On m’appelle sans papiers

Par Ernest Pépin

Faugas/Lamentin/Guadeloupe

Florianne_Vuillamy.png

Pein­ture de [Flo­ranne Vuilla­my ->http://kanza.artblog.fr/r9362/Peinture-ART3/9/]

On m’ap­pelle sans papiers

Pour­tant j’a­vais pris soin de me munir de feuilles vertes

Comme une offrande à la forêt lointaine

Mais la forêt gron­dait comme une jungle

J’a­vais pris soin de me plier dans les coins

De n’ha­bi­ter nulle part

Et de cour­ti­ser les trottoirs

De bien tendre la main aux guichets

De me fondre dans la nuit du métro

Mal­gré tout

On m’ap­pelle sans papiers

Connais­sez-vous la mino­ri­té visible d’un sans papiers

Cela res­semble à l’invisible

Aux contrôles

Aux refou­lés

Je vis ma vie de rats dans les égouts du malheur

J’ha­bite au fond de l’exil

Je pue l’exil au fond de ma cage

Je crois en Dieu comme tout le monde

Mais j’oc­cupe l’é­glise de mon quartier

Oui de mon quar­tier Au nom du Père

J’oc­cupe l’é­glise pour voir Dieu de plus près

On m’ap­pelle sans papiers

Mais per­sonne ne m’ap­pelle par mon nom

Il paraît que mon nom pue

Que c’est un nom à cou­cher dehors

Un nom d’oi­seau qui a per­du son nid

Un nom d’oi­seau sans papiers

Mon nid c’est la banlieue

Le foyer

La cave où dorment les zombis

Mon nid c’est un aller sans retour

Un retour sans aller

On m’ap­pelle sans papiers

Je gratte un bout de vie

Je ronge mon os en silence

De temps en temps

Je crie

Je prie

L’Eu­rope ne peut accueillir toute la misère du monde

Mais l’Eu­rope a cau­sé toute la misère du monde

Alors je suis par­ti sans papiers

Au nom de la misère du monde

Au nom de mes richesses

Sans papiers