J’ai passé des nuits entières dans les services de réanimation

Entretien du photographe Antoine d’Agata réalisé par Alice Leroy

Publié à la source sur AOC

La vie nue, du pho­to­graphe Antoine d’Agata

Le pho­to­graphe Antoine d’Agata a réa­li­sé, pen­dant le confi­ne­ment, deux séries de pho­to­gra­phies prises avec une camé­ra ther­mique, l’une dans les rues, l’autre à l’hôpital. D’une tech­no­lo­gie de sur­veillance et de recon­nais­sance, conçue à des fins scien­ti­fiques et mili­taires, le pho­to­graphe fait un usage à contre-emploi : en détec­tant les radia­tions infra­rouges émises par les corps, l’appareil ne cherche pas à les loca­li­ser et à les iden­ti­fier, mais au contraire à les abs­traire et à pro­té­ger leur identité.

D’abord, on ne voit presque rien. Sur un fond sombre bleu­té, des tâches incan­des­centes illu­minent le centre de l’image. Après un moment, on dis­tingue une sil­houette age­nouillée, le buste et la tête tour­nés vers une forme iri­sée et indé­ter­mi­née, comme une espèce de soleil écra­sé sur lui-même. En prê­tant une plus grande atten­tion, on voit bien­tôt émer­ger des formes recon­nais­sables : ces ombres et ces clar­tés esquissent les plis d’une robe, peut-être une blouse ample, recou­vrant le corps tout entier de la sil­houette age­nouillée. Sa tête est sou­li­gnée d’une espèce de tur­ban, ou bien d’une char­lotte, qui dis­si­mule la che­ve­lure. De la blouse sur­git une main, ten­due vers un disque lumi­neux qu’elle touche avec dou­ceur, comme pour le cares­ser. Ce disque lumi­neux est un visage dont tous les traits ont été effa­cés, comme ava­lés par la lumière. Autour de ce visage, des nuances plus sombres des­sinent la che­ve­lure, l’épaule et le reste du corps recou­vert par un drap.

On croi­rait une scène reli­gieuse, une figure de dévo­tion age­nouillée au che­vet d’un gisant. On n’est pour­tant ni dans une église, ni dans un musée, mais dans un hôpi­tal. Ces corps ne sont pas de pierre, mais de chair et de sang, et c’est pour­quoi ils appa­raissent tout auréo­lés de lumière dans la nuit des images ther­miques. Cette pho­to­gra­phie a été prise dans une salle de réani­ma­tion au plus fort de la crise du Covid-19 en France. Elle appar­tient à une double série réa­li­sée par le pho­to­graphe Antoine d’Agata durant les huit semaines de confi­ne­ment du pays, dans les rues dépeu­plées de la capi­tale et au cœur des hôpi­taux, qui fera à l’automne l’objet d’une expo­si­tion à la fon­da­tion Browns­tone et d’une publi­ca­tion aux édi­tions Stu­dio Vor­tex.

On a sou­vent décrit le tra­vail d’Agata en termes rim­bal­diens ou batailliens, ou bien com­pa­ré ses images bou­gées aux pein­tures de Bacon et aux visions d’Artaud. Dans cette série en camé­ra ther­mique, nulle vio­lence com­pul­sive ni roman­tisme noir, mais la sen­sua­li­té douce d’un geste d’attention à autrui. D’une tech­no­lo­gie de sur­veillance et de recon­nais­sance, conçue à des fins scien­ti­fiques et mili­taires, le pho­to­graphe fait un usage à contre-emploi : en détec­tant les radia­tions infra­rouges émises par les corps, l’appareil ne cherche pas à les loca­li­ser et à les iden­ti­fier, mais au contraire à les abs­traire du contexte hos­pi­ta­lier et à pro­té­ger leur iden­ti­té. « Ceci n’est pas un champ de bataille et nous ne sommes pas en guerre » disent les images d’Agata ; dans ce théâtre des opé­ra­tions qu’est l’hôpital, les seuls gestes qui ont cours sont ceux qui recon­naissent la vul­né­ra­bi­li­té des corps et qui prennent soin des vies. Un jour, quand nous nous sou­vien­drons des gestes oubliés, dis­pa­rus avec l’avènement d’une ère digi­tale qui vit paral­lè­le­ment et para­doxa­le­ment la pro­hi­bi­tion des contacts phy­siques, ces images d’Agata com­po­se­ront comme un atlas sen­suel des gestes de l’attention et du soin. Alice Leroy

Où étiez-vous quand le confinement a commencé ?

