refait sur­face dans le débat public aujourd’­hui — que ce soit sous la forme du racisme pur et simple contre les Noirs, ou de l’affirmation soi-disant plus res­pec­tueuse de l’in­tel­li­gence supé­rieure des Ash­ké­nazes – s’appuie géné­ra­le­ment sur l’une, au moins, des trois pré­misses sui­vantes, dont aucune n’est fon­dée sur des faits scientifiques.

La pre­mière affir­ma­tion est que lorsque les ancêtres Cro-Magnons des Euro­péens blancs sont arri­vés sur le conti­nent il y a 45.000 ans, ils ont dû faire face à des condi­tions plus dif­fi­ciles qu’en Afrique. Des défis envi­ron­ne­men­taux plus impor­tants ont conduit à l’é­vo­lu­tion d’une l’in­tel­li­gence supé­rieure. À pro­pos du cli­mat gla­cial du nord, Richard Lynn écri­vait en 2006 : « Des indi­vi­dua­li­tés et des tri­bus moins intel­li­gentes se seraient éteintes, ne lais­sant comme sur­vi­vants que les plus intel­li­gentes. »

Oublions pour l’ins­tant le fait que l’a­gri­cul­ture, les villes et les alpha­bets sont appa­rus d’abord en Méso­po­ta­mie, une région peu répu­tée pour ses périodes de grand froid. Il existe de nom­breuses preuves scien­ti­fiques de l’in­tel­li­gence moderne dans l’A­frique sub-saha­rienne pré­his­to­rique. Au cours des 15 der­nières années, des décou­vertes faites dans des grottes situées le long de la côte sud-afri­caine de l’Océan Indien ont mon­tré que, entre il y a 70.000 et 100.000 ans, des humains bio­lo­gi­que­ment modernes savaient fabri­quer de la pein­ture en mélan­geant de l’ocre natu­relle avec de la graisse extraite de la moelle osseuse et du char­bon de bois. Ils confec­tion­naient des perles, des hame­çons, des flèches et d’autres outils sophis­ti­qués, en les chauf­fant par­fois jusqu’à 315°C. Ceux qui étu­dient ces décou­vertes, comme l’ar­chéo­logue sud-afri­cain Chris­to­pher Hen­shil­wood, sou­tiennent qu’il s’a­gis­sait de gens intel­li­gents et créa­tifs — tout comme nous. Selon ses termes : « Nos décou­vertes nous amènent à repous­ser très, très loin dans le pas­sé l’apparition de la pen­sée sym­bo­lique chez les humains modernes. »

Un second argu­ment théo­rique de la « science des races » est le sui­vant : les corps humains ont conti­nué d’é­vo­luer, au moins jus­qu’à une date récente — dif­fé­rents groupes déve­lop­pant dif­fé­rentes cou­leurs de peau, des pré­dis­po­si­tions à cer­taines mala­dies, et des trais par­ti­cu­liers tels que la tolé­rance au lac­tose. Alors pour­quoi le cer­veau humain n’aurait-il pas conti­nué à évo­luer aussi ?

Le pro­blème ici est que les racistes scien­ti­fiques com­parent des choses qui ne sont pas com­pa­rables. La plu­part de ces chan­ge­ments phy­siques impliquent des muta­tions d’un gène unique, qui peuvent se pro­pa­ger dans toute la popu­la­tion sur une période rela­ti­ve­ment courte. En revanche, l’in­tel­li­gence — même la ver­sion plu­tôt spé­ci­fique mesu­rée par les tests de QI — implique un réseau poten­tiel de mil­liers de gènes, qui met­trait pro­ba­ble­ment au moins cent mille ans pour évo­luer de façon sensible.

Étant don­né que tant de gènes, opé­rant dans dif­fé­rentes par­ties du cer­veau, contri­buent d’une manière ou de l’autre à l’in­tel­li­gence, il est peu sur­pre­nant qu’il n’y ait guère d’indices d’évolution sur le plan cog­ni­tif, au moins au cours des 100.000 der­nières années. Le paléoan­thro­po­logue usa­mé­ri­cain Ian Tat­ter­sall, lar­ge­ment recon­nu au niveau mon­dial comme l’un des plus émi­nents experts sur les hommes de Cro-Magnon, a dit que, bien avant de quit­ter l’A­frique pour l’A­sie et l’Eu­rope, les humains avaient déjà atteint ache­vé leur évo­lu­tion en termes de puis­sance cer­vi­cale. « Les condi­tions actuelles ne sont pas pro­pices à une évo­lu­tion bio­lo­gique signi­fi­ca­tive de l’es­pèce, » a‑t-il décla­ré à un jour­na­liste en 2000.

