Projection documentaire chilien : Nostalgie de la lumière

11.09 2012 /
19h30 Maison de l'Amérique Latine 27 rue du Collège _ 1050 Bruxelles
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Cine club : Nos­tal­gie de la lumière 

la Mai­son de l’A­mé­rique Latine vous invite a une nou­velle pro­jec­tion avec le film de Patri­cio Guzmán.

“Nos­tal­gie de la lumière” : un chef-d’oeuvre à la séré­ni­té cosmique

Patri­cio Guz­man est l’un des prin­ci­paux chro­ni­queurs ciné­ma­to­gra­phiques de l’his­toire contem­po­raine chi­lienne. On sait à quel prix ce tra­vail fut ren­du pos­sible : empri­son­né par le régime de Pino­chet lors du coup d’E­tat de 1973, fina­le­ment relâ­ché, il choi­sit l’exil, à Paris, comme son com­pa­triote Raoul Ruiz (tous deux sont nés en 1941), maître de la fic­tion baroque. Guz­man ne ces­se­ra quant à lui de reve­nir à son pays par la voie du docu­men­taire poli­tique, depuis La Bataille du Chi­li (1979) jus­qu’à Sal­va­dor Allende (2004).

Agé de 69 ans, il signe aujourd’­hui avec Nos­tal­gie de la lumière un film tota­le­ment inat­ten­du, qui contourne le genre pour mieux le mener vers des som­mets de poé­sie. Ce film n’est pas seule­ment le chef-d’oeuvre de Guz­man, il est un des plus beaux essais ciné­ma­to­gra­phiques qu’on a vus depuis long­temps. Son cane­vas, com­plexe, est tis­sé avec la plus grande sim­pli­ci­té. Trois niveaux s’y enche­vêtrent : des consi­dé­ra­tions sur la recherche astro­no­mique, une archéo­lo­gie des fon­da­tions indiennes et une mémoire de la dictature.

Un lieu ras­semble ces trois couches sen­sibles : le désert d’A­ta­ca­ma. Cet endroit, répu­té être le plus aride et le moins pro­pice à la vie de notre pla­nète, Nos­tal­gie de la lumière le trans­forme en ter­reau incroya­ble­ment fer­tile. Parce qu’on y trouve à la fois le plus grand obser­va­toire astro­no­mique au monde, les ves­tiges remar­qua­ble­ment conser­vés des civi­li­sa­tions autoch­tones et les cadavres de dépor­tés poli­tiques assas­si­nés durant la dic­ta­ture dans les camps envi­ron­nants, avant d’être dis­sé­mi­nés dans les sables. Cha­cune de ces réa­li­tés induit un tra­vail de pros­pec­tion par­ti­cu­lier. L’as­tro­nome scrute le ciel, l’ar­chéo­logue fouille le sol, les femmes de dis­pa­rus creusent, depuis vingt-huit ans, sans relâche, les entrailles de la terre.

Le génie du film, ins­pi­ré du génie du lieu, consiste à mettre ces recherches, comme les per­son­nages qui les incarnent, en rap­port. Gas­par l’as­tro­nome, Lau­ta­ro l’ar­chéo­logue, les veuves Vic­to­ria et Vio­le­ta par­tagent la même obses­sion des ori­gines, qui de l’U­ni­vers, qui de la civi­li­sa­tion, qui du mal et de la mort. Le regard dans les étoiles ou les mains dans le sable, ils connaissent la même incer­ti­tude, le même sen­ti­ment de rela­ti­vi­té et de pré­ca­ri­té, la même opi­niâ­tre­té à cher­cher la lumière dans cette nuit pro­fonde qui envi­ronne l’hu­ma­ni­té. Cela nous les rend, comme per­son­nages, pré­cieux et bouleversants.

Nos­tal­gie de la lumière doit pour­tant sa réus­site à un tra­vail for­mel qui engage davan­tage que ses per­son­nages : une science inso­lite du mon­tage, une magie de l’as­so­cia­tion entre les choses et les êtres, un art de mettre au jour des connexions insoup­çon­nées. Momies et téles­copes, billes d’en­fants et galaxies, azur et ténèbres, traces du pas­sé et pro­jec­tions d’a­ve­nir, dou­leurs infi­nies et paix sidé­rale entrent ici dans la danse de l’es­prit poé­tique qui les célèbre, quelque part entre 2001 Odys­sée de l’es­pace, de Stan­ley Kubrick, et Le Songe de la lumière, de Vic­tor Erice.

Le film révèle aus­si les liens objec­tifs qui existent, à tra­vers d’autres per­son­nages, entre ces réa­li­tés dis­pa­rates. C’est le cas de Luis, ancien pri­son­nier, qui doit d’a­voir sur­vé­cu à la pas­sion de l’as­tro­no­mie que lui ont incul­quée les savants en pri­son. C’est aus­si celui de Valen­ti­na, jeune astro­nome, qui puise dans l’ob­ser­va­tion du cycle de l’U­ni­vers une rai­son suf­fi­sante d’ap­pré­cier la vie, après que ses deux parents ont été assas­si­nés, alors qu’elle n’é­tait qu’une enfant. On tient ici, dans l’i­mage trem­blante de cette jeune orphe­line qui pose avec son enfant, la beau­té ultime du film : tirer, d’une terre ingrate et d’une his­toire inhu­maine, la force de cher­cher encore, donc d’es­pé­rer encore.

Il aura fal­lu à Patri­cio Guz­man qua­rante ans de lutte pied à pied, de mémoire à vif et de souf­france intime, pour abou­tir à cette oeuvre d’une séré­ni­té cos­mique, d’une lumi­neuse intel­li­gence, d’une sen­si­bi­li­té à faire fendre les pierres. A un tel niveau, le film devient davan­tage qu’un film. Une folle acco­lade au genre humain, un chant stel­laire pour les morts, une leçon de vie. Silence et respect.

Docu­men­taire chi­lien de Patri­cio Guz­man. (1 h 30.)

Jacques Man­del­baum

Mar­di 11 sep­tembre 2012 à 19h30

P.A.F. 3€, STUD 2€

Entrée+ Empa­na­da + Verre du vin 6€

Info:www.america-latina.be

Mai­son de l’A­mé­rique Latine

27 rue du Collège

1050 Bruxelles

02/535 93 80

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