Ce samedi 26 novembre de 11h à 13h au Cinéma Arenberg
Douzième séance du cycle de “Sensibilisation à l’analyse cinématographique”
Le temps éclaté ou la narration subjective
“Hiroshima mon amour” (2/2)
“Impossible de parler de Hiroshima. Tout ce qu’on peut faire c’est de parler de l’impossibilité de parler de Hiroshima. La connaissance de Hiroshima étant a priori posée comme un leurre exemplaire de l’esprit.
Ce début, ce défilé officiel des horreurs déjà célébrées de Hiroshima, évoqué dans un lit d’hôtel, cette évocation sacrilège, est volontaire. On peut parler de Hiroshima partout, même dans un lit d’hôtel, au cours d’amours de rencontre, d’amours adultères. Les deux corps des héros, réellement épris nous le rappelleront.
Ce qui est vraiment sacrilège, si sacrilège il y a, c’est Hiroshima même. Ce n’est pas la peine d’être hypocrite et de déplacer la question. Et c’est là un des desseins majeurs du film, en finir avec la description de l’horreur par l’horreur, car cela a été fait par les Japonais eux-mêmes, mais faire renaître cette horreur de ces cendres en la faisant s’inscrire en un amour qui sera forcément particulier et émerveillant. Et auquel on croira davantage que s’il était produit partout ailleurs dans le monde, dans un endroit que la mort n’a pas conservé (…) Si cette condition n’était pas tenue, ce film, encore une fois, ne serait qu’un film de commande de plus, sans aucun intérêt sauf celui d’un documentaire romancé. Si cette condition est tenue, on aboutira à une espèce de faux documentaire qui sera bien plus probant de la leçon de Hiroshima qu’un documentaire de commande. (…)
Ils se réveilleront. Ils parleront de chose et d’autre et aussi de Hiroshima. Pourquoi pas ? C’est bien naturel. Nous sommes à Hiroshima. (…) Ils parleront aussi de son passé à elle.
Elle a été tondue à Nevers, en 1944, à vingt ans. Son premier amant était un Allemand. Tué à la Libération. Elle est restée dans une cave, tondue, à Nevers.
Pourquoi avoir choisi ce malheur personnel ? Sans doute parce qu’il est également, lui même, un absolu. Tondre une fille parce qu’elle a aimé d’amour un ennemi officiel de son pays, est un absolu et d’horreur et de bêtise. (…)
Et ils reparleront encore d’eux-mêmes. Imbrication encore une fois de Nevers, et de l’amour, de Hiroshima et de l’amour.”
(Marguerite DURAS “Hiroshima mon amour” — synopsis, NRF, 1960)
“A l’origine d’une oeuvre, il y a toujours une idée. L’idée de Hiroshima mon amour est celle-ci:la mémoire étant une forme de l’oubli, l’oubli ne peut s’accomplir totalement qu’une fois que la mémoire a elle-même totalement accompli son oeuvre. Vis-à-vis de son amant japonais, la jeune actrice qui tourne à Hiroshima un film sur la bombe atomique se trouve, quatorze ans plus tard, dans une situation comparable à celle qu’elle avait vécue, pendant la guerre, avec un soldat allemand. Toute la démarche du film consiste à lui faire découvrir cette similitude, la comprendre et s’en délivrer.”
(Robert PINGAUD “Alain RESNAIS”, Premier plan n°18, octobre 1961)
Avec des analyses de séquences extraites d“Hiroshima mon amour” d’Alain RESNAIS — 1958 — etc.
Lectures conseillées :
“Avant-Scène Cinéma” n°61 – 62 (spécial Resnais), juillet-septembre 1966.
COLPI Henri, “Hiroshima mon amour, la musique du film”, ed. Premier plan. Serdoc, 1959.
DURAS Marguerite, “Hiroshima mon amour, scénario et dialogues”, ed. Gallimard, 1960.
LEUTRAT Jean-Louis, “Hiroshima mon amour”, ed. Armand Collin, 2008.
NAVACELLE de Marie-Christine (sous la direction de), “Tu n’as rien vu à Hiroshima”, ed. Gallimard, 2009.
“Hiroshima mon amour” Coffret dvd, Argos/Arte 2009.
Prochaine séance prévue le …
PAF : 5 €
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