À Paris. Je devais par­tir pour le Mexique, où je mène depuis quelques temps déjà un pro­jet avec des déte­nus, mais tout a été sus­pen­du avec le confi­ne­ment. Très rapi­de­ment, j’ai déci­dé de res­ter à Paris et je me suis ins­tal­lé dans les bureaux déser­tés de l’Agence Mag­num, avec laquelle je tra­vaille. J’ai squat­té cet espace pen­dant deux mois, j’en sor­tais au petit matin ou en fin de jour­née pour aller errer dans la ville aban­don­née. Je ne vou­lais pas pho­to­gra­phier les rues vides, mais les corps qui ont tou­jours été au cœur de mon tra­vail. J’ai obser­vé la nou­velle géo­gra­phie sociale de la ville : les pas­sants inquiets ou fuyants, la dis­tance entre les corps, la soli­tude de ceux qui n’avaient pas d’endroit où se réfu­gier. Et très vite, je ne me suis plus inté­res­sé qu’à ceux-là, aux marges de la vie sociale, les sans-abris, les jun­kies, les pros­ti­tuées, celles et ceux qui conti­nuaient d’habiter la rue mal­gré tout. Au fil des jours, j’ai vu les com­por­te­ments chan­ger, deve­nir plus agres­sifs, et la répres­sion se dur­cir aus­si. Tout le mar­ché du crack est des­cen­du jusqu’à la gare du Nord, la ville est deve­nue plus vio­lente, sans que les médias en parlent. Paral­lè­le­ment, j’ai com­men­cé à aller dans les hôpi­taux et les centres d’urgence du Covid pour des com­mandes de la presse. J’ai d’abord mené dans ces lieux un tra­vail docu­men­taire en réa­li­sant des por­traits de dif­fé­rents types d’autorités : les soi­gnants et les poli­ciers sur­tout. J’ai aus­si pho­to­gra­phié au flash des ser­vices de réani­ma­tion à Mar­seille et à Paris pour le New York Times. J’ai essayé plu­sieurs tech­niques pour appré­hen­der à ma manière ce qui se jouait dans ces espaces, et c’est comme cela que très vite, je me suis mis à uti­li­ser un appa­reil thermique.

Ce n’est pas la première fois que vous vous essayez à cette technique…

Non, je l’ai expé­ri­men­tée pour la pre­mière fois en 2015, juste après les atten­tats à Paris. Je m’intéressais alors aux rituels reli­gieux, à toute cette ges­tuelle para­doxale de la foi, et j’ai pho­to­gra­phié une dou­zaine de lieux de culte, des mos­quées, des églises, des temples. J’avais alors un appa­reil assez basique, qui fai­sait des images très pauvres, mais c’est pré­ci­sé­ment ce que je recher­chais : j’aime, dans ces images ther­mo­gra­phiques, la dis­so­lu­tion des détails et la dis­pa­ri­tion du contexte, qui en font presque des abs­trac­tions. Ensuite, comme je suis un mécréant, j’ai eu besoin de trou­ver un anti­dote à la reli­gion, et assez natu­rel­le­ment, j’ai pho­to­gra­phié la défonce sui­vant le même pro­cé­dé. J’ai donc ten­té de faire appa­raître l’essence de ces « rituels nar­co­tiques », en éli­mi­nant la dimen­sion docu­men­taire, anec­do­tique de l’image pour cap­ter seule­ment la vio­lence, la ten­sion et l’effondrement des corps. Ces deux séries ont été publiées dans mon livre Acé­phale en 2018. En 2019, je suis par­ti en Israël. J’ai ache­té un appa­reil un peu plus sophis­ti­qué. Une fois à Gaza, cette co-exis­tence hal­lu­ci­nante et hyper-vio­lente des trois mono­théismes m’a ame­né à res­sor­tir ma camé­ra ther­mique. Il y a dans ces images toutes auréo­lées de halos lumi­neux un rap­port à l’invisible et à la ritua­li­té qui me fascine.

