Entretiens. Zin TV : Télévision alternative

Source : plantv, Publié le 18 juillet 2017

Ren­contre avec Zin TV, une WebTV collaborative

Le Conseil supé­rieur de l’audiovisuel publie un bilan trans­ver­sal WebTV + Le Soir. L’occasion d’une ana­lyse pros­pec­tive de ce sec­teur par­ti­cu­lier, consti­tué de nom­breux béné­voles pas­sion­nés, dont la contri­bu­tion remar­quable à la diver­si­té de notre pay­sage audio­vi­suel reste méconnue.

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Zin TV est une WebTV col­la­bo­ra­tive, trait d’union entre le tis­su asso­cia­tif et les citoyens. Son équipe couvre l’actualité au-delà de tout for­ma­tage et mène une réflexion conti­nue sur l’indépendance des médias. Ren­contre à Bruxelles avec Anne-Sophie et Ron­nie, béné­voles à temps partiel.

Com­ment tout a commencé ?

Notre constat de départ, c’est que les fenêtres de dif­fu­sion pour les conte­nus audio­vi­suels pro­duits par les mou­ve­ments alter­na­tifs sont insuf­fi­santes. Il y a là une mine d’or de pro­grammes pas ou peu exploi­tée par les télé­vi­sions tra­di­tion­nelles. On inves­tit donc ce cré­neau. En paral­lèle, Zin TV pro­duit aujourd’hui des repor­tages, des docu­men­taires, des débats d’actualité… Une offre qui s’enrichit aus­si d’échanges avec des médias étran­gers en phase avec notre philosophie.

Votre phi­lo­so­phie ?

Nous vou­lons éman­ci­per l’information du prisme défor­mant des médias généralistes.

C’est-à-dire ?

Pre­nons l’exemple d’une grève. Au J.T., l’angle jour­na­lis­tique choi­si est sys­té­ma­ti­que­ment celui des incon­vé­nients pour les usa­gers. On voit quelques syn­di­ca­listes remon­tés. Des vareuses colo­rées. Des cali­cots. Des navet­teurs pas contents. Des pains sau­cisses… Et je cari­ca­ture à peine… Le fond des reven­di­ca­tions, pour­tant légi­times, est la plu­part du temps sacri­fié. On loupe le débat public. Et c’est un mal généralisé.

Les jour­na­listes audio­vi­suels sont trop formatés ?

Clai­re­ment. Après, je les com­prends, ils pro­duisent dans l’urgence parce que leur rédac­teur en chef veut du scoop, ils ont constam­ment à l’esprit le plus petit déno­mi­na­teur com­mun de l’audience, ce qui nivelle leur ambi­tion de vul­ga­ri­sa­tion, ou pire, les pousse au sen­sa­tion­na­lisme. Et puis, com­ment vou­lez-vous résu­mer des thé­ma­tiques com­plexes en trois minutes chro­no ? La seule solu­tion, c’est d’appliquer des recettes toutes faites… Ce for­ma­tage impacte tous les aspects du média télé­vi­sion. Regar­dez les images sté­réo­ty­pées qu’on nous dif­fuse, elles ne véhi­culent plus rien, le J.T. se réduit presque à de la radio filmée.

Quel contre modèle défendez-vous ?

La réflexion est glo­bale au sein des médias non mar­chands. Il faut arrê­ter avec cette hys­té­rie de l’instantané. Doit-on vrai­ment pro­duire autant d’information ? Posons-nous la ques­tion du sens… Notre cre­do, c’est la récu­pé­ra­tion du temps, un concept à la fois simple et mer­veilleux. Encore une fois, nous n’avons pas les même impé­ra­tifs que les télé­vi­sions tra­di­tion­nelles, autant en pro­fi­ter pour réflé­chir, expé­ri­men­ter, ten­ter de faire les choses autrement.

Mais concrè­te­ment, com­ment ce cre­do influence votre tra­vail au quotidien ?

Zin TV veut contri­buer au dia­logue. Loin du mono­logue direc­tif des jour­na­listes, notre approche sur le ter­rain s’assimile à du docu­men­taire. Pour reprendre l’exemple de la grève, les jour­na­listes de Zin TV ten­te­ront de sai­sir une conver­sa­tion entre un syn­di­ca­liste et un étu­diant en retard à son exa­men. Ce type de plan séquence per­met­tra d’aborder les ques­tions que tout le monde se pose avec des mots simples, un res­sen­ti juste. Le tri­logue émerge ensuite lorsque le télé­spec­ta­teur réa­lise sa propre syn­thèse de l’actualité, se construit son opi­nion. Toute syn­thèse est sub­jec­tive, tendre vers l’objectivité, c’est tendre vers le retrans­crit du réel. Ensuite, l’enjeu est de sus­ci­ter la par­ti­ci­pa­tion active du téléspectateur.

