Nous sommes debout pour redire

Mobilisation : STOP aux violences envers les femmes

22.11 2020
12h30 - 15h
Gare Centrale

Stop sexist violence & LGBTQI + phobia ! Action 22/11 BXL

22.11 2020
12h30 - 14h
Gare Centrale

Femmes en lutte en territoire palestinien occupé, avec Samah Jabr

22.11 2020
16h - 17h30
Évènement en ligne

8 mars : Manifestez, protestez et organisez-vous contre le sexisme !

08.03 2021

Une mani­fes­ta­tion orga­ni­sée par : https://mirabalbelgium.org/

Un slam de Lisette Lombe

Site inter­net de Lisette Lombé

Article dans la revue Axelle

Lisette Lom­bé est l’autrice de deux livres — Black Words (l’Arbre à paroles coll. IF) et La magie du burn-out (éd. Wey­rich) — qui croisent col­lages et textes de poé­sie. Elle a éga­le­ment coor­don­né le recueil col­lec­tif de slam : On ne s’excuse de rien ! paru chez mael­strÖm reEvolution.
Son 3e livre Venus poe­ti­ca paraît à l’Arbre à paroles dans la col­lec­tion IF le 14 février 2020.

Réa­li­sa­tion : per­ma­nence vidéo des luttes sociales   ( PVLS ),

un ate­lier vidéo ZIN TV en col­la­bo­ra­tion avec Le GSARA

 

Un slam de Lisette Lom­bé durant la mani­fes­ta­tion contre les vio­lences faites aux femmes.

La mani­fes­ta­tion contre les vio­lences faites aux femmes le 24 novembre 2019 à réuni plus de 10.000 per­sonnes. Aujourd’hui, en Bel­gique, il n’est pas pos­sible de savoir com­bien de fémi­ni­cides ont lieu. Pour rap­pel, le fémi­ni­cide est le fait de tuer une femme parce qu’elle est une femme.

Pour com­bler ce manque d’information et faire pres­sion sur les pou­voirs publics, le blog Stop Fémi­ni­cide a com­men­cé cette année, pour la toute pre­mière fois, à recen­ser les fémi­ni­cides sur notre ter­ri­toire. Un tra­vail néces­saire qui met en lumière un pro­blème de socié­té trop sou­vent relé­gué dans la case « Faits Divers » mais qui ne peut se faire que sur les cas médiatisés.

Ce chiffre est donc cer­tai­ne­ment plus élevé.

 

Un slam à cou­per le souffle de Lisette Lombe en sou­tien à la mani­fes­ta­tion contre les vio­lences faites aux femmes.

Par­fois à la fin de cer­taines jour­nées une forme
de las­si­tude, ter­rible, nous submerge.

Par­fois c’est dès le matin
que la bête nous attaque.

C’est comme une énorme vague,
comme une énorme vague
qui s’abat sur nos tronches.

Une énorme vague char­gée de toutes les crasses du Vieux Monde.

Une défer­lante char­riant toute la pour­ri­ture sexiste
des jour­naux et des réseaux sociaux.

Une défer­lante,
marée cou­pante nau­sée plombante.

Une agres­sion, plus une agres­sion,
plus une agres­sion, plus une agres­sion…
plus une agression…

Alors ces jours là…
Ces jours là on se dit que nos réunions
et nos mobi­li­sa­tions et nos petites marches
et nos rimes et nos larmes
ne servent à rien.

On se dit que per­sonne ne peut
ter­ras­ser le désert.

On se dit que per­sonne ne peut venir à bout
des dra­gons à crête blanche.

On sait pourtant…

On sait que ce n’est pas pour nous
les fruits de la lutte.

On sait que ce n’est pas pour demain.

Pas pour cette vie, pas pour ce chemin.

On le sait mais on lutte et on lutte et on lutte.

on le sait mais ces jours là, jours de brèche,
jours de gerbe, jours de giclée apo­ca­lyp­tique
on se dit que peut être même nos enfants
n’en ver­ront pas la fin de cet inter­mi­nable tunnel.

Ces jours là, il y a dan­ger pour notre courage.

Il y a dan­ger pour notre détermination.

Il y a dan­ger pour nos voix.

Dan­ger, dan­ger, dan­ger,
dan­ger d’extinction de voix.

Ces jours là y’a pas à dire
ça craint vraiment.