En fait, en ce qui concerne les dif­fé­rences poten­tielles d’in­tel­li­gence entre les groupes, l’un des aspects remar­quables du génome humain est la très faible ampli­tude des varia­tions géné­tiques. La recherche sur l’ADN menée en 1987 a pro­po­sé un ancêtre afri­cain com­mun à tous les êtres humains vivant aujourd’­hui : l’« Ève mito­chon­driale », qui a vécu il y a envi­ron 200.000 ans. En rai­son de cette ascen­dance com­mune rela­ti­ve­ment récente (en termes d’é­vo­lu­tion), les êtres humains par­tagent une pro­por­tion remar­qua­ble­ment éle­vée de leurs gènes par rap­port à d’autres mam­mi­fères. Par exemple, la seule sous-espèce de chim­pan­zé qui vit en Afrique cen­trale a beau­coup plus de varia­tion géné­tique que l’en­semble de l’espèce humaine.

Per­sonne n’a réus­si à iso­ler un gène de l’in­tel­li­gence, et les pré­ten­tions en ce sens ont été anéan­ties lors­qu’elles ont été sou­mises à exa­men par les pairs. Comme l’a dit le spé­cia­liste des troubles cog­ni­tifs liés au vieillis­se­ment à l’Université d’E­dim­bourg, le pro­fes­seur Ian Dea­ry, « Il est dif­fi­cile de nom­mer de façon cer­taine ne serait-ce qu’un seul gène spé­ci­fique qui soit asso­cié à l’intelligence nor­male chez les jeunes adultes en bonne san­té. » L’in­tel­li­gence ne vient pas bien embal­lée et éti­que­tée sur un seul brin d’ADN.

En fin de compte, la « science des races » repose sur un troi­sième axiome : que les dif­fé­rences entre les résul­tats moyens aux tests de QI entre les divers groupes de popu­la­tion ont une ori­gine géné­tique. Si cette pierre s’écroule, tout l’édifice — de l’exception ash­ké­naze au carac­tère pré­ten­du­ment iné­luc­table de la pau­vre­té des Noirs — s’ef­fondre avec lui.

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Avant de pou­voir éva­luer cor­rec­te­ment ces affir­ma­tions, cela vaut la peine d’exa­mi­ner l’his­to­rique des tests de QI. La per­cep­tion qu’a le public des tests de QI est qu’ils four­nissent une mesure de l’in­tel­li­gence immuable, mais quand nous regar­dons les choses plus en pro­fon­deur, une image très dif­fé­rente se forme. Alfred Binet, le modeste Fran­çais qui inven­ta les tests d’intelligence en 1904, savait que l’in­tel­li­gence est trop com­plexe pour être expri­mée par un seul chiffre. « Les qua­li­tés intel­lec­tuelles… ne peuvent pas être mesu­rées de la même façon que les sur­faces linéaires. », affir­mait-il, ajou­tant que don­ner trop d’importance aux tests d’intelligence peut ame­ner à se nour­rir d’illusions ».

