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Ciné-poème d’une Europe du mépris.

Pour les diri­geants de l’UE et pour le gou­ver­ne­ment grec, pro­té­ger la fron­tière entre la Grèce et la Tur­quie est plus impor­tant que ces vies humaines qu’on rejette, qu’on aban­donne dans des zones de non droit en bafouant, en vio­lant les règles de base du droit international.

6 mil­liards d’eu­ros, c’est la somme offerte par l’UE en 2016 au diri­geant turc Recep Tayyip Erdo­gan pour conte­nir les réfu­giés, les deman­deurs d’a­sile sur son ter­ri­toire, le prix que l’Europe de « l’Union » a payé pour son inca­pa­ci­té à expri­mer son refus « d’accueillir » des per­sonnes en exil.  3,5 mil­lions de per­sonnes vivent actuel­le­ment en Tur­quie et nombre d’entre elles espèrent fran­chir la porte d’entrée de l’Union euro­péenne. Fin février 2020, Erdo­gan a annon­cé ouvrir les fron­tières avec la Grèce. Depuis lors, le pays est deve­nu le ter­ri­toire de toutes les batailles. D’un côté celles et ceux qui tentent de venir soli­dai­re­ment en aide à ces vic­times en détresse, de l’autre le gou­ver­ne­ment grec, Fron­tex et des groupes d’ex­trême droite qui agissent avec vio­lence et humi­lia­tion pour les refou­ler. 350 mil­lions d’eu­ros, c’est la somme que la Com­mis­sion euro­péenne a déga­gé en mars 2020 pour ren­for­cer les mis­sions de Fron­tex , l’a­gence euro­péenne de garde fron­tières et de garde côtes aux fron­tières greco-turques.

Le mer­cre­di 4 mars, avant le début du confi­ne­ment contre le coro­na virus, après un appel lan­cé en à peine 24 heures, plu­sieurs cen­taines de per­sonnes se sont ras­sem­blées au pied des ins­ti­tu­tions euro­péennes pour crier haut et fort que les réfu­giés sont les bienvenus.

pour en savoir plus, un article de Eva Beta­vat­zi (CADTM): Un nuage néo-fas­ciste plane au-des­sus des fron­tières entre la Grèce et la Turquie 

Home, un poème de War­san Shire

Per­sonne ne quitte sa maison
A moins d’habiter dans la gueule d’un requin
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voi­sins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge
Celui qui t’a embras­sé à perdre haleine
Der­rière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta mai­son ne te per­met plus de rester.
Per­sonne ne quitte sa maison
A moins que sa mai­son ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sen­tir les menaces bru­lantes de la lame
Contre ton cou
Et même alors tu conser­vais l’hymne national
A por­tée de souffle
Ce n’est que quand tu as déchi­ré ton passeport
Dans les toi­lettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bou­chée de papier
Que tu as su que tu ne revien­drais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que per­sonne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre
Per­sonne ne brule ses paumes
Sus­pen­du à un train
Accro­ché sous un wagon
Per­sonne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d’un camion
Avec rien à bouf­fer que du papier journal
A moins que chaque kilo­mètre parcouru
Compte plus qu’un simple voyage.
Per­sonne ne rampe sous des barrières
Per­sonne ne veut être battu
Ni rece­voir de la pitié
Per­sonne ne choi­sit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la pri­son est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C’est mieux que tout un camion
De types qui res­semblent à ton père
Per­sonne ne peut le supporter
Per­sonne ne peut digé­rer ça
Aucune peau n’est assez tan­née pour ça
Alors tous les :
A la porte les réfu­giés noirs
Sales immigrants
Deman­deurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays
Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage
Ils ont fou­tu la merde dans leur propre pays
Et main­te­nant ils veulent
Foutre en l’air le notre
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups
Sont beau­coup plus doux
Que de se faire arra­cher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que qua­torze types entre tes jambes
Et les insultes sont plus faciles
A avaler
Que les gravats
Que les mor­ceaux d’os
Que ton corps d’enfant
Mis en pièces.
Je veux ren­trer à la maison
Mais ma mai­son est la gueule d’un requin
Ma mai­son est le canon d’un fusil
Et per­sonne ne vou­drait quit­ter sa maison
A moins d’en être chas­sé jusqu’au rivage
A moins que ta propre mai­son te dise
Cours plus vite
Laisse tes vête­ments der­rière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta sur­vie importe plus que tout.
Per­sonne ne quitte sa maison
A moins que ta mai­son ne chu­chote gras­se­ment à ton oreille
Pars
Fuis moi
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où Vaut mieux qu’ici.

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