Projection du film vénézuélien “Miranda”

01.07 2011 /
19H30 Maison d'Amérique Latine, 27 Rue du Collège à 1050 Bruxelles
Image_2-90.png

Image_2-90.pngImage_1-104.png
http://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_de_Miranda

Fran­cis­co Miran­da — Liber­ta­dor de l’Amérique

I. La Jeu­nesse de Miranda.

Depuis le moyen âge, les Miran­da s’é­taient dis­tin­gués en Espagne par des faits d’armes. Le grand-père de Fran­cis­co s’é­tait ins­tal­lé aux Cana­ries. C’est là que naquit Sebas­tian de Miran­da, le père de Fran­cis­co, lequel émi­gra ensuite au Venezuela.
Don Sebas­tian épou­sa Doña Fran­cis­ca Anto­nia Rodrí­guez Espi­no­za qui lui don­na son pre­mier enfant le 28 Mars 1750 : Francisco.

La famille Miran­da est l’une des plus consi­dé­rées de Cara­cas. Elle est riche et de bonne souche. Don Sebas­tian de Miran­da est à la fois com­mer­çant et capi­taine de Sa Majes­té. Mais les aris­to­crates créoles ne peuvent sup­por­ter qu’un métro­po­li­tain puisse avoir plus de pou­voir que les des­cen­dants de conquis­ta­dores éta­blis en Amé­rique depuis plus de deux siècles. Si bien qu’ils obtiennent du Capi­taine Géné­ral du Vene­zue­la sa révocation.

Le jeune Fran­cis­co vit une exis­tence heu­reuse. Il apprend le latin et fait ses études à l’U­ni­ver­si­té Royale de Cara­cas. En 1771, il a vingt et un ans et s’embarque à des­ti­na­tion de l’Es­pagne. Il a en poche les par­che­mins qui lui per­met­tront d’en­trer à la Cour.

Lorsque Fran­cis­co arrive à Cadix, il s’é­meut de poser le pied sur le sol de la Mère-Patrie, le pays qui don­na nais­sance à Juan de Miran­da, héros de la bataille de Lépante. Meur­tri par l’at­ti­tude des créoles du Vene­zue­la, Fran­cis­co veut faire valoir ses titres de noblesses à Madrid.

Dans la capi­tale, Fran­cis­co suit des cours de mathé­ma­tiques, de langues vivantes et d’arts mili­taires. Dans le même temps il fré­quente les salons mon­dains de la capitale.
Deux ans après son arri­vée à Madrid il achète une charge de Capi­taine et, au ser­vice de l’Es­pagne, prend part au conflit contre le Maroc. Miran­da y fait preuve d’in­gé­nio­si­té, mais son indis­ci­pline avec ses supé­rieurs le conduit à la pri­son de Cadix. Cepen­dant, à vingt-cinq ans, ses chefs voient en lui un mili­taire d’exception.

II. De retour en Amérique.

L’empire bri­tan­nique d’A­mé­rique connaît de graves pro­blèmes. Les colons insur­gés prennent le des­sus. La France, qui veut affer­mir sa puis­sance, déclare la guerre à l’An­gle­terre et décide d’ai­der les insur­gés. Par le jeu des familles, elle entraîne dans cette guerre l’Espagne.
Fran­cis­co Miran­da embarque à Cadix avec le corps expé­di­tion­naire char­gé d’at­ta­quer les pos­ses­sions bri­tan­niques en Amé­rique. Miran­da brille par ses faits d’armes et on l’é­lève au grade de lieu­te­nant-colo­nel à trente-deux ans.

Cepen­dant, et bien qu’il soit au ser­vice de l’Es­pagne, Fran­cis­co Miran­da se met à admi­rer les insur­gés anglais qui viennent d’ob­te­nir leur indé­pen­dance, et son cœur bat plus pour le Vene­zue­la que pour la Mère Patrie. D’ailleurs, on ne cesse de lui faire remar­quer son infé­rio­ri­té de par son ori­gine véné­zué­lienne et il en souffre.

