Le gang des vieux en colère

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Au départ de ce mou­ve­ment, c’est une bande de vieux copains qui ont déci­dé de se battre pour que les futurs retrai­tés puissent vieillir dans la dignité.

Texte d’un des dis­cours lu lors de la mani­fes­ta­tion du Gang des Vieux en Colère — Place de la Liberté

Il y a peu, émer­geant d’un som­meil répa­ra­teur, une pen­sée me vint : « la retraite c’est agréable mais ça ne dure pas…voilà l’ennui. » Pen­sée égoïste, car la véri­té est pour beau­coup bien différente.

La retraite est sou­vent un cal­vaire. Notre com­bat est celui des valeurs…des valeurs et de la trans­mis­sion. C’est pour nos suc­ces­seurs, les futures géné­ra­tions, nos enfants que nous sommes ici pré­sents. Car la retraite qui, pour beau­coup, n’est que le cou­loir de la mort, est aus­si un enfer avant le tré­pas, elle a sou­vent un hor­rible com­pa­gnon, du genre de celui qui ne fait pas cré­dit, j’ai nom­mé la misère. Une pau­vre­té qui, le plus sou­vent, s’ajoute à la décou­verte inat­ten­due d’un corps, le sien, qui décide, pas­sé un cer­tain cap, de ne plus vous ser­vir, de faire des siennes, regimbe, grince, plie, s’enflamme, se gonfle ici ou là d’une salo­pe­rie de tumeur ou se racra­pote. On découvre alors les joies de l’hôpital, les méde­cins, les médi­ca­ments aux goûts et aux noms barbares…tout ça coûte énor­mé­ment d’argent…chose fort rare lors de la pen­sion. Pas d’exception, nous sommes tous et toutes atteints d’une mala­die mor­telle, la vieillesse !

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Au cœur de la résis­tance à l’occupant nazi, des femmes et des hommes de toutes ten­dances, des libé­raux, des catho­liques, des socia­listes, des com­mu­nistes ont vou­lu chan­ger le monde, chan­ger la vie…peut-être pas faire chan­ter tous les len­de­mains mais au moins rendre ceux-ci moins dif­fi­ciles. Ain­si fut mis sur pied notre sys­tème de sécu­ri­té sociale. L’un de ses piliers essen­tiels est la pen­sion. Ces pères fon­da­teurs ont vou­lu, sor­tant de l’épreuve où le monde a failli bas­cu­ler dans l’horreur nazie, ins­tal­ler une soli­da­ri­té entre les actifs et les retrai­tés, c’est le sys­tème par répar­ti­tion, celui que l’actuel gou­ver­ne­ment essaye à grands ren­forts de coups de haches de déman­te­ler. Oh ! bien sûr, ils ne l’avouent pas comme cela, leurs véri­tés sont construites d’immenses men­songes. Ils essayent de nous faire croire que l’eau ne mouille pas, et que les ampu­ta­tions suc­ces­sives du sys­tème construit patiem­ment au fil des ans, ne détrui­ront pas la soli­da­ri­té inhé­rente au sys­tème actuel.

L’enjeu est en réa­li­té bien plus vaste, bien plus glo­bal. En réa­li­té, ces gens-là veulent nous faire bas­cu­ler dans une autre socié­té, une socié­té d’où la soli­da­ri­té aura dis­pa­ru et où pour citer un vieil emmer­deur bar­bu « nous nage­rons alors dans les eaux gla­cées du cal­cul égoïste ».

On nous dit que la sécu­ri­té sociale, les pen­sions coûtent trop cher aujourd’hui et seront impayables demain ! Vieux truc politique…foutre la trouille aux petits épar­gnants… la rente est en dan­ger disait-on déjà au XIXème siècle à la veille des bou­le­ver­se­ments révo­lu­tion­naires de 1830, 1848 et 1871.

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Il y a deux ans, un éco­no­miste pro­fi­ta de sa média­ti­sa­tion, cette fausse mon­naie de la gloire, pour se fendre d’un article où il expli­qua le plus cal­me­ment du monde, avec la séré­ni­té des bour­reaux se croyant au ser­vice du bien et de l’ordre, qu’il ne fal­lait plus rem­bour­ser les opé­ra­tions et pro­thèses de la hanche ou du col du fémur pour les patient au-delà de 80 ans…trop cher pour la Sécu !

