Projet d’une méga usine à frites à Frameries

Carte blanche d’un col­lec­tif asso­cia­tif et citoyen.

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Ren­contre des continents

Une his­toire qui se répète, comme si nous n’apprenions jamais de nos erreurs…L’arrêt des méga pro­jets de l’agrobusiness s’impose.

Nous sou­te­nons la lutte du col­lec­tif “la Nature sans Fri­ture” contre le pro­jet d’im­plan­ta­tion d’une méga-usine de pro­duc­tion de frites à Fra­me­ries. Nous deman­dons aux res­pon­sables poli­tiques belges et wal­lons de mettre fin aux pro­jets nui­sibles de l’a­gro­bu­si­ness et exi­geons qu’ils apportent un réel sou­tien à la tran­si­tion agroé­co­lo­gique des sys­tèmes alimentaires.

La pomme de terre et les frites sont une fier­té belge et pay­sanne. Dans notre pays, la patate est d’ailleurs uti­li­sée comme sym­bole pour célé­brer la jour­née inter­na­tio­nale des luttes pay­sannes, le 17 avril.

Agrobusiness, surproduction et accord UE-Mercosur

Mal­heu­reu­se­ment, la culture de la patate a été tota­le­ment dévoyée par l’in­dus­trie de la frite. Depuis une tren­taine d’an­nées, quelques indus­triels belges se sont lan­cés dans une course effré­née pour four­nir les chaînes mon­diales de super­mar­chés et de res­tau­ra­tion rapide. Pen­dant cette période, la pro­duc­tion de frites a décu­plé. Aujourd’hui, la Bel­gique est le pre­mier pays expor­ta­teur de sur­ge­lés à base de pommes de terre. Chaque année, les usines belges en pro­duisent trois mil­lions de tonnes, dont plus de 90% sont exportées.

Les pay­sans sud-amé­ri­cains, eux, mani­festent déjà contre les impor­ta­tions mas­sives des pro­duits sur­ge­lés belges. Un comble quand on se sou­vient que la pomme de terre est ori­gi­naire… d’A­mé­rique du Sud.

Les indus­triels de la frite n’en­tendent pas s’ar­rê­ter là. Pour écou­ler leur sur­pro­duc­tion, ils pros­pectent acti­ve­ment les mar­chés asia­tiques et attendent impa­tiem­ment l’ap­pro­ba­tion des accords de libre-échange entre l’Union euro­péenne, le Mer­co­sur, l’Équateur, la Colom­bie et le Pérou. Le sec­teur des pommes de terre sur­ge­lées est en effet iden­ti­fié comme l’un des rares sec­teurs de l’a­groa­li­men­taire belge qui devrait en sor­tir gagnant. Les pay­sans sud-amé­ri­cains, eux, mani­festent déjà contre les impor­ta­tions mas­sives des pro­duits sur­ge­lés belges. Un comble quand on se sou­vient que la pomme de terre est ori­gi­naire… d’A­mé­rique du Sud.

La culture qui utilise le plus de pesticides

Cette sur­pro­duc­tion de patates pour ali­men­ter l’in­dus­trie épuise nos sols et pol­lue notre envi­ron­ne­ment. Pour lut­ter contre les mala­dies de la pomme de terre, l’in­dus­trie agro­chi­mique a sor­ti l’ar­tille­rie lourde. En culture conven­tion­nelle, quinze à vingt pul­vé­ri­sa­tions de pro­duits phy­to­sa­ni­taires sont recom­man­dées par récolte. En Bel­gique, la pomme de terre est, de très loin, la culture la plus gour­mande en pes­ti­cides. A cela s’ajoute l’érosion des sols et les cou­lées de boue, dues aux machines de plus en plus lourdes uti­li­sées pour ces cultures inten­sives. Ces coûts sont payés et subis par la col­lec­ti­vi­té pen­dant que l’in­dus­trie engrange les pro­fits à court terme.

