Dans le sud du Chili, le conflit historique qui oppose les indigènes Mapuche aux forces de l’ordre se radicalise : incendies, menaces et confrontations armées se sont multipliés ces derniers mois. À tel point que les autorités n’hésitent pas à parler de “terrorisme” dans la région, et font usage de la force pour mater la rébellion. Des pratiques largement condamnées par l’ONU et les défenseurs des droits de l’Homme.
Face aux revendications des Mapuche, l’État chilien a mis en place une répression systématisée. Aujourd’hui, la région est fortement militarisée. Des voitures blindées, parfois accompagnés de chars ou d’hélicoptères, patrouillent quotidiennement sur les chemins d’accès aux communautés. Les Mapuche sont régulièrement confrontés à la justice, qui leur oppose la loi antiterroriste, héritée de la dictature de Pinochet.
Les paroles d’adieux du Machi Celestino Córdova
Nous publions ici les paroles d’adieux prononcées par le machi Celestino Córdova après 100 jours de grève de la faim. Il confirme sa résolution de reprendre la grève de la faim et de la soif pour accélérer son départ :
« À la Nation et aux peuples ancestraux, à toutes les sociétés non ancestrales du monde, à tous les peuples qui se battent pour leurs croyances spirituelles, pour leur territoire, pour leur liberté, pour leurs droits à rendre digne leur peuple. A ceux qui sont toujours à la recherche de l’équilibre de l’ordre naturel de notre Terre-Mère, Ñuke Mapu, qui nous a privilégié en tant qu’Humanité qui, malheureusement, n’a pas eu davantage conscience qu’on devait la valoriser comme elle le mérite.
Je suis vraiment désolé de devoir vous livrer mes derniers messages alors que je vis mes derniers jours et que je vais me sacrifier définitivement. Pour moi c’est une fierté de sacrifier ma vie pour mon peuple, les Mapuches, pour notre croyance spirituelle sacrée, pour le refus de renoncer à quoi que ce soit, et surtout pour ma condition de Machi. C’est mon devoir surnaturel dans le monde spirituel. Pour que ma mort soit plus rapide, je reprends une grève sèche. Ainsi le dénouement ne sera pas aussi lent que les acteurs de tous les pouvoirs de l’Etat l’espèrent.
Par rapport à ce que dictent le Gouvernement en place et tous les secteurs entrepreneuriaux en général, je rappellerai à l’Etat chilien jusqu’à mon dernier souffle que cela ne sert à rien de massacrer nos ancêtres, qu’on ne peut pas accepter une paupérisation forcée de l’esprit, de la culture, de la vie socio-économique. Notre peuple mapuche a été cruellement traité depuis l’invasion et actuellement depuis janvier 2013. L’Etat chilien au travers de son institution policière m’a dépossédé de mon rewe, de ma famille, de ma communauté, de mon territoire, de tous mes patients que j’ai guidé vers la vie et la santé, étant une autorité spirituelle mapuche. Mais il est grand temps de rendre justice à tous les peuples ancestraux dans le monde, à tous les peuples opprimés. C’est ainsi que nous sommes en train de vivre un renouveau dans le monde surnaturellement prédestiné.
En plus de remercier profondément la vie de m’avoir donner une famille et l’opportunité d’avoir été un petit contributeur à la lutte de notre peuple, d’avoir été au service de l’humanité, je suis heureux d’avoir ouvert le cœur de beaucoup de gens un peu partout dans le monde.
Pour finir, j’espère seulement que l’on continuera à exiger de l’Etat chilien qu’il nous rende notre territoire ancestral mapuche, ainsi que toutes les dettes historiques laissées par les peuples ancestraux. Exigez également qu’il ne fasse aucune autopsie après ma mort.
Chaltumay, merci beaucoup