L’audience vous suit ?

Nos repor­tages au plus proche de l’action récoltent des audiences consi­dé­rables, par­fois plus d’un mil­lion de vues. Nos équipes prennent le risque d’aller au front dénon­cer des illé­ga­li­tés de pro­cé­dures, des mau­vais trai­te­ments dans les mani­fes­ta­tions, des réunions de lob­bies… Le public sou­tient cette audace. Mais nous appor­tons le même soin à tous nos sujets. Récem­ment, Zin TV trai­tait de la sup­pres­sion de cer­taines lignes du TEC en milieu rural et des consé­quences en termes d’isolement pour les per­sonnes âgées et han­di­ca­pées. Le sujet pla­fonne à 200 vues… mais on en est très fier ! Jamais notre rédac­tion ne tran­sige sur sa ligne édi­to­riale en pen­sant aux clics !

Com­ment finan­cez-vous vos activités ?

Le « noyau dur » de notre équipe est consti­tué de 5 per­sonnes. Après des années de pros­pec­tion, nous avons obte­nu quelques sub­sides ponc­tuels qui nous per­mettent tout juste de rému­né­rer une per­sonne à mi-temps. C’est une situa­tion très déli­cate. Heu­reu­se­ment, nous sommes logés gra­cieu­se­ment par une struc­ture cultu­relle… fla­mande… mais si ce bail devait être remis en cause, tout notre pro­jet serait en sur­sis. Le poli­tique doit com­prendre la néces­si­té qu’il y aujourd’hui à sou­te­nir des médias comme le nôtre, les WebTV font par­tie du pay­sage audio­vi­suel, elles doivent être recon­nues et sou­te­nues lorsqu’elles rem­plissent des mis­sions d’intérêt géné­ral. Pour nous, cher­cher des sub­sides, c’est tou­jours la crainte de perdre beau­coup de temps et d’énergie pour rien. Les gui­chets sont inadap­tés. Il devrait exis­ter un fonds de sou­tien comme pour les radios asso­cia­tives. Si rien ne bouge, l’énergie de nom­breux béné­voles pas­sion­nés de télé­vi­sion fini­ra par s’épuiser.

D’autant que gérer un por­tail vidéo, c’est aus­si très contraignant…

Nous réflé­chis­sons beau­coup à ce que doit être une WebTV non mar­chande en 2017. On vou­drait déve­lop­per la mise en valeur de nos conte­nus avec des recom­man­da­tions auto­ma­tiques. On vou­drait aus­si mieux uti­li­ser les réseaux sociaux sans tou­te­fois en deve­nir dépen­dant. S’il est évident que nous devons aller cher­cher l’internaute où il est, c’est-à-dire sur Face­book, notre volon­té est de le rame­ner sur notre por­tail. En effet, les codes de pro­duc­tion vidéo de Face­book ne cadrent pas avec notre phi­lo­so­phie : trop court, trop pre­mier degré, trop muet… Un autre axe de réflexion, c’est l’archivage de nos pro­duc­tions, ce serait dom­mage que tout ce patri­moine dis­pa­raisse un jour. Mais tout cela coûte de l’argent…

Per­ce­vez-vous la recon­nais­sance du CSA comme une légi­ti­mi­té sup­plé­men­taire dans vos revendications ?

On a l’impression d’être moins livré à notre sort. Zin TV veut faire par­tie du pay­sage audio­vi­suel. Prê­cher les intel­lec­tuels convain­cus, c’est impor­tant, mais notre ambi­tion est de sor­tir de notre sphère d’influence habi­tuelle. Le plus impor­tant reste la recon­nais­sance du ter­rain, et de ce côté-là, on nous le rend bien… Et puis, le régu­la­teur, c’est un allié sur d’autres enjeux qui concernent les médias d’internet : neu­tra­li­té du web, res­pect de la vie pri­vée… Il est d’ailleurs temps que quelqu’un nous pro­tège contre les clauses abu­sives liées à l’utilisation de Facebook.

Un mot sur vos acti­vi­tés paral­lèles, votre asso­cia­tion est aus­si impli­quée dans la formation ?

En effet, nous fami­lia­ri­sons les citoyens à l’outil audio­vi­suel de manière à ce qu’ils puissent s’impliquer direc­te­ment dans notre pro­gram­ma­tion. Zin TV contri­bue éga­le­ment à la créa­tion d’autres médias, comme « Sans papier TV » que nous sou­te­nons de dif­fé­rentes manières. Enfin, il nous arrive de par­tir en mis­sion à l’étranger : Afrique, Amé­rique du Sud, où beau­coup de médias com­mu­nau­taires sont en voie de création.