Film/débat : « Regarde, elle a les yeux grand ouverts » de Yann Le Masson

23.02 2020 / 16h
UPJB - 61, rue de la Victoire, 1060 Bruxelles

Ce film raconte l’histoire de 1975 à 1982 d’un groupe de femmes d’Aix-en-Provence et de leurs proches, maris, com­pa­gnons, enfants. Ces femmes découvrent au Mou­ve­ment pour la Liber­té de l’Avortement et de la Contra­cep­tion (MLAC) qu’elles peuvent ensemble trans­for­mer et vivre autre­ment des moments aus­si impor­tants pour elles que : avor­ter, accou­cher, choi­sir de faire ou non un enfant. Elles apprennent à le faire elles-mêmes, se heurtent à la répres­sion et c’est le pro­cès de six d’entre elles le 10 mars 1977 à Aix-en-Provence.

Un moment très fort de leur his­toire qui conti­nue tou­jours aujourd’hui.

Débat ani­mé par Domi­nique Roy­net, méde­cin dans une mai­son médi­cale et un centre de plan­ning familial.

Tarifs : 6€-4€ (membres)-2€ (réduit)


Film/débat : « Regarde, elle a les yeux grand ouverts » de Yann Le Masson

dimanche 23 février 2020 à 16h

UPJB
61, rue de la Victoire, 1060 Bruxelles 
02.537.82.45 & info@upjb.be

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« Regarde elle a les yeux grand ouverts » : le MLAC

Le docu­men­taire retrace le par­cours de quelques femmes du MLAC (Mou­ve­ment pour la liber­té de l’avortement et de la contra­cep­tion) d’ Aix-en-Pro­vence jugées en 1977 pour « pra­tiques illé­gales de la méde­cine et ten­ta­tive d’avortement sur mineure ». Autour du pro­cès, le film nous fait décou­vrir le quo­ti­dien de ce col­lec­tif qui pro­po­sait aux femmes de s’approprier les savoirs médi­caux liés au contrôle de la contra­cep­tion, à la pra­tique des avor­te­ments, mais aus­si aux accou­che­ments à domicile.

Le MLAC (Mou­ve­ment pour la liber­té de l’avortement et de la contra­cep­tion) se crée en avril 1973. Même si en jan­vier 1975, la loi Veil léga­lise l’IVG, l’accès à l’avortement est tou­jours dif­fi­cile. Le MLAC mili­tait pour que les savoirs pra­tiques autour du corps des femmes, de leur san­té et leur sexua­li­té, soient pen­sés et maî­tri­sés par les femmes elles-mêmes. Les femmes apprennent donc à faire elles-mêmes. Le MLAC conti­nue­ra les avor­te­ments et accou­che­ments, même après la loi Veil.

Le film se déroule en deux temps. Un pre­mier moment où l’on découvre les acti­vi­tés des femmes du MLAC autour des accou­che­ments à domi­cile et des accom­pa­gne­ments à l’avortement.

L’association aidait aus­si les femmes lors de per­ma­nences pour se rendre en Angle­terre ou en Hol­lande pour avor­ter et orga­ni­sait des départs col­lec­tifs. Les groupes mili­tants du MLAC s’organisaient en réseaux locaux, plu­tôt auto­nomes dans leurs pra­tiques, dans le res­pect de la Charte du MLAC. Par exemple, les groupes de Rouen, Bagneux et Gen­ne­vil­liers reven­diquent la pra­tique d’avortements sans inter­ven­tion médi­cale. L’implantation des comi­tés MLAC se fai­sait sur­tout dans les villes moyennes et les grandes villes.

La camé­ra de Yann Le Mas­son s’attarde sur les visages des femmes qui prennent la parole, se livrent avec confiance autour de leurs his­toires, dans la pure tra­di­tion du ciné­ma direct. L’expérience du MLAC ne se limite pas à la connais­sance du corps et à ces pra­tiques d’auto-avortements et d’accouchements. C’est aus­si une expé­rience de vie plus soli­daire où les rap­ports à l’autre sont plus humains car chaque per­sonne à l’écoute de ses dési­rs (avoir ou non un enfant, choi­sir son accou­che­ment, déci­der de sa vie) est aus­si capable d’entendre ceux des autres.

Dans un deuxième temps, le film revient sur le pro­cès du 10 mars 1977. Accu­sées d’avoir pra­ti­qué des avor­te­ments, les six femmes du MLAC choi­sissent la soli­da­ri­té. Bras des­sus bras des­sous, elles font front et se défendent col­lec­ti­ve­ment. De nom­breuses per­sonnes sont venues les sou­te­nir, ce jour là. Beau­coup de chan­sons, de slo­gans « MLAC, MLAC, MLAC, soli­da­ri­té ! » avant que les six ne s’engouffrent dans la salle d’audience. Cinq seront condam­nées à 2 mois d’emprisonnement avec sur­sis, l’une a une peine d’1 mois avec sursis.

Après le pro­cès, c’est l’heure des remises en ques­tion. Arrê­ter le MLAC ? Conti­nuer ? L’une veut ces­ser ses acti­vi­tés pour pas­ser plus de temps en famille, aus­si sous la pres­sion du mari. L’autre veut conti­nuer. L’une raconte son avor­te­ment qui grâce à la pré­sence des femmes du MLAC et leur pra­tique atten­tive et géné­reuse s’est bien pas­sé. Une jeune fille dira avec enthou­siasme « Avec mes copines, on va faire un petit MLAC ». Le groupe essaime, sans se poser en modèle, des pra­tiques mili­tantes fortes, basées sur la soli­da­ri­té, l’entraide et la bienveillance.

La der­nière scène montre une des femmes du MLAC accou­chant dans sa chambre, entou­rée par ses amis, sa famille, dans un cli­mat de fête. A l’écoute les unes des autres, tou­jours. La femme, dans une grande maî­trise de son corps semble sereine. Elle guette les signes qui s’annoncent. Et de véri­fier qu’elle est prête à accou­cher, se met en posi­tion, pousse avec le mari d’un côté, les copines de l’autre, et même quelques enfants qui regardent bouche bée, comme au spec­tacle. Puis de tâter elle-même la tête qui sort et sa fille qui l’aide à tirer le bébé hors d’elle. Une nais­sance qui sym­bo­li­se­rait aus­si l’autonomie des femmes.

Ce qui frappe avec un déca­lage de 40 ans reste la soli­di­té du groupe qui s’affranchit du pou­voir médi­cal pour se prendre en main et aider d’autres femmes à le faire.
À l’heure où le droit à l’avortement est encore remis en cause en Espagne, par exemple, l’expérience du MLAC paraît non seule­ment juste mais très forte.