Le samedi 18 juin de 11h à 13h au Cinéma Arenberg
Dixième séance du cycle de “Sensibilisation à l’analyse cinématographique”
Le temps éclaté ou la narration subjective
De “Nuit et Brouillard“à “Hiroshima mon amour”
Prof : Thierry Odeyn
Les vitrines des Statues meurent aussi sont filmées comme autant de catafalques dans lesquels l’objet exposé dépérit, amputé de ses racines culturelles.
A l’inverse, RESNAIS refuse de filmer les objets constituant les souvenirs authentiques de la déportation comme des reliques. Rappelons qu’elles faisaient partie du fond de commerce de Nuit et Brouillard, dont le projet fut initié par les organisateurs de l’exposition de la rue d’Ulm.
RESNAIS dépend la tunique rayée des cintres en revêt son assistant et la filme en noir et blanc pour la fondre, la confondre, aux plans d’archives.
Quand FRANJU filme, à la même époque, les collections militaires de l’ Hôtel des Invalides, c’est pour les libérer de leur signification institutionnelle, les désacraliser, en faire les instruments d’un jubilatoire discours antimilitariste.
En 1958, Alain RESNAIS tourne son premier long métrage : Hiroshima mon amour.
“La commande d’Argos était précisément un documentaire sur l’explosion d’Hiroshima. Je suis parti sur cette idée, j’ai visionné tout ce qu’il était possible de voir dans les archives cinématographiques à Paris à l’époque. J’ai été très perturbé car ces documents étaient très forts et constituaient en eux-mêmes le documentaire que je devais faire. Chris MARKER s’est retiré rapidement car il ne voyait pas ce qu’on pouvait faire de mieux. (…)
On peut dire que mon travail est parti de là. J’ai proposé une autre forme. Et la rencontre avec Marguerite DURAS a beaucoup changé la perspective. Nous sommes partis vers un film très différent. Plutôt que de faire un film sur la bombe atomique, qui était la commande de départ, nous avons eu l’envie de faire un film sur l’idée de la bombe atomique, présente en arrière fond, qui ne serait pas présente directement à l’écran.
La mémoire de l’explosion dans les esprits et ses traces, dans le paysage, les bâtiments, le musée, étaient très présentes à Hiroshima quinze ans après la bombe. C’est par là, surtout, que l’Histoire est rentrée dans le film, quand on retourne sur les lieux des années plus tard. Les documents, en eux-mêmes, ne sont pas de l’Histoire, c’est plutôt le temps qui joue entre ces images assez difficiles à regarder et le tournage, quinze ans après, qui fait entrer de l’Histoire dans le film. (…) Il fallait que l’héroïne ait également “vu” ces films. Elle le dit d’ailleurs et c’est la seule chose qu’elle ait vue des effets de la bombe. Ces films sont la seule preuve de l’explosion, le témoin des effets de la bombe. Il fallait donc qu’ils soient très fortement inscrits dans son esprit. (…)
On a tous besoin de l’imaginaire. Mais ce n’est pas incompatible avec l’Histoire, ni avec un traitement rigoureux des documents d’archives. J’essaie de le montrer par mes films. L’imaginaire, ce n’est pas la reconstitution comme en vrai, mais plutôt une faculté de prendre de la distance par rapport aux images d’archives”. (Alain RESNAIS)
Avec des analyses de séquences extraites de “Nuit et Brouillard” d’Alain RESNAIS- 1955 -, de “D‑Day to Berlin” de George STEVENS Jr — 1944/1994- , de “Face aux fantômes” de Sylvie LINDEPERG et Jean-Louis COMOLLI — 2009 — d’ “Hôtel des Invalides” de Georges FRANJU — 1951 — , des “Statues meurent aussi” — 1950 — et “Hiroshima mon amour” d’Alain RESNAIS — 1958 — .
Lectures conseillées : LINDEPERG Sylvie, “Nuit et Brouillard, un film dans l’Histoire”, ed. Odile Jacob, 2007.
“Nuit et Brouillard”, texte reproduit intégralement dans “L’Avant-scène du Cinéma”, n°1, 1961.
COLPI Henri, “Hiroshima mon amour, la musique du film”, ed. Premier plan. Serdoc, 1959.
Cette dernière séance sera suivie d’un drink.
PAF : 5 € *
* à partir de 7 cours suivis, une place au Cinéma Arenberg vous est offerte
Pour toute information : 02 512 97 21