En poste à La Havane, Miran­da s’en­nuie. Le 1er Juin 1783, il s’embarque sur un navire amé­ri­cain pour la Caro­line du Nord. Neuf jours plus tard il foule le sol de l’A­mé­rique libre. Sur le ter­ri­toire amé­ri­cain, Miran­da laisse libre cours à son anglo­phi­lie. Il est très bien accueilli. A Phi­la­del­phie il se fait de nom­breux amis : le che­va­lier de la Luzerne, ministre de France, Fran­cis­co Ren­don, ambas­sa­deur d’Es­pagne, le géné­ral Mif­flin, Pré­sident du congrès… Puis Fran­cis­co Miran­da est pré­sen­té au géné­ral Washing­ton à qui il voue une grande admiration.

Au mois de Jan­vier 1784, il fait la visite de New York et s’en­tre­tient avec les plus hautes per­son­na­li­tés des Etats Unis. Miran­da leur fait part de son enthou­siasme pour la Répu­blique, mais il cri­tique son assem­blée et sa ” dépen­dance ” éco­no­mique vis à vis de l’An­gle­terre. Il noue des contacts avec les états-majors poli­tiques et mili­taires en ten­tant de savoir quel arme­ment pour­raient four­nir les Etats Unis aux colo­nies espa­gnoles. Sans réponses pré­cises, Miran­da décide de quit­ter les Etats Unis et se rend en Europe.
III. La ” tour­née ” euro­péenne de Miranda.

Tou­jours lieu­te­nant-colo­nel au ser­vice de l’Es­pagne, Miran­da décide de se rendre à Londres. Le roi Charles III qui com­prend que Miran­da conspire contre l’Es­pagne le fait sur­veiller. Alors ce der­nier dévoile son jeu et envoie sa démis­sion à Madrid. Miran­da entre­prend alors un voyage qui semble plus diplo­ma­tique que touristique.

A Post­dam, Fran­cis­co Miran­da est pré­sen­té au roi Fré­dé­ric de Prusse à qui il fait grande impres­sion. A Ber­lin il ren­contre La Fayette, mais les deux hommes ne s’en­tendent pas. En Hon­grie il sym­pa­thise avec Haydn et le prince Este­rha­zy. A Vienne il rend visite à l’empereur Joseph II. Puis il par­court l’I­ta­lie et la Grèce où il tom­be­ra sous le charme des arts de ces pays. Enfin, son périple l’a­mène à Constan­ti­nople où il lie de nom­breux contacts.

Miran­da décide ensuite de se rendre à Kiev. Au palais impé­rial il est pré­sen­té à la grande Cathe­rine, Impé­ra­trice de toutes les Rus­sies. Au bout de quelques semaines une grande sym­pa­thie s’ins­taure entre les deux per­son­nages et Fran­cis­co devient plus fami­lier avec l’impératrice.

A la Cour, Miran­da se fait de nou­veaux amis : le comte de Ségur, ministre de France, le comte de Dillon, le colo­nel prus­sien d’An­halt et le comte Dimi­tri Mamo­noff, amant en titre de l’im­pé­ra­trice, et le roi de Pologne. Les géné­raux et maré­chaux recherchent la com­pa­gnie de Miran­da pour connaître ses opi­nions sur l’art de la guerre. Les duchesses l’in­ter­rogent sur l’a­mour. Mais c’est avec Cathe­rine, femme de lettres édu­quée à la ” fran­çaise ” que Fran­cis­co Miran­da s’en­tre­tient le plus.

Puis il quitte Kiev et se rend à Mos­cou en com­pa­gnie du prince Potem­kine. Là il côtoie une grande par­tie de l’a­ris­to­cra­tie mos­co­vite. Il fré­quente les salons mais a aus­si accès aux archives les plus secrètes. Miran­da étu­die les trai­tés com­mer­ciaux et poli­tiques qu’il peut trouver.

