Gilets jaunes et Mouvement 5 étoiles

par le Col­lec­tif Athé­né Nyctalope

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Paris-luttes.info

Pour éclai­rer le mou­ve­ment des gilets jaunes, il est pré­cieux de regar­der ce qui se passe ailleurs. Revue des diver­gences et conver­gences entre Mou­ve­ment 5 étoiles et Gilets jaunes.

Le col­lec­tif Athé­né Nyc­ta­lope a jeté un œil sur la situa­tion ita­lienne. Des reven­di­ca­tions et de la struc­tu­ra­tion du mou­ve­ment aux posi­tions des cama­rades vis-à-vis de celui-ci, revue des diver­gences et conver­gences entre Mou­ve­ment 5 étoiles et Gilets jaunes.

Le « mou­ve­ment des gilets jaunes » n’est pas sans rap­pe­ler la situa­tion ita­lienne des der­nières années. On peut se rap­pel­ler des For­co­ni (les fourches) comme cela a été évo­qué dans plu­sieurs articles.
Mais face aux appels à rejoindre le mou­ve­ment éma­nant de la « gauche », on peut aus­si pen­ser au Mou­ve­ment 5 étoiles (M5S). Ce par­ti attrape-tout est par­ve­nu à pha­go­cy­ter les reven­di­ca­tions et les luttes pour fina­le­ment prendre le pou­voir et y entraî­ner avec lui la Lega, par­ti d’extrême-droite.
Certes, l’Italie n’est pas la France et on ne peut pas cal­quer pré­ci­sé­ment les deux situa­tions l’une sur l’autre, mais il y a sans doute des ensei­gne­ments à tirer de ce qui s’est pas­sé de l’autre côté des Alpes et qui nous pend peut-être au nez.

En 2011, naît en Sicile un mou­ve­ment com­po­sé prin­ci­pa­le­ment d’agriculteurs, de rou­tiers, de petits patrons et de com­mer­çants : les For­co­ni. S’il a refu­sé de s’attribuer une cou­leur poli­tique, le mou­ve­ment a tout de même atti­ré l’attention et la sym­pa­thie de l’extrême-droite (For­za Nuo­va, Casa Pound) dont les membres fon­da­teurs étaient proches.
Une bien­veillance que l’on retrou­vait aus­si du côté du M5S, par­ti popu­liste né sur inter­net quelques années plus tôt et conso­li­dé dans la rue. Les reven­di­ca­tions des for­co­ni, assez floues, étaient en tout cas bien mar­quées à droite : rejet des taxes, sor­tie de l’Euro, dénon­cia­tion d’une caste asser­vis­sant les hon­nêtes gens.

Après un pre­mier élan façon feu de paille, les for­co­ni se sont refor­més en décembre 2013, un peu plus struc­tu­rés, ajou­tant à leurs reven­di­ca­tions ini­tiales celles qui avaient fait le suc­cès du M5S comme le tut­ti a casa de Beppe Grillo et la sor­tie de l’Euro. Ils ont alors été rejoints par celles et ceux qui subissent de plein fouet les effets de la crise et de l’austérité : jeunes, pré­caires, étudiants.
Seule­ment, le mou­ve­ment a pris des allures de milice quand ses membres ont com­men­cé à uti­li­ser la menace phy­sique auprès de la popu­la­tion, comme le cas de ce com­mer­çant ayant refu­sé de bais­ser son rideau en soli­da­ri­té. Assez vite, le mou­ve­ment s’est de nou­veau essouf­flé et la der­nière mani­fes­ta­tion à Rome n’a fina­le­ment pas ras­sem­blé grand-monde.
Pro­blème : bon nombre de ses par­ti­ci­pants se sont retrou­vés dans le M5S, aux côtés des déçus de la gauche réfor­miste. C’est que le « PD », Par­ti­to Demo­cra­ti­co, plus ou moins notre PS, a mis en place des mesures qui ont contri­bué à pré­ca­ri­ser encore plus ceux qui étaient déjà fra­giles, comme le Jobs Act, l’équivalent de la Loi Tra­vail. Dans ces condi­tions, le par­ti M5S, à l’instar des Gilets jaunes aujourd’hui, est deve­nu rapi­de­ment le récep­tacle de toutes les colères et de toutes les déceptions.

Gilets jaunes et mouvement M5S, points de divergence

Il faut peut-être com­men­cer par poser les dif­fé­rences fon­da­men­tales entre les Gilets Jaunes et le M5S, pour mieux en appré­cier les points communs.