Ce rapport, l’avez-vous retrouvé dans les gestes des soignants au cœur des unités de soins intensifs pendant la crise du Covid-19 ?

Disons que j’ai retrou­vé dans ces espaces-là quelque chose comme un rap­port litur­gique aux corps. Je voyais des figures de gisants et de péni­tents par­tout. Et sur­tout, la dimen­sion gra­phique des corps ali­tés et intu­bés se dis­sol­vait dans une espèce d’abstraction lumi­neuse. Dans l’image ther­mique, on n’a pas le spec­tacle de la souf­france des corps, toute cette vie ren­due plus orga­nique et fra­gile encore par la mala­die. Les corps deviennent des spectres lumi­neux déta­chés sur un fond d’obscurité. Pour moi, il était aus­si impor­tant de ne pas expo­ser l’identité et l’intimité des per­sonnes hos­pi­ta­li­sées d’une part, et d’autre part de ne pas spec­ta­cu­la­ri­ser l’univers hos­pi­ta­lier pour en faire une espèce de théâtre de la bataille menée contre le virus. Je vou­lais qu’on ne voie plus que la dou­ceur, presque la sen­sua­li­té des gestes des soi­gnants. On a enten­du beau­coup de méta­phores guer­rières dans la bouche des gou­ver­nants, mais cela me semble un peu atter­rant de com­pa­rer les soi­gnants à des sol­dats : étant les plus expo­sés, ils ont fait preuve d’un dévoue­ment inouï. Quand un infir­mier et une infir­mière font la toi­lette d’une per­sonne en uni­té de réani­ma­tion, vous êtes presque en face d’un mys­tère, tant il y a de la dou­ceur et de la bien­veillance dans ces gestes.

De ce point de vue, il y a entre les deux séries, celle de la rue et celle des hôpitaux, un dialogue assez déroutant, comme si la violence attendue dans ces espaces cliniques était proportionnellement inverse à celle des images de la rue.

Oui, les deux séries dia­loguent de façon étrange : dans la ville déser­tée, la trans­pa­rence des corps – de tous les corps, orga­niques ou non – les isole plus encore dans l’abstraction inson­dable qu’est deve­nu le réel. C’est d’une très grande vio­lence, parce qu’il n’y a plus que des corps qui luttent pour habi­ter un espace presque inha­bi­table. Les sujets les plus obsé­dants, pour moi, étaient les sans-abris, ceux qui avaient com­plè­te­ment été oubliés dans ce grand plan de confi­ne­ment et qui devaient se débrouiller pour sur­vivre. C’était les der­niers des hommes dans un monde qui avait per­du ce qui fai­sait notre huma­ni­té com­mune. Dans les hôpi­taux, au contraire, où on pour­rait s’attendre à un spec­tacle plus mor­bide, la camé­ra ther­mique fait dis­pa­raître non seule­ment le contexte hos­pi­ta­lier mais aus­si toutes les machines et les tubes qui équipent les lits. On ne voit plus que ces gestes infi­ni­ment atten­tion­nés des soi­gnants dans leur rela­tion aux patients. Ce ne sont pas des gestes de pitié, ni même d’empathie, mais bien des gestes de soin. Et c’est vrai qu’ils ont une sen­sua­li­té très forte.