Précarité paysanne, malbouffe et exploitation

En Bel­gique, la pomme de terre est, de très loin, la culture la plus gour­mande en pesticides

Le suc­cès de cette indus­trie est bâti sur une triple pré­ca­ri­té. La pré­ca­ri­té pay­sanne tout d’a­bord. L’in­dus­trie impose sa loi aux pro­duc­teurs à tra­vers des contrats inégaux, qui font peser l’es­sen­tiel des risques sur ces der­niers. La cadence infer­nale de l’industrie ren­force le modèle pro­duc­ti­viste, où seules les plus grandes exploi­ta­tions par­viennent à sur­vivre. 50 % des super­fi­cies en pommes de terre sont culti­vées par moins de 5 % des exploi­ta­tions. Les petites fermes pay­sannes et fami­liales conti­nuent, elles, de disparaître.

La pré­ca­ri­té des tra­vailleurs ensuite : horaires effré­nés, tra­vail de nuit, non-res­pect des mesures de sécu­ri­té, tra­vail inté­ri­maire, etc. Entre 2015 et 2019, une enquête 1 a recen­sé 2841 acci­dents de tra­vail, par­fois mor­tels, dans le sec­teur de la frite, soit plus de 10% des cas dans l’in­dus­trie alimentaire.

La pré­ca­ri­té ali­men­taire, enfin. Loin de l’i­mage sym­pa­thique des baraques à frites, le suc­cès mon­dial des indus­triels repose en grande par­tie sur le déploie­ment des grandes chaînes de fast-food. Un modèle de mal­bouffe, qui ali­mente l’é­pi­dé­mie mon­diale d’o­bé­si­té et cause chaque année plus de 2,8 mil­lions de morts d’a­près l’OMS 2 , soit plus de morts que la Covid-19. Ce modèle s’at­taque en prio­ri­té aux popu­la­tions précarisées.

Ni à Frameries, ni ailleurs !

En jan­vier 2019, à Fra­me­ries, une réunion d’in­for­ma­tion est orga­ni­sée pour les rive­rains de Cla­re­bout Pota­toes. L’industriel fla­mand, pre­mier pro­duc­teur euro­péen, y pré­sente son pro­jet d’ex­ten­sion pour la construc­tion d’une méga-usine. Entre 800 et 1600 camions de pommes de terre sont annon­cés par jour pour une pro­duc­tion de frite annuelle de plus d’un mil­lion de tonnes. Ce pro­jet pha­rao­nique méprise les droits des rive­rains, dont les habi­ta­tions se situent à quelques dizaines de mètres du site.
Au-delà des enjeux locaux, l’avenir du modèle agri­cole se joue. L’arrêt des méga pro­jets de l’agrobusiness s’impose, à Fra­me­ries et ailleurs. Ils sont le sym­bole d’un modèle agro-indus­triel dépas­sé qui entrave la néces­saire tran­si­tion agroé­co­lo­gique. En Bel­gique, la pro­duc­tion de pommes de terre à taille humaine et res­pec­tueuse de l’environnement existe, mais elle souffre de la concur­rence de l’agrobusiness et d’un manque de sou­tien politique.

Il est temps que les res­pon­sables poli­tiques res­pectent leurs enga­ge­ments et sou­tiennent non plus ce modèle des­truc­teur, mais bien « l’agriculture fami­liale, à taille humaine et éco­lo­gi­que­ment inten­sive » et « la fonc­tion nour­ri­cière locale de l’agriculture wal­lonne » (art.1 du Code wal­lon de l’agriculture).

Rendez-vous ce week-end à Framerie pour faire entendre nos voix : https://zintv.org/agenda/on-en-a-gros-sur-la-patate-journee-internationale-des-luttes-paysannes/
  1.  RTBF-Wil­fried, « #Inves­ti­ga­tion : des acci­dents graves, par­fois mor­tels, dans les usines de frites sur­ge­lées », 3 mars 2021. https://www.rtbf.be/info/dossier/investigation/detail_investigation-des-accidents-graves-parfois-mo rtels-dans-les-usines-de-frites-surgelees?id=10709527
  2. OMS, « 10 faits sur l’obésité ». https://www.who.int/features/factfiles/obesity/fr/