  • M5S, un lea­der fort dès le début. Tan­dis que les gilets jaunes conti­nuent à refu­ser toute « récu­pé­ra­tion » et que les repré­sen­tants ne sont pas accep­tés par l’ensemble des par­ti­ci­pants, le M5S s’incarne presque entiè­re­ment dans la figure de l’humoriste média­tique Beppe Grillo, au point que les sym­pa­thi­sants du M5S sont appe­lés « grilli­ni ». Si le mou­ve­ment est effec­ti­ve­ment né sur Inter­net, via le blog du comique, il ne faut tout de même pas mettre de côté la noto­rié­té que la télé­vi­sion lui avait confé­rée. Grillo n’était pas un blo­gueur sor­ti de nulle part, ni un petit entre­pre­neur ou citoyen ano­nyme mécontent.
  • Le par­ti M5S a très vite absor­bé des asso­cia­tifs et dif­fé­rents mou­ve­ments. Dès 2005 et le pre­mier mee­tup orga­ni­sé par Grillo : il se tient à Turin, contre la ligne à grande vitesse (No Tav) et ensuite les mee­tups vont presque tou­jours s’associer à des luttes locales, impli­quer les asso­cia­tifs et mili­tants sur place. Le pas­sage du mou­ve­ment en ligne à l’implication concrète est une réus­site, sans doute grâce à cette base-là.
  • M5S ou l’écologie comme che­val de bataille décla­ré. Le mou­ve­ment des gilets jaunes naît en réac­tion à l’augmentation des taxes sur le gasoil. De nom­breuses autres reven­di­ca­tions, liées géné­ra­le­ment à « la vie chère » s’y sont gref­fées, mais le point de départ est celui-là et le reste peine à s’articuler. Le M5S, quant à lui, a mis très vite l’écologie au centre de ses pré­oc­cu­pa­tions reven­di­quées. Les cinq étoiles repré­sentent l’eau, l’environnement, l’énergie, le trans­port et le déve­lop­pe­ment. Dans les faits et depuis qu’ils sont au pou­voir, on ne peut pas dire que ça les inté­resse tant que ça.
  • Deux pays, deux réa­li­tés dif­fé­rentes. La France est bien plus cen­tra­li­sée que l’Italie, où le mor­cel­le­ment a sans doute eu un impact dans la capa­ci­té de pha­go­cy­ter les luttes locales fortes.