Ça pue…

Ça pue les faits divers, ça pue les unes raco­leuses
et les entre­fi­lets sor­dides,
ça pue : ’claque dans ta gueule ma pauvre fille’
ça pue pau­pières pochées,paumettes cas­sées,
poudre, fard, fond de teint.

Pour camou­fler les bles­sures bleues
et les excuses blêmes

Ça pue…

Camou­fler, cacher,
Cacher les traces,
cacher la rage de ces hommes.

Cacher, cacher,
cacher leurs fucking frustrations.

Ça pue !

Ça pue sépa­ra­tion qu’on ne digère pas,
ça pue menaces, repré­sailles, vitriol,
ça pue corps dans le coffre, corps dans le canal,
corps dans le caniveau.

Ça pue !

Par­tout ça pue !

De San­tia­go à Seraing,
de Kin­sha­sa à Cal­cut­ta, ça pue.
Dans les rues ça pue,
bite sous le bras, bra­que­mart à tout vent,
biroute à tout va.

Ça pue, dans les com­mis­sa­riats de police,
dans les tri­bu­naux, dans les hôpi­taux ça pue.
Chaque fois que l’une d’entre nous
n’est pas enten­due, chaque fois que l’une d’entre nous
n’est pas crue…

Par­tout là où on excise, ça pue,
là où on te retire de l’école pour te marier, ça pue.

Là où on t’empêche d’avorter, ça pue.

Là où on baise les mères de famille
à la machette, ça pue.

Alors est ce que toi aus­si tu la sens
cette puan­teur du vieux monde ?

Est-ce que toi aus­si tu les sens
ces vau­tours sans nom
qui pro­fitent des trem­ble­ments de terre
et des typhons
pour extir­per des gamines des gra­vats
et les vendre au plus graveleux ?

Est-ce que toi aus­si tu les sens ?

Est-ce que toi aus­si tu les sens ces minis Casa­no­va
des cours de récréa­tion
qui traitent leurs condis­ciples de ’salope’
et de ’sale pute’ en se fai­sant sucer ?

Est-ce que toi aus­si tu le sens le pote
et le pote du pote
et le pote du pote du pote
qui violent en meute et se planquent
der­rière l’effet de groupe ?

Est-ce que tu sens ces ordures ordi­naires
der­rière ordi­na­teur anonyme ?

Est-ce que toi aus­si tu les sens ?

Est-ce que tu sens main au cul, boys club, pou­voir,
pro­mo­tion, cana­pé, cou­loirs feu­trés,
cos­tume cra­vate et petit fours.

Ma sœur, ça pue.

Y’a pas à dire ça pue !

Ça pue les Wein­stein du dimanche,
les Epstein du dimanche,
les pseu­do DSK, pseu­do Woo­dy,
pseu­do Cos­by, pseu­do R‑Kelly,
pseu­do Kofi, pseu­do Polans­ki,
ça pue ma soeur !

Ça pue !

Alors ces jours-là ma soeur,
ces jours là plu­tôt que de se
pas­ser corde autour du coeur,
corde autour du cou,
on relit nos poèmes,
on relit nos poèmes, on les relit,
on les relit, on les relit…

Pour ne pas se décom­po­ser,
pour ne pas capi­tu­ler, pour tenir.

Tenir debout, tenir fier­té, tenir jus­tice,
tenir et redire,
redire vio­lences struc­tu­relles,
vio­lences ins­ti­tu­tion­nelles,
redire vio­lence éco­no­mique
et vio­lence média­tique,
redire socié­té patriar­cale,
redire sexisme, racisme, capitalisme…

Redire !

Redire que dans toutes les morgues,
dans toutes les morgues du monde entier,
les femmes raci­sées sont des femmes mortes !

Les femmes trans sont des femmes mortes !

Les femmes tra­vailleuses du sexe
sont des femmes mortes.

Redire !

Redire que nous ne sommes pas dupes !

Ni des rubans blancs épin­glés au plas­tron
avec osten­ta­tion une fois par an.

Ni des pro­messes vaines,
nous ne sommes pas dupes.

Fini !

Finis les clas­se­ments sans suite,
finies les excuses.
Finies les jus­ti­fi­ca­tions.
Finie la honte, fini le silence !

Nous sommes là.

Oui ma soeur, nous sommes là debout,
nous sommes là debout pour redire les chiffres.
Redire les chiffres !

Et der­rière chaque chiffre,
racon­ter chaque pré­nom,
racon­ter chaque visage,
racon­ter chaque vie,
chaque femme, chaque famille.