Mais les tests de Binet ont été adop­tés tels quels par des USA­mé­ri­cains qui sup­po­saient que le QI était inné et les ont uti­li­sés pour défi­nir leurs poli­tiques d’im­mi­gra­tion, de ségré­ga­tion raciale et d’eu­gé­nisme. Les pre­miers tests de QI étaient bour­rés de ques­tions pleines d’a prio­ri cultu­rels. (« Le nombre de jambes d’un Kaf­fir est : 2, 4, 6, 8 ? »[[mot d’origine arabe (kāfir) signi­fiant « infi­dèle », par lequel les négriers arabes dési­gnaient leur « mar­chan­dise ». Ce mot est entré dans les langues des escla­va­gistes euro­péens (Por­tu­gais, Hol­lan­dais, Fran­çais, Anglais) en gar­dant le même sens et la même conno­ta­tion raciste, don­nant même lieu à l’invention au XVIIIème siècle, d’un pays bap­ti­sé « Cafre­rie » et décrit comme suit : « CAFFRERIE, (la) Cafria, grand pays d’Afrique dans sa par­tie méri­dio­nale, borné.N. par la Nigri­tie et l’Abissinie, O. par une par­tie de la Gui­née, le Congo et la mer, S. par le Cap-de-Bonne-Espé­rance, E. par la mer. On le divise en plu­sieurs royaumes, presque tous habi­tés par des ido­lâtres. Les prin­ci­paux sont les royaumes de Mujac, du Maco­co ou d’Anzizo du Jaga-Cafan­gi, d’Abutua, de Mafun­go, Aca­lun­ga, le Cobo­nos, les Hot­ten­tots, les royaumes du Biri, du Mono­mo­ta­pa, des Borores, du Mono­emu­gi et ceux de la côte de Zan­gue­bar ; la plu­part sont peu connus. Ces peuples sont appe­lés Cafres, mot arabe qui signi­fie Infi­dèles. » (Vos­gien, Dic­tion­naire géo­gra­phique por­ta­tif, Paris 1758)]] était l’une des ques­tions des tests de QI don­nés aux sol­dats usa­mé­ri­cains pen­dant la pre­mière guerre mon­diale). Au fil du temps, les tests sont deve­nus moins biai­sés et ont com­men­cé à démon­trer une cer­taine uti­li­té dans la mesure de cer­taines formes d’ap­ti­tude men­tale. Mais cela ne nous dit pas si les scores obte­nus sont prin­ci­pa­le­ment le pro­duit des gènes ou de l’en­vi­ron­ne­ment. Des infor­ma­tions sup­plé­men­taires sont nécessaires.

Une façon de tes­ter cette hypo­thèse serait de voir si on peut aug­men­ter son QI par l’étude. Si oui, cela mon­tre­rait que le niveau d’é­du­ca­tion, qui est un fac­teur pure­ment envi­ron­ne­men­tal, affecte les résul­tats. Il est main­te­nant bien connu que si vous vous entraî­nez aux tests de QI, votre score aug­men­te­ra, mais d’autres formes d’é­tude peuvent éga­le­ment aider. En 2008, des cher­cheurs suisses ont recru­té 70 étu­diants et ont deman­dé à la moi­tié d’entre eux de pra­ti­quer un jeu infor­ma­tique de mémoire. Tous ces 35 étu­diants ont vu leur QI aug­men­ter, et ceux qui ont pra­ti­qué quo­ti­dien­ne­ment pen­dant les 19 semaines de l’ex­pé­rience ont mon­tré la plus grande amélioration.

Une autre façon de déter­mi­ner dans quelle mesure le QI est déter­mi­né par la nature plu­tôt que par l’é­du­ca­tion serait de trou­ver des jumeaux iden­tiques sépa­rés à la nais­sance et ensuite éle­vés dans des cir­cons­tances très dif­fé­rentes. Mais de tels cas sont rares, et cer­taines des recherches les plus influentes — telles que le tra­vail du psy­cho­logue anglais du 20ème siècle Cyril Burt, qui pré­ten­dait avoir mon­tré que le QI était inné — sont sujettes à cau­tion. (Après la mort de Burt, on a consta­té qu’il avait fal­si­fié une grande par­tie de ses données.)

Une authen­tique étude sur des jumeaux a été menée par le psy­cho­logue Tho­mas Bou­chard de Min­nea­po­lis en 1979, et bien qu’il ait été géné­reu­se­ment sou­te­nu par le Pio­neer Fund, un orga­nisme ouver­te­ment raciste, ses conclu­sions sont inté­res­santes. Il a étu­dié de vrais jumeaux, pos­sé­dant les mêmes gènes, mais qui avaient été sépa­rés juste après la nais­sance. Cela lui a per­mis d’étudier les apports dif­fé­rents de l’en­vi­ron­ne­ment et de la bio­lo­gie dans leur déve­lop­pe­ment. Il pen­sait que s’il s’avérait que les jumeaux avaient les mêmes carac­té­ris­tiques en dépit du fait qu’ils avaient été éle­vés dans des envi­ron­ne­ments dif­fé­rents, l’ex­pli­ca­tion prin­ci­pale serait d’ordre génétique.

Le pro­blème était que la plu­part de ses jumeaux iden­tiques avaient été adop­tés par le même genre de familles de la classe moyenne. Il n’é­tait donc pas sur­pre­nant que leurs scores aux QI soient simi­laires. Dans les rares cas où des jumeaux avaient été adop­tés par des familles de classe sociale et de niveau d’ins­truc­tion dif­fé­rents, il a consta­té d’é­normes dis­pa­ri­tés — dans un cas, un écart de 20 points ; dans un autre, 29 points, soit la dif­fé­rence entre « lour­deur d’esprit » et « intel­li­gence supé­rieure » dans le jar­gon de cer­tains tests d’intelligence. En d’autres termes, lorsque l’en­vi­ron­ne­ment était sen­si­ble­ment dif­fé­rent, l’ac­quis semble avoir eu une influence beau­coup plus forte que l’hérédité sur le QI.