Gilets jaunes et mouvement M5S, points de convergences

  • Une com­po­si­tion de la « base » sen­si­ble­ment simi­laire entre une classe moyenne qui craint le déclas­se­ment, plu­tôt à droite dans les reven­di­ca­tions et les sym­boles, des déçus de la gauche qui ne savent plus à quel saint se vouer, et une grande par­tie de per­sonnes assez peu poli­ti­sées, chez les­quelles on ren­contre géné­ra­le­ment une cer­taine méfiance vis-à-vis des syn­di­cats et des partis.
  • Un sen­ti­ment de ras-le-bol géné­ral qui légi­time le mou­ve­ment de colère. Ce que porte le mou­ve­ment per­met de ras­sem­bler autant les classes moyennes déclas­sées du départ, que des per­sonnes en grandes dif­fi­cul­tés. Ce qui donne un res­sen­ti de mixi­té réelle sur le ter­rain. D’autant qu’il y a autant en Ita­lie qu’en France, bien des rai­sons d’être en colère : salaires qui ne suivent pas l’inflation, dis­pa­ri­tion des ser­vices publics, fli­cage des pauvres, etc.
    Une réunion de toutes les décep­tions et les res­sen­ti­ments. Comme les mee­tups l’ont été en Ita­lie, les blo­cages des gilets jaunes sont pour beau­coup une pre­mière par­ti­ci­pa­tion à la vie poli­tique. Il y a une colère qui a besoin de s’exprimer, mais aus­si un enthou­siasme des débuts, et pour cer­tains obser­va­teurs, un espoir à voir des per­sonnes peu ou pas poli­ti­sées prendre part au débat.
    Consé­quence : les aspects gênants, pro­blé­ma­tiques, sont balayés par tous les gens de bonne volon­té. Comme l’analyse Wu Ming pour l’Italie, c’est que : « les cycles de lutte se sont suc­cé­dés sans s’enraciner dans un sens com­mun (.…) le fait que de nom­breuses per­sonnes de gauche même radi­cale (…) aient choi­si Grillo « parce qu’il n’y a rien d’autre » est com­pré­hen­sible (…) mais le « il n’y a rien d’autre » est une consé­quence de la « cap­ta­tion » [des dif­fé­rentes luttes]».
    Autre­ment dit, se col­ler un gilet jaune sur le dos c’est les ren­for­cer et don­ner l’impression qu’ils sont par­tout mais ce n’est pas “pro­fi­ter de leur pré­sence média­tique” ni de leur colère.
  • Un mou­ve­ment de consom­ma­teurs et pas un mou­ve­ment poli­tique : le pou­voir d’achat avant tout. C’est en ce sens qu’il faut com­prendre ce que dit Wu Ming de l’Italie : « C’est un dis­cours qui accu­mule tou­jours plus de contra­dic­tions, parce qu’il met ensemble ultra­li­bé­ra­lisme et défense des biens com­muns, rhé­to­rique de la démo­cra­tie directe et Füh­rer­prin­zip grillo­cen­trique, sou­tien aux No-Tav qui pra­tiquent la déso­béis­sance civile et léga­lisme de base qui confond l’éthique et le casier judi­ciaire vierge. »
    C’est aus­si ce qui explique l’absence de rap­ports entre la grande majo­ri­té des gilets jaunes et les struc­tures habi­tuelles de luttes. Absence qui s’inscrit dès lors comme dépas­se­ment de l’habituelle arti­cu­la­tion capital/travail à tra­vers une conver­gence mas­sive et pré­ten­du­ment apolitique.
    Mais la conver­gence, quand elle se fait autour de la baisse de l’impôt se fait dans le sens des petits patrons, des indé­pen­dants, favo­ri­sant une orga­ni­sa­tion néo­li­bé­rale de la rela­tion salariale.
  • Une orga­ni­sa­tion qui se veut hori­zon­tale et qui met en avant une « démo­cra­tie directe ». Si le mou­ve­ment M5S dif­fère des gilets jaunes en ce qu’il pré­sente un lea­der cha­ris­ma­tique, l’organisation se veut iden­tique : consul­ta­tion régu­lière de la base, rejet d’une orga­ni­sa­tion en Par­ti, pro­gramme construit en ligne ou éla­bo­ré après exa­men des per­sonnes sur le ter­rain, etc. Se rajoutent à cela un cer­tain nombre de mesures qui s’apparentent à un usage direct de la démo­cra­tie : réfé­ren­dum popu­laire inté­gré à la Consti­tu­tion et pos­si­bi­li­té pour les gens de pro­po­ser des lois (Gilets Jaunes), obli­ga­tion de dis­cu­ter de chaque loi d’initiative popu­laire et limi­ta­tion des man­dats (M5S). Très concrè­te­ment, se cache der­rière le mythe du « bon peuple », ni de droite ni de gauche.
  • Un voca­bu­laire iden­tique avec l’invisibilisation des « classes sociales ». En défi­ni­tive, s’il y a un rejet légi­time des élites, à aucun moment il n’y a une remise en cause pro­fonde du capi­ta­lisme. En Ita­lie, l’accent a été par­ti­cu­liè­re­ment mis sur la cor­rup­tion des élites (poli­to­mètre pour véri­fier l’enrichissement per­son­nel des élus…), sujet qui marche d’autant mieux que la cor­rup­tion est vrai­ment ram­pante dans tout le pays. Il s’agit désor­mais de sur­veiller la « caste » des poliques.
    Des reven­di­ca­tions ana­logues ont été lan­cées par les Gilets jaunes, entre la fin des indem­ni­tés pré­si­den­tielles à vie, le salaire médian pour les repré­sen­tants, la sur­veillance des frais de trans­ports etc. Ces exi­gences ne seraient pas aber­rantes si elles inté­graient une logique de classe, mais ce qui se joue ici est encore affaire de mythe : celui des « hon­nêtes gens » face à une classe cor­rom­pue. Comme le dit Wu Ming à pro­pos de M5S : « Il y a un peuple « hon­nête » (don­né pour indi­vi­sé : pas de classes, pas d’intérêts oppo­sés) et une « caste cor­rom­pue » décrite comme étran­gère au « peuple ». Pour résoudre les pro­blèmes de l’Italie, il faut élire les « gens hon­nêtes » qui ne pren­dront des déci­sions « ni de droites ni de gauches » : ils pren­dront des déci­sions « justes ». […] C’est un cadre très sim­pliste et conso­la­teur, qui éli­mine les contra­dic­tions, ne touche pas les causes de la crise et offre des enne­mis faciles à identifier. »

Une similitude dans l’ambiguïté qui se retrouve dans des positions parfois irréconciliables