Cette sensualité est d’autant plus paradoxale qu’elle est ici le produit d’une technologie qui fut inventée par des astronomes au milieu du XIXe siècle et développée par des militaires au siècle suivant ! On imagine plus facilement la thermographie comme un dispositif de repérage et de surveillance, désincarnant ses sujets en les dépossédant de leur enveloppe de chair et de la singularité de leurs traits, que comme une quête sensuelle des essences gestuelles…

C’est vrai, et pour­tant les images ther­miques sont si para­doxa­le­ment incar­nées ! Elles mesurent la masse de cha­leur pro­duite par un corps et elles le rendent donc per­méable à la vision. En même temps, elles énoncent aus­si la poro­si­té, la vul­né­ra­bi­li­té des corps : elles captent la fièvre du vivant qu’elles trans­forment en ondes lumi­neuses. Il y a là comme un mys­tère de l’incarnation qui se rejoue à même la sur­face des images. Au fond, je crois que la pho­to­gra­phie pour moi n’appartient pas tant à une his­toire de tech­niques et de savoir-faire, ni même à une his­toire des beaux-arts ou des styles, elle relève d’une his­toire des gestes, et par là j’entends aus­si bien les gestes des figures pho­to­gra­phiées que ceux des pho­to­graphes. La seule véri­té qui vaille dans une image c’est celle de la posi­tion du pho­to­graphe dans la situa­tion qui a géné­ré cette image.

Il y a aussi dans la thermographie une pauvreté de l’image à laquelle vous n’êtes pas insensible, non ?

Parce que cette pau­vre­té des images témoigne pour moi d’un enga­ge­ment : dans les 800 pixels d’une image en basse défi­ni­tion, il y a une radi­ca­li­té qui n’est pas tant esthé­tique que poli­tique. Je n’ai jamais cher­ché à faire de belles images, mais à tra­duire des inten­si­tés, des états de corps, une nuit ani­male de l’être, oui. La ther­mo­gra­phie n’est au fond qu’une manière de retrou­ver ce que j’ai expé­ri­men­té ailleurs à tra­vers le flou ou les images bou­gées. Il y a aus­si une cer­taine abs­trac­tion dans l’image ther­mique qui m’intéresse par­ti­cu­liè­re­ment : elle reste fidèle à la réa­li­té, tout en nous ouvrant à une autre expé­rience de la réa­li­té, comme si elle défai­sait le tis­su de nos sens. La « pau­vre­té » de ces images en basse défi­ni­tion n’est ni une lacune, ni même une rup­ture de style, elle décrit sim­ple­ment un autre niveau de réa­li­té. Elle ne dévoile pas l’urgence et l’horreur de la pan­dé­mie telle qu’elle a été dépeinte sur tous les écrans, mais plu­tôt un espace-temps où la vie et la mort se confondent.

Et ces images, pourtant, n’ont rien de macabre. Mais tout en étant intuitives, vos photographies sont aussi toujours très composées, ici par exemple, elles invoquent toute une tradition de la peinture religieuse.

C’est vrai, mais je crois qu’une fois encore, c’est une ques­tion d’engagement dans une situa­tion. Mes images ne racontent rien, elles n’ont pas vrai­ment de valeur infor­ma­tive, elles essaient sim­ple­ment de tra­duire des gestes, des états d’intensité, et peut-être est-ce aus­si l’une des rai­sons pour les­quelles j’avais besoin ici d’un appa­reil qui mesure la cha­leur des corps, au-delà de la sym­bo­lique un peu évi­dente de la fièvre comme symp­tôme et comme angoisse. Pour rendre visible mon propre enga­ge­ment dans la situa­tion qui avait géné­ré l’image, il me fal­lait la rat­ta­cher à une cer­taine tra­di­tion pic­tu­rale. Au final, sur les planches, j’ai vu émer­ger toutes ces vignettes reli­gieuses, comme des rituels d’attention et de consi­dé­ra­tion dans un monde où tous les contacts étaient désor­mais pro­hi­bés. C’est aus­si pour cela peut-être que la série sur la rue vous semble d’autant plus vio­lente, parce que là, il n’y a plus de gestes qui relient les corps les uns aux autres, il n’y a plus de « lien social » au sens lit­té­ral du terme, il n’y a plus que des corps aban­don­nés à leur solitude.

