Formation au Langage Cinématographique avec Thierry Odeyn
11h-13h30 à l ‘UNIVERSITE POPULAIRE DE BRUXELLES
Rue de la Victoire, 26
1060 Bruxelles
la formation au Langage Cinématographique sera consacrée à “Leni Riefenstahl, le pouvoir des images”.
Analyser un film, c’est non seulement interroger une continuité cohérente d’images et de sons génératrice de sens : que me dit-on ?
Mais c’est aussi interroger les moyens utilisés par le cinéaste pour la produire : comment me le dit-on ?
Au cours de ses années d’enseignement, Thierry Odeyn (professeur de réalisation et d’analyse à l’Insas et à l’Ihecs) a “inventé” une exigence du regard, une approche du réel longuement réfléchie qui a déjà formé plusieurs générations de cinéastes auxquels il a inculqué le désir de témoigner du monde. Sa démarche pédagogique est essentiellement basée sur l’apprentissage du regard, hors de toute convention, de tout académisme. Il faut, au préalable, se constituer les fondements d’une mémoire cinématographique, d’un héritage de références et de réflexions qui permettront ensuite aux futurs cinéastes et spectateurs d’inscrire leur propre démarche dans le prolongement de celles de leurs aînés.
En alternant théorie et extraits de films, Thierry Odeyn poursuit, au Cinéma Nova le cycle de modules de formation entamé la saison dernière.
5 nouveaux modules seront proposés cette saison, toujours le samedi matin de 11h à 13h30.
Chaque module peut-être vu indépendamment des autres, il n’est pas indispensable d’avoir assisté aux séances précédentes.
Samedi 18 Juin 2016
« Un artiste qui se consacre pleinement et totalement à sa tâche ne peut pas penser politiquement. »
( Leni RIEFENSTAHL )
Leni RIEFENSTAHL, le pouvoir des images
1934, Hitler confie à Leni RIEFENSTAHL la réalisation d’un film sur le Congrès du Parti à Nuremberg. Le talent qu’elle y déploie va sceller son destin.
« Le prix national du cinéma 1934/1935 a été attribué à Leni RIEFENSTAHL pour son film sur le Congrès du Parti à Nuremberg intitulé Triomphe de la volonté. Ce film constitue une grandiose réalisation dans la production cinématographique de l’année. Il est de son époque car il reflète son époque. Il montre avec des images monumentales et jamais vues, le bouleversant événement de notre vie politique. Il est la grande vision cinématographique du Fürher, qui, pour la première fois, s’y montre avec une présence d’une puissance inouïe. »
(Joseph GOEBBELS, Ministre de la Propagande)
Leni RIEFENSTAHL : Hitler précisément ne voulait pas un film politique, il voulait un film artistique et apparemment c’est le cas. J’ignorais que j’en étais capable. Si je ne voulais pas le faire, ce n’était pas pour des raisons politiques mais parce que je m’en croyais tout à fait incapable, que c’était une tâche presque insoluble.
Ray MÜLLER : Il n’empêche que par la suite, on vous a reproché d’avoir séduit les masses avec ce film. Est-ce qu’un artiste qui fait des films n’a pas une énorme influence, surtout à une époque où il n’y avait pas encore de télévision, et est-ce qu’il n’a pas aussi une responsabilité très particulière ?
Leni RIEFENSTAHL : Mais quelle responsabilité ? A l’époque, 90% des gens étaient enthousiasmé par Hitler. Il aurait fallu que je sois une résistante. C’est ce que vous voulez dire ? Mais très peu l’étaient. Vous voudriez que j’eusse fait partie de cette infime minorité ou quoi ?
Ray MÜLLER : Non, je veux dire… Vous avez dit que la politique ne vous intéressait pas.
Leni RIEFENSTAHL : Non pas du tout. Pour moi, ce n’était pas de la politique ce film, c’était une manifestation. J’ai photographié le matériau, les motifs, aussi bien que possible et j’en ai fait un film. Que ce soit de la politique ou des fruits des légumes je m’en fichais complètement. Il y a encore une chose que je dois dire : un artiste qui se consacre pleinement et totalement à sa tâche ne peut pas penser politiquement. Et d’ailleurs n’est-ce pas le cas des artistes, tout autant qu’ils sont, qui par le passé ont fait de grandes choses.
Ray MÜLLER : Quand vous regardez « Triomphe de la volonté » vous êtes sûrement d’un côté fière de l’avoir fait mais d’un autre côté, il a tout de même contribué à rendre très difficile pour vous la seconde partie de votre vie. Comment le voyez-vous maintenant ?
Leni RIEFENSTAHL : Bon, d’abord je n’en ai jamais été fière, ni aujourd’hui ni autrefois. Fière de quoi ? De ce travail harassant, épouvantable, au cours du montage ma santé a failli y passer, et qu’est-ce que cela m’a rapporté ? Bien sûr, le film est considéré comme un très bon film documentaire, mais il ne m’a valu que des avanies, parce qu’on l’a pris pour de la propagande… Avant la guerre, naturellement, il avait reçu toutes les distinctions internationales, par exemple les médailles d’or à Paris et à la Biennale. Mais après la guerre non seulement on m’a blâmée, mais on m’a trainée dans la boue à cause de ce film. Alors je ne peux pas en être fière, je suis on ne peut plus malheureuse de l’avoir fait.
Ce dialogue est extrait du film « Le pouvoir des images », film de plus de trois heures, consacré à Leni RIEFENSTAHL diffusé sur ARTE en 1995.
Triomphe de la volonté n’est toujours pas projeté en Allemagne. On continue d’avoir peur d’affronter la force suggestive de ce film. Est-ce que des films peuvent être à ce point dangereux ? Sont-ils, la mauvaise conscience, la mémoire muette d’un peuple qui ne veut pas se souvenir ?
Janvier 2016, Mein Kampf entre dans le domaine public. Faut-il le rééditer ?
C’est à ces questions que cette ultime séance d’initiation au langage
cinématographique tentera de répondre. Seront projetés des extraits de :
- Leni RIEFENSTAHL, Le pouvoir des images (Ray MÜLLER) 1993
- Triumph des Willens (Leni RIEFENSTAHL) 1934
- Walter Frentz, l’œil du caméraman (STUMPFHAUS)
- 60 ans de propagandes (B. KAYSER)…
Lectures conseillées :
- Leni RIEFENSTAHL, Le pouvoir des images (K films Editions, 1995)
- Histoire du cinéma nazi (Pierre CADARS et Francis COURTADE)
(LOSFELD Edition 1972)