Le char­gé d’af­faires d’Es­pagne s’of­fusque de la pré­sence de Miran­da dans les milieux offi­ciels russes, un homme que l’on juge comme un déser­teur. Les liens fami­liaux entre les cou­ronnes d’Es­pagne, de France et de Rus­sie doivent conduire à évin­cer Miran­da de la Cour. Mais l’im­pé­ra­trice le pro­tège et fait taire ses détracteurs.

Cepen­dant Miran­da, qui vient d’a­voir trente-cinq ans, décide de pour­suivre son voyage et s’embarque pour la Suède. A Stock­holm il est l’hôte de l’am­bas­sa­deur de Rus­sie et ren­contre le roi Gus­tave III. Puis Miran­da fait route pour la Nor­vège et arrive au Dane­mark en 1787. Mais dans la presse danoise on l’ac­cuse d’être un espion de l’im­pé­ra­trice de Rus­sie. On parle d’ex­tra­di­tion vers l’Es­pagne. Mais le roi du Dane­mark l’as­sure de son soutien.

Fran­cis­co Miran­da s’en­nuie à la Cour du Dane­mark. Il décide de se rendre en Alle­magne. En voyant le canal qui fait com­mu­ni­quer la Bal­tique à la mer du Nord, il ima­gine la pos­si­bi­li­té d’en creu­ser un à Pana­ma qui join­drait l’At­lan­tique et le Paci­fique. Il voyage ensuite en Bel­gique et en Suisse et, le 24 Mai 1789 Fran­cis­co Miran­da arrive à Paris.

IV. Miran­da, Géné­ral français.

Miran­da se sent mal dans la capi­tale fran­çaise. La police le sur­veille pour le compte du roi Charles IV d’Es­pagne. Le 18 Juin il est à Londres où il y res­te­ra trois ans. C’est là que Miran­da va éta­blir de façon pré­cise son plan de libé­ra­tion de l’A­mé­rique espagnole.
William Pitt est au pou­voir et accueille favo­ra­ble­ment le pro­jet de Miran­da. Mais la conven­tion de Not­ka met fin aux ten­sions entre l’Es­pagne et l’An­gle­terre et William Pitt ne peut don­ner suite à ce projet.

En Mars 1792, Miran­da revient à Paris. En peu de temps il a déjà ses entrées dans les salons révo­lu­tion­naires de la capitale.
Le 10 Août 1792, la révo­lu­tion fran­çaise est en dan­ger… Charles Fran­çois Dumou­riez, géné­ral en chef de l’Ar­mée du Nord, est envoyé en Lor­raine pour bar­rer la route aux fédé­rés qui menacent de détruire la capitale.

Le 28 Août, on offre à Miran­da le rang de géné­ral de bri­gade dans l’ar­mée de Dumou­riez. Le 11 Sep­tembre il rejoint l’Ar­mée du Nord en Argonne. A Val­my, le génie mili­taire de Miran­da per­met à Dumou­riez de triom­pher des troupes de Bruns­wick. La France est sau­vée de l’in­va­sion. Fran­cis­co Miran­da est éle­vé au grade de Lieu­te­nant Général.

L’A­mé­rique espa­gnole est un des objec­tifs de la révo­lu­tion fran­çaise. Les Giron­dins connaissent les plans de Miran­da et lui pro­posent une inter­ven­tion à Saint-Domingue. Mais le véné­zué­lien refuse et pour­suit ses exploits mili­taires aux côtés de Dumouriez.

Le 21 Jan­vier 1793, la tête de Louis XVI tombe sous la guillo­tine. Les monar­chies euro­péennes s’en offusquent et rejoignent le camp de l’Au­triche et de la Prusse. Dumou­riez vou­drez jouer les pre­miers rôles à Paris mais Miran­da ne lui accorde pas son sou­tien. A la veille de la bataille de Neer­win­den Dumou­riez tente de dis­cré­di­ter le géné­ral véné­zué­lien en lui confiant le com­man­de­ment de l’aile gauche de son armée alors qu’il savait que l’en­ne­mi serait beau­coup plus fort.
La défaite est inévi­table et aura des consé­quences désas­treuses. Les forces fran­çaises doivent éva­cuer la Bel­gique. Mais Miran­da n’est pas accu­sé de ce revers car il pos­sé­dait des ordres écrits de Dumou­riez. Devant le Tri­bu­nal révo­lu­tion­naire Miran­da démontre qu’il n’est en rien res­pon­sable de la défaite de Neerwinden.