Votre travail a souvent été comparé à la peinture de Bacon – qui, lui aussi d’ailleurs, réinterprète à sa manière des tableaux religieux –, aux visions d’Artaud, ou à la littérature de Bataille, comme si vous partagiez avec eux une certaine expérience des gouffres, de la transgression, de la violence aussi. Est-ce qu’il se joue avec ces deux séries thermographiques un autre rapport à cette expérience de la violence ? Ou bien est-ce que vous poursuivez les mêmes obsessions avec d’autres outils et sur d’autres terrains ?

Je crois que mon tra­vail est han­té par deux types de vio­lence : la vio­lence du monde, celle de l’histoire, du mar­ché, des gou­ver­ne­ments, des oppres­seurs en tout genre, et qui, tout en ayant des effets très concrets sur les exis­tences, exige une pho­to­gra­phie la plus neutre pos­sible. Et puis il y a la vio­lence des dépos­sé­dés, de celles et ceux qui n’ont rien et qui subissent de plein fouet cette vio­lence du monde. C’est la vio­lence du sexe, de la drogue, du crime. C’est une vio­lence qui est aus­si la mienne et pour en rendre compte, j’ai besoin de m’engager tota­le­ment dans les situa­tions que je pho­to­gra­phie et d’inventer des outils qui soient les miens et que je puisse par­ta­ger avec d’autres. C’est pour­quoi j’ai pu pas­ser des nuits entières dans les ser­vices de réani­ma­tion à Bor­deaux et à Nan­cy. C’était une néces­si­té pour moi qui n’ai jamais pra­ti­qué la pho­to­gra­phie que de manière inten­sive. Cha­cune des séries que j’ai réa­li­sées dans la rue et les hôpi­taux compte plus de 6 000 images. Ces 12 000 pho­to­gra­phies disent mon rap­port obses­sion­nel à la pho­to­gra­phie, que j’ai com­men­cé à pra­ti­quer tar­di­ve­ment, à 37 ans, et de manière com­plè­te­ment intui­tive. Vous savez, His­toire de l’œil de Georges Bataille pour­rait assez bien décrire mon rap­port à la pho­to­gra­phie : j’ai moi aus­si per­du un œil, non pas encor­né par un tau­reau comme dans le livre de Bataille, mais visé par l’arme non-létale, comme on dit aujourd’hui, d’un poli­cier lors d’une rixe à la fin des années 1980 à Mar­seille. J’ai un œil aveugle qui ne per­çoit que des impres­sions lumi­neuses. Mes images ne visent pas une per­fec­tion intem­po­relle, elles incor­porent au contraire un ver­tige et une vio­lence à la vie, comme pour la rendre plus volup­tueuse, comme pour atteindre une plé­ni­tude assu­mant sa propre torture.

En décou­vrant les pho­tos d’Antoine d’Agata qui nous sont par­ve­nues pen­dant le confi­ne­ment, l’idée d’un film pour la 3e Scène s’est vite impo­sée. Une occa­sion de témoi­gner de ce moment où la créa­tion ne pou­vait plus s’exprimer dans des théâtres fer­més, mais par des formes inat­ten­dues. Bien loin de l’art lyrique, La vie nue témoigne de ce temps sus­pen­du, de ces hôpi­taux débor­dés et de ces villes déso­lées. “La vie nue” nous entraîne dans un voyage hal­lu­ci­né, depuis le décor incan­des­cent de la ville confi­née, où les rares res­ca­pés errent sans rai­son, jusque dans l’hôpital, où les ges­tuelles des soi­gnants et patients por­teurs du virus deviennent rituels de vie et de mort. Antoine d’Agata trans­forme ces espaces opaques en un théâtre d’ombres vidé de tout sem­blant de réa­li­té et obli­tère la sur­face même des choses, l’épiderme des êtres et du monde, pour en révé­ler la dimen­sion tragique.