Nous sommes là pour redire,
pour tenir, pour racon­ter
pour racon­ter… Oui, c’est ça !

On raconte, on raconte.

On raconte que là-bas…

Les poètes se cognent les uns aux autres,
comme une brique,
sur la tête d’un ennemi.

On raconte que là-bas le sol est jon­ché
de mil­liers et de mil­liers de feuilles blanches.

Et que cha­cune de ces feuilles blanches
a appar­te­nu à une per­sonne aban­don­née par les mots.

C’est un no-man’s land, un ter­rain vague,
un gise­ment mort entre les strophes.

Tous, nous connais­sons ce lieu.

Tous, nous connais­sons cette peur
de ne plus être à la hau­teur du texte précédent.

Tous !

Nous redou­tons cet appel de la syn­chro­ni­ci­té
qui ne se cho­ré­gra­phie­ra en rien.

Alors nous nous répé­tons, man­tra, man­tra,
cela ne peut pas ne pas avoir de sens,
cela ne peut pas ne pas être un signe,
cela ne se peut !

Et les jours passent on s’échine, on s’obstine,
pas une ligne, pas une rime,
apnée, souffle court,
apnée, feuille blanche.

Je dois écrire, je peux écrire, je veux écrire,
je peux le faire et les jours passent.

On s’aigrit, on s’agrippe à la fausse perle,
la fausse pépite, la pâle copie.

Déjà vu, déjà lu, déjà dit,
prête à por­ter, prête à rap­per, prête à slammer !

Et puis sou­dain ma soeur,
sou­dain…

BOOOOOM !

Sou­dain…

Ton poème est là !
Devant toi !

Tapis rouge qui se déroule comme écrit,
comme sor­ti, comme jailli d’un autre que toi.

Alors certes ton poème est encore à cise­ler…
Certes ton poème est encore à appri­voi­ser
mais il est là ! Devant toi !

Coup de poing immo­bile au milieu
des mil­liers et des mil­liers de feuilles blanches
qui se mettent à tour­ner, à tour­ner
et à tour­ner autour de lui.

Entends !

C’est une invitation !

C’est une invi­ta­tion à enfin écou­ter
ce que ton ventre, ce que ton bide,
ce que tes tripes ont à te dire !

Alors tu demandes à haute voix
à cette autre que toi :
’Mais qui sont tous ces hommes ? ’

Qui sont tous ces hommes ?

Qui sont tous ces hommes
qui se pressent dans ton nou­veau texte ?

Qui sont tous ces hommes ?

Il en sort de par­tout,
ça grouille, ça bavouille,
il en sort de par­tout,
ça se bous­cule à chaque paragraphe.

Il en sort de par­tout,
hash­tag me too, hash­tag balance ton porc
hash­tag, hash­tag, il en sort de partout…

Il y a les gros lourds des trans­ports en com­mun,
les frot­ti-frot­ta
les ’Hé Made­moi­selle’, les pla­quants, les plan­qués,
les losers, les chas­seurs, les pas vu, les pas pris.

Et il y a l’oncle pan­su,
le baby­sit psy­cho­tique qui te course torse-nu
avec une fourche à la main.
Ver­sion trash de cache-cache
si je t’attrape, je t’emballe
et le coach de bas­ket
qui te coince dans le ves­tiaire :
’Je te tiens tu me tiens par la bar­bi­chette’
et qui gagne ta culotte et qui gagne ta chaus­sette :
du matos de pre­mière pour s’astiquer en cachette.

C’est la famille !

La grande famille !

La famille sans fron­tière, au des­sus des lois,
au des­sus de toi, au des­sus des droits.

Alors tu demandes combien ?

Tu demandes com­bien de femmes
dans cette famille ?

Tu demandes com­bien de mères ?
Com­bien de vagins empuantis ?

Tu demandes com­bien de tan­tines,
com­bien de cou­sines
pour un seul de ces mecs res­té impuni ?

Tu demandes combien ?

Com­bien de soeurs sous les silences,
sous les sou­rires, sous les convenances ?

Com­bien de déglin­gués, de zom­bies,
de dézin­gués, de pommes pour­ries,
de cra­més, de barges,
de fêlés, fanés, foutus.

Com­bien de ventres morts, de fan­tômes,
de fau­tives, de fins de filles, de fins de vies ?

Com­bien ?

Dites-moi…

Com­bien ?…

 

EN LIEN :