Mais que se passe-t-il quand vous pas­sez d’in­di­vi­dus à des popu­la­tions entières ? L’hérédité pour­rait-elle encore influen­cer les résul­tats des tests ? Le Néo-Zélan­dais Jim Flynn est peut-être le cher­cheur le plus impor­tant du der­nier demi-siècle en matière de tests d’intelligence. Les tests de QI sont cali­brés de telle sorte que la moyenne des résul­tats du QI de tous les sujets tes­tés à un moment don­né est de 100. Dans les années 1990, Flynn a décou­vert que chaque géné­ra­tion de tests de QI devait être plus dif­fi­cile si l’on vou­lait que cette moyenne soit conser­vée. Au cours des 100 der­nières années, il a consta­té que les scores moyens de QI, s’ils avaient été mesu­rés par les normes actuelles, seraient d’en­vi­ron 70.

Pour­tant, les gens n’ont pas chan­gé géné­ti­que­ment depuis. En revanche, a noté Flynn, ils sont de plus en plus expo­sés à la logique abs­traite, qui est la petite par­celle d’in­tel­li­gence que les tests de QI mesurent. Cer­taines popu­la­tions sont plus expo­sées à l’abs­trac­tion que d’autres, ce qui explique pour­quoi leurs scores moyens de QI sont dif­fé­rents. Flynn a consta­té que la dif­fé­rence dans les résul­tats qu’obtenaient ces popu­la­tions était donc entiè­re­ment due à l’environnement.

Cette consta­ta­tion a été confir­mée par l’évolution des scores moyens de QI obser­vés chez cer­taines popu­la­tions. La plus rapide a été obser­vée chez les enfants du Kenya — une aug­men­ta­tion de 26,3 points sur les 14 ans entre 1984 et 1998, selon une étude. La rai­son de cette évo­lu­tion n’a rien à voir avec les gènes. En fait, les cher­cheurs ont consta­té que sur une demi-géné­ra­tion, la nutri­tion, la san­té et l’é­du­ca­tion des parents s’é­taient améliorées.

Alors, qu’en est-il des Ash­ké­nazes ? Depuis la publi­ca­tion de l’U­ni­ver­si­té de l’Utah en 2005, les recherches sur l’ADN effec­tuées par d’autres scien­ti­fiques ont mon­tré que les juifs ash­ké­nazes sont beau­coup moins iso­lés du point de vue géné­tique que le docu­ment ne le pré­tend. En ce qui concerne les allé­ga­tions selon les­quelles les mala­dies des Ash­ke­nazes étaient dues à la rapi­di­té de la sélec­tion natu­relle, des recherches plus pous­sées ont mon­tré qu’elles étaient en fait cau­sées par une muta­tion aléa­toire. Et il n’y a aucune preuve que les por­teurs des variantes géné­tiques de ces mala­dies soient plus ou moins intel­li­gents que le reste de la communauté.

Mais c’é­tait sur la ques­tion du quo­tient intel­lec­tuel que la thèse du docu­ment s’est vrai­ment avé­rée ban­cale. Les tests menés au cours des deux pre­mières décen­nies du 20ème siècle ont régu­liè­re­ment mon­tré que les juifs ash­ké­nazes obtiennent des scores infé­rieurs à la moyenne. Par exemple, les tests de QI menés sur des sol­dats amé­ri­cains pen­dant la Pre­mière Guerre mon­diale ont révé­lé que les Nor­diques avaient des résul­tats lar­ge­ment supé­rieurs aux Juifs. Carl Bri­gham, le pro­fes­seur de Prin­ce­ton qui a ana­ly­sé les don­nées de l’exa­men, a écrit : “Nos chiffres … tendent plu­tôt à infir­mer la croyance popu­laire que les Juifs sont très intel­li­gents.” Et pour­tant, au moment de la seconde guerre mon­diale, les scores de QI des Juifs étaient supé­rieurs à la moyenne.

