Le jeudi 16 juin
au Cinéma ARENBERG : 26 Galerie de la Reine à 1000 Bruxelles
Dès 20 heures 30 précises,
LE GRAND DÉBAT : « LE TRIOMPHE DU CAPITALISME FINANCIER :
UN SCANDALE AMÉRICAIN…?»
avec la présence exceptionnelle de José GARCIA
Puis à 21h30 le Cinéma d’Attac présente
l’Oscar 2011 du meilleur film documentaire
INSIDE JOB
de Charles FERGUSON
USA 2010 Durée 120 minutes
Prix d’entrée 6,6 euros
y compris pour le débat (sauf les Article 27)
Comment Wall Street a réussi à commettre le hold-up parfait. Un reportage-événement qui aura coûté plus de 20.000 milliards de dollars…
UN CRIME COMMIS DE L’INTERIEUR…
Si on doit juger de la qualité d’un film à l’état dans lequel il nous met, alors Inside Job est un chef‑d’œuvre. D’efficacité. Après deux heures de démontage au pied de biche, étalant la plus grave crise financière depuis la Grande Dépression des années 30, le spectateur moyen ne peut pas échapper à une envie irrésistible : pendre par les pieds, avec plumes et goudron, tout ce qui ressemble à un banquier de Wall Street, un professeur de finance à Harvard ou un conseiller économique du Président américain (qu’il soit républicain ou démocrate). Il n’est pas impossible non plus d’être saisi par le découragement. Puisqu’il ne fait guère de doute que rien, ou si peu, n’a changé dans le fonctionnement de la spéculation internationale… Et ce, malgré les sermons mondialisés des derniers G20.
PEDAGOGIQUE. Deux années après la sortie de Capitalism : A Love Story (le film de Michael Moore), Inside Job est une indispensable piqûre de rappel pour ne surtout pas oublier cette édifiante histoire des subprimes. Autant Capitalism était un pamphlet ricanant et subversif –qui assumait de ne rien comprendre aux subtilités de la finance moderne – , autant Inside Job revendique une rigueur journalistique et une vocation pédagogique. Car Charles Ferguson n’hésite pas à foncer dans le tas, ne reculant devant aucune difficulté, comme par exemple expliquer ce que peuvent bien recouvrir ces mots barbares de CDS (Credit default swap), CDO (Collaterized debt obligation) ou ventes à découvert –qui ont été popularisés par la crise. C’est la grande force et à la fois la (petite) faiblesse du film : à travers un montage très serré d’une trentaine d’intervenants, tout va très vite.
Mais Fergusson donne la possibilité à tout un chacun de remonter dans le train de son film grâce à des témoignages percutants, une réalisation rythmée et une manière de mettre en scène drôlatique. Le réalisateur américain a ainsi gardé au montage les hésitations, les blancs, les contorsions ennuyées des intervenants et des interviewés. Une manière édifiante d’énoncer la mauvaise foi des principaux accusés. Non seulement Inside Job révèle une série d’éléments nouveaux dans le déroulé de la crise, mais plus d’une séquence mérite le détour. Au choix, on retiendra : les bégaiements embarrassés (et donc désopilants) de Frederic Mishkin, professeur d’économie à la Columbia Business School et, surtout, ancien membre du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale entre 2006 et 2008 ; le cynisme imperturbable de Scott Talbott, lobbyiste en chef des banques américaines, et la réaction de Glenn Hubbard, conseiller économique dans l’administration Bush et actuel doyen de la Columbia University Business School, qui décide de couper court à l’entretien au moment où le journaliste évoque ses conflits d’intérêts d’universitaire.
PINCETTES. Si la morale du film apparaît imparable (cette crise est le résultat d’une politique d’affairisme et de « laisséfairisme » –mise en oeuvre sous la présidence néo-conservatrice de Reagan et accélérée sous « le progressiste » Clinton), la conclusion est à prendre avec des pincettes. L’auteur laisse en effet entendre que la réponse de l’Europe en matière de régulation a été bien plus vigoureuse que celle des Etats-Unis. Sont ainsi interrogés la sirupeuse Christine Lagarde et le trop étincellant Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI en pleine ascension. Bien entendu, on aimerait les croire. Mais on ne le peut. Si l’Europe a fait mine d’être en pointe sur les questions des bonus et de l’adoption d’une taxe frappant les transactions financières, rien n’a été réellement entrepris pour prendre les spéculateurs par la gorge et forcer les banquiers à trinquer pour tout le mal qu’ils ont fait… Aux Etats-Unis, c’est pareil. Les principaux instigateurs du désastre de 2008 détiennent toujours les clés du pouvoir. Malgré des velléités annonçant la mise au pas des grands consortiums bancaires, Barack Obama reste entouré des individus qui ont ardemment défendu la libéralisation à outrance. Timothy Geithner, qui s’était illustré à la Federal Reserve comme un dérégulateur à tout crin, est actuellement au Trésor ; son directeur de Cabinet Mark Petterson est un ancien lobbyiste de Goldman Sachs. Quant à Ben Bernanke (qui n’avait rien vu venir), il est toujours à la tête de la Banque centrale américaine…
Narré avec prestance par l’acteur Matt Damon, Inside Job agit donc comme un film exigeant, à la nervosité spectaculaire. Son constat final est implacable : le vice va continuer à prospérer…