Nous retrou­vons avec les Gilets jaunes tout un tas de récla­ma­tions habi­tuelles de la droite fran­çaise : moins de taxes (dont le fuel mari­time et le kéro­sène, mais aus­si car­bu­rant) et pré­oc­cu­pa­tions bou­ti­quières (pas de pré­lè­ve­ment à la source, favo­ri­ser les petits com­merces des vil­lages et centres-villes, davan­tage de par­kings gra­tuits, inter­dic­tion de faire payer aux com­mer­çants une taxe lorsque leurs clients uti­lisent la carte bleue).
En Ita­lie, le mou­ve­ment M5S récla­mait entre autres choses la fin de la taxe d’habitation (pour le pre­mier loge­ment) et l’abolition d’Equitalia (l’organisme char­gé de col­lec­ter les impôts et la retraite). Autre­ment dit, dans les deux cas, il y a une accep­ta­tion totale de l’organisation néo-libérale.

Pour­tant, que ce soit au niveau des rému­né­ra­tions (salaire mini­mum rehaus­sé et indexé à la l’inflation), des per­sonnes les plus fra­giles (baisse des prix du gaz et de l’électricité, limi­ta­tion des loyers, sou­tiens aux per­sonnes agées et retraites), du rap­port aux ser­vices publics (réac­ti­va­tion du réseau fer­ro­viaire, réou­ver­tures des ser­vices de proxi­mi­té comme les bureaux de poste, des écoles et des mater­ni­tés), de l’éducation (effec­tif limi­té au sein des écoles) ou de l’emploi (créa­tion d’emplois pour les chô­meurs, moins de CDD plus de CDI), c’est bien aus­si un mel­ting-pot de demandes ini­tia­le­ment de gauche que les Gilets Jaunes défendent. De même, en Ita­lie, le mou­ve­ment por­tait des idées plu­tôt clas­sées à gauche : retour d’une vraie poli­tique édu­ca­tive et de san­té, accès gra­tuit à inter­net pour tous, exi­gences éco­lo­giques etc.

Mais ces simi­li­tudes se retrouvent aus­si au niveau de reven­di­ca­tions clai­re­ment réac­tion­naires des Gilets Jaunes où, pêle-mêle il fau­drait aimer les “forces de l’ordre” (moyens consé­quents accor­dés à la jus­tice, à la police, à la gen­dar­me­rie et à l’armée), la patrie (inter­dic­tion de vendre les biens appar­te­nant à la France) et la nation (vivre en France implique de deve­nir fran­çais : cours de langue fran­çaise, cours d’histoire de France et cours d’éducation civique avec une cer­ti­fi­ca­tion à la fin du par­cours). Tant pis pour les débou­tés du droit d’asile ou les migrants : ils doivent retour­ner chez eux. Idée que l’on retrouve dans le dis­cours très répan­du chez les membres du mou­ve­ment M5S du « aiu­tia­mo­li a casa loro » (aidons-les chez eux).
C’est vrai, les Italien·es sont allé·es un rien plus loin en pro­po­sant le reve­nu citoyen (red­di­to di cit­ta­di­nan­za) : le reve­nu se sub­sti­tue aux autres aides et est réser­vé aux seuls citoyens italiens…

Les limites de l’entrisme ou la question de l’engagement

Puis le pro­gramme du M5S est deve­nu de plus en plus pro­blé­ma­tique avec le temps, en par­ti­cu­lier sur les ques­tions natio­na­listes, même si elles n’étaient pas au centre des reven­di­ca­tions de base. La ligne anti-immi­gra­tion va se dur­cir, jusqu’au vote, en 2017 d’un pro­gramme « objec­tif zéro débar­que­ment » voté par les sym­pa­thi­sants du M5S sur la pla­te­forme « Rousseau ».
Il s’articule autour de quatre points : créa­tion de voies d’immigration légales, ren­voi des immi­grés vers d’autres pays UE, réforme des com­mis­sions d’examen des demandes d’asile et aug­men­ta­tion de la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale. On arrive très vite au slo­gan « Stop au busi­ness de l’immigration ». L’étranger comme par­fait bouc émis­saire en réponse à la crise est un pon­cif bien connu et qui mal­heu­reu­se­ment trouve faci­le­ment à se faire entendre chez ceux qui sont à l’avant-dernière place.