Ceux qui pou­vaient payer, pas de pro­blème, on opère, on rafis­tole, on remet sur pied…les pauvres plus la peine…coût exces­sif ! Voi­là com­ment résonnent ces salauds ordi­naires pour qui ne comptent que le fric, celui que l’on gagne, qu’on gagnera…ou qu’on n’a pas ! Au moins ce salaud-là avait la fran­chise d’affirmer ses concep­tions, il n’avançait pas mas­qué comme le font nos actuels dirigeants.

Il y a 35 ans, je par­ti­ci­pais a des dis­cus­sions concer­nant la pri­va­ti­sa­tion de la CGER. Au fil des dis­cus­sions cer­tains, même à gauche, avaient déjà envi­sa­gé le pas­sage au sys­tème de pen­sion par capi­ta­li­sa­tion. Une banque-assu­rance, qui se vou­lait proche du PS avait déjà tout cal­cu­lé, tout pré­pa­ré pour être par­mi les pre­miers à rafler la mise, à empo­cher le pac­tole. Heu­reu­se­ment, la rai­son, la volon­té de main­te­nir la soli­da­ri­té était appa­rue pour ce qu’elle est tou­jours, essen­tielle à notre sys­tème social, poli­tique et civi­li­sa­tion­nel. Car, il ne fait pas de doute que c’est vers une autre civi­li­sa­tion qu’on veut nous entraîner.

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On veut faire de nos enfants des consom­ma­teurs lamb­da, des esclaves d’Uber, moderne ça…non ? Mais sans droits, sans moyens…sauf ceux qu’ils seront capables de se payer…les autres à la pou­belle sociale. Pas ques­tion de comp­ta­bi­li­ser les périodes de chô­mage… Faut être mobile… s’adapter… ou cre­ver oui cre­ver car com­ment vivre avec 800 ou 1000 euros si vous avez un loyer à payer… non ! impos­sible il ne reste que le cime­tière… et au plus vite.
Heu­reu­se­ment que nos gou­ver­nants n’ont pas eu de for­ma­tion d’ethnographe, sinon ils encou­ra­ge­raient les plan­ta­tions de coco­tiers pour y faire grim­per les plus vieux alors que d’autres, les actifs, secoue­raient vigou­reu­se­ment le tronc pour faire tom­ber le retrai­té… plaf… un bruit mou, juteux de pas­tèque qui éclate et… plus de retraite à payer… plus un sou ! Un miracle.

Ou bien, la tech­nique esqui­maux, l’abandon sur la ban­quise de celle ou de celui qui n’est plus capable de chas­ser le phoque.

L’abandon, ça on connait déjà, pas sur la ban­quise mais dans des homes bien cra­po­teux, sen­tant la javel et le café de can­tine, où des vieillards hal­lu­ci­nés attendent dans une totale soli­tude une mort trop longue à venir.

Il faut d’ailleurs savoir que, déjà aujourd’hui, avant les chan­ge­ments mor­ti­fères qu’on nous pré­pare, un infime pour­cen­tage des retraites peuvent encore payer le prix exi­gé par les CPAS pour avoir le droit de rési­der dans leurs homes. Dans l’un de ceux-ci que je connais bien, les ges­tion­naires hési­taient der­niè­re­ment à don­ner une aide à une vielle femme veuve récemment.

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L’un d’entre eux eut cette for­mule digne d’une réplique de Dickens : « Madame, soyez contente que l’on ne tienne pas compte du fait que votre alliance est en or et qu’on pour­rait exi­ger que vous la ven­diez ! » Moi, quand j’entends des hor­reurs pareilles, j’ai envie de tuer !

Quand j’aperçois Bac­que­laine, l’ineffable ministre de la des­truc­tion des pen­sions, au pro­fil de filo­chard sour­nois, je songe tou­jours à cette for­mule de Bau­de­laire : « c’est tou­jours chose inté­res­sante que ce reflet de la joie du riche au fond de l’œil du pauvre. » Curieux que ces gou­ver­nants-là aient oublié que les vieillards sont des femmes et des hommes de mémoires dont le cœur se brise mais ne vieillit jamais

A Bac­que­laine et ses sem­blables je dirai, para­phra­sant Cor­neille : « Ministre si mon visage/ a quelques traits un peu vieux/­sou­ve­nez-vous qu’à mon âge, vous ne vau­drez guère mieux ! »

Mais à tous ceux-là, se vou­lant réfor­ma­teurs mais n’étant que des fos­soyeurs qu’ils sachent que le droit de vivre, de vivre digne­ment ne se men­die pas…il se prend !

Her­ma­nus Merry
16 Avril 2018

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