Une ten­dance simi­laire a été obser­vée à par­tir des études effec­tuées sur deux géné­ra­tions d’en­fants juifs orien­taux en Israël : la géné­ra­tion pré­cé­dente avait un QI moyen de 92,8, la plus jeune de 101,3. Et cela ne concer­nait pas que les Juifs. Les USA­mé­ri­cains d’o­ri­gine chi­noise obte­naient des scores moyens de 97 en 1948, contre 108,6 en 1990. De plus, l’é­cart entre les Afro-USA­mé­ri­cains et les USA­mé­ri­cains blancs a dimi­nué de 5,5 points entre 1972 et 2002.

Per­sonne ne pou­vait rai­son­na­ble­ment affir­mer qu’il y avait eu des chan­ge­ments géné­tiques dans les popu­la­tions juive, chi­noise ou afro-usa­mé­ri­caine en une géné­ra­tion ou deux. Après avoir lu le docu­ment publié par l’U­ni­ver­si­té de l’Utah, Har­ry Ostrer, qui diri­geait le pro­gramme de géné­tique humaine de l’U­ni­ver­si­té de New York, a pris le contre-pied de Ste­ven Pin­ker : « C’est de la mau­vaise science — non pas parce qu’elle est pro­vo­ca­trice, mais parce que c’est de la mau­vaise géné­tique et de la mau­vaise épidémiologie. »

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Il y a dix ans, notre com­pré­hen­sion de la science authen­tique était assez solide pour que Craig Ven­ter, le bio­lo­giste usa­mé­ri­cain qui a diri­gé les essais pri­vés en vue de déco­der le génome humain, puisse répondre à ceux qui affir­maient l’existence d’un lien entre race et intel­li­gence : « Il n’existe pas de base scien­ti­fique, dans la recherche ou dans le code géné­tique humain, à la notion que la cou­leur de la peau déter­mine l’intelligence. »

Pour­tant, la « science des races » main­tient son emprise sur l’i­ma­gi­na­tion de la droite, et les mili­tants de la droite actuelle ont tiré d’im­por­tantes leçons des contro­verses du pas­sé. Par l’intermédiaire de You­Tube en par­ti­cu­lier, ils attaquent les médias libé­raux de gauche et l’institution sco­laire pour son refus d’accepter les « faits », et emploient la « science des races » comme un bélier poli­tique pour faire avan­cer leur pro­gramme poli­tique de « moins d’État », anti­so­ciale et hos­tile à l’aide étrangère.

Ces objec­tifs poli­tiques sont deve­nus de plus en plus expli­cites. Lors de son entre­tien avec Nicho­las Wade, Ste­fan Moly­neux a sou­te­nu que les dif­fé­rences sociales étaient le résul­tat de dif­fé­rences innées d’intelligence entre les races – selon lui, entre les Juifs ash­ké­nazes à haut QI et les Noirs à faible QI. Wade l’a approu­vé, disant que « le rôle joué par les pré­ju­gés » dans l’origine de la condi­tion sociale des Noirs est « faible et décrois­sant », avant de condam­ner « l’aide étran­gère gas­pillée » pour les pays africains.

De même, lorsque Sam Har­ris, dans son inter­view bala­do­dif­fu­sée de Charles Mur­ray, a sou­li­gné le fait trou­blant que The Bell Curve était aimé des supré­ma­tistes blancs, et lui a deman­dé à quoi ser­vait la recherche des dif­fé­rences raciales dans l’in­tel­li­gence, Mur­ray ne s’est pas démon­té . Elle sert, selon Mur­ray, à lut­ter contre les poli­tiques telles que l’ac­tion posi­tive dans l’é­du­ca­tion et l’emploi, fon­dée sur le prin­cipe que « tout le monde a la même intel­li­gence… que ce soit les hommes, des femmes ou les membres de dif­fé­rentes ethnies ».

La « science des races » n’est pas près de dis­pa­raître. Ses affir­ma­tions ne peuvent être contrées que par l’effort patient et conscient de la science et de l’é­du­ca­tion. Et elles doivent être – com­bat­tues ─non seule­ment à cause de leurs consé­quences poten­tiel­le­ment hor­ribles sur l’humanité, mais aus­si parce qu’elles sont fausses. Le pro­blème n’est pas, comme le pré­tend la droite, que ces idées soient mena­cées de cen­sure ou de stig­ma­ti­sa­tion parce qu’elles sont poli­ti­que­ment déran­geantes. La « science des races » est une mau­vaise science. Ou plu­tôt, ce n’est pas du tout de la science.