Et là, ceux qui avaient cru que l’aile gauche du M5S pour­rait contre­car­rer ce qu’il y avait déjà de bien dégueu­lasse en germe dans le par­ti dès le début, noyé sous des reven­di­ca­tions « sociales » ou « envi­ron­ne­men­tales » se sont ren­du compte que l’entrisme avait ses limites. En clair, c’est un petit jeu auquel on n’est pas vrai­ment sûr de gagner, et où il y a gros à perdre.
Ain­si, contrai­re­ment à ce que cer­tains cama­rades pour­raient pen­ser, ce n’est pas une ques­tion de ” pure­té ” ou quoi que ce soit s’y rap­por­tant qui se cache der­rière cette ques­tion de la conver­gence, c’est sim­ple­ment le constat lucide de la proxi­mi­té réelle entre enga­ge­ments réci­proques et renon­ce­ment à ses principes.
Tout arran­ge­ment n’est pas bon, et si la ligne de front qui sépare com­pro­mis et com­pro­mis­sion ne semble pas tou­jours évi­dente, cer­taines choses devraient nous arrê­ter. Comme le sou­te­nait Wu Ming, il faut que les contra­dic­tions s’intensifient et explosent :
« Quand nous disons que nous sommes pour la révo­lu­tion à l’intérieur du M5S, nous vou­lons dire que nous sou­hai­tons que les contra­dic­tions s’intensifient et explosent. Ceci ne doit pas être confon­du avec un dis­cours angé­liste sur la « base » qui est « bonne » : dans la base il y a aus­si pas mal de fas­cistes et de gens qui hier encore exul­taient pour Bos­si ou Ber­lus­co­ni, il y a aus­si ce type du M5S de Pon­te­de­ra qui a sor­ti un com­mu­ni­qué raciste à vous col­ler la chair de poule, il y a ce grilli­no sarde qui a com­pa­ré le mariage gay à l’accouplement avec des ani­maux… La « base » n’est pas « bonne », ça aus­si c’est une logique de droite, de faire entrer subrep­ti­ce­ment le dis­cours du « peuple » contre « la caste », là où, en réa­li­té, la caste ce sont Grillo et Casa­leg­gio (son conseiller, ndlt). Non, ce que nous sou­hai­tons, ce sont des rup­tures ver­ti­cales et hori­zon­tales, sur des ques­tions concrètes. Ce seront des com­bats spé­ci­fiques qui met­tront les grilli­ni « de gauche » faces à des choix qu’ils ne peuvent plus remettre à demain. » [[Tou­jours dans la même inter­view de Wu Ming datée de 2013.]]

Cinq ans plus tard, le M5S s’est allié avec la Lega, et tant pis pour les grilli­ni « de gauche » à qui il ne reste que les yeux pour pleu­rer, et par­fois des tri­bunes, comme cette séna­trice M5S, Ele­na Fat­to­ri, qui se déso­lait récem­ment dans les colonnes du Libe­ro quo­ti­dia­no et regret­tait amè­re­ment le contrat pas­sé avec la Lega qui impli­quait « un pré­sident du Conseil non élu par le peuple, Sal­vi­ni à l’intérieur, un ministre de la famille tra­di­tion­na­liste et homo­phobe […] » mais aus­si tous les renon­ce­ments sur les luttes pas­sées, « la Tap (Trans Adria­tic Pipe­line) l’Ilva (site indus­triel dans les Pouilles) le TAV (ligne Lyon-Turin), le Ceta » et enfin l’élection d’une ber­lus­co­nienne AOC comme pré­si­dente du Sénat.

Autre­ment dit, mal­gré une tra­di­tion assez forte de lieux auto­gé­rés ouverts sur la ville, comme avec les cen­tri socia­li, ins­tru­ments d’implication du public dans les luttes, et en dépit des espaces qui par­viennent à impli­quer une bonne par­tie de la popu­la­tion dans des luttes sou­vent locales, le constat est sans appel : l’entrisme ne marche pas. Les dif­fé­rentes luttes n’ont pas réus­si à se faire entendre grâce au M5S, elles ont été dévo­rées par le mouvement.

Il nous paraît impor­tant de gar­der en tête ces élé­ments pour ne pas jouer le jeu de nos enne­mis. Ne pas céder sur nos valeurs sous pré­texte d’une urgence anxio­gène. Pous­ser pour que d’autres mou­ve­ments davan­tage en accord avec l’ensemble de nos espé­rances se mettent en place et prennent le relais de cette mobi­li­sa­tion. Et sur­tout ne jamais arrê­ter de cri­ti­quer ou de réflé­chir sous pré­texte d’unité, quitte à ne pas s’associer. Dans le cas contraire, nos len­de­mains pour­raient sérieu­se­ment déchanter.

Col­lec­tif Athé­né Nyctalope

SOURCE : Paris-luttes.info