Mais Fran­cis­co Miran­da pas­se­ra le quart de son séjour en France en pri­son. Durant la Ter­reur, ses amis sont guillo­ti­nés. Robes­pierre monte sur l’é­cha­faud, sui­vi de Fou­quier-Tin­ville. Miran­da attend son tour. Mais en Jan­vier 1795, les Giron­dins reprennent le pou­voir et Miran­da est libéré.

Au mois de Juillet, Fran­cis­co Miran­da renoue avec Bona­parte des rela­tions com­men­cées dans les salons de Julie Tel­ma. Tous deux rêvent d’une même répu­blique, celle de Pla­ton, cor­ri­gée et adap­tée par Rome. Mais si Bona­parte allait rapi­de­ment gra­vir les éche­lons, on ten­te­ra d’é­car­ter Miran­da de la scène poli­tique. On l’ac­cuse de tous les com­plots et en 1798 il prend un bateau danois à Calais et se réfu­gie en Angleterre.

A Londres il est atten­du par William Pitt, tout heu­reux de rece­voir des nou­velles fraîches sur les pré­pa­ra­tifs de Bona­parte pour enva­hir l’An­gle­terre. Mais Miran­da pré­fère par­ler des colo­nies espa­gnoles d’A­mé­rique. Qu’im­porte ! William Pitt veut se ser­vir de Miran­da pour atteindre la France et l’in­dé­pen­dance sud-amé­ri­caine, un moyen pour y parvenir.

En 1802, Bona­parte est nom­mé Consul à vie. William Pitt aban­donne le pou­voir et Fran­cis­co Miran­da se retrouve face au nou­veau pre­mier ministre Sir Hen­ry Addington.
Bona­parte faci­lite le retour en France de son ancien cama­rade poli­tique, mais rapi­de­ment l’a­ban­donne entre les griffes de Fou­ché. Une fois encore Miran­da se retrouve en pri­son. On l’ac­cuse d’a­voir fomen­té un atten­tat contre Bona­parte lui-même. Mais ses rela­tions lui per­met­tront de s’en sor­tir. Avec un pas­se­port pour la hol­lande Fran­cis­co Miran­da tourne le dos défi­ni­ti­ve­ment à la France.
V. Le plan d’in­va­sion de Miranda

Convain­cu que la France ne l’ai­de­ra jamais dans son pro­jet, il se tourne réso­lu­ment vers l’An­gle­terre. Entre 1802 et 1805 il met au point le plan de l’ex­pé­di­tion mili­taire et les prin­cipes de la future Consti­tu­tion. Un fédé­ra­tion dont le pou­voir exé­cu­tif serait aux mains de deux ” Incas “, ana­logues à des consuls romains. La capi­tale s’ap­pel­le­rait Colomb et serait située au centre de l’isthme de Pana­ma. La Répu­blique Colom­bienne s’ins­pi­re­rait des prin­cipes romains, des cou­tumes indiennes et de cer­taines règles du Droit Espa­gnol. Ain­si l’ordre avait une grande place dans sa consti­tu­tion. Ecœu­ré par les révo­lu­tions aveugles et les régimes impro­vi­sés, Miran­da ne vou­lait rien lais­ser au hasard.

Mais pour fon­der la Grande Colom­bie il fal­lait faire la guerre. Depuis long­temps le plan d’in­va­sion de Miran­da était tra­cé. Tant au niveau mili­taire qu’au niveau poli­tique tout était minu­tieu­se­ment cal­cu­lé. Mais le sou­tien des Anglais au pro­jet de Miran­da varie en fonc­tions du dérou­le­ment de la poli­tique franco-britannique.

Au moment où Bona­parte devient Napo­léon, Fran­cis­co Miran­da épouse Sarah Andrews et rédige son tes­ta­ment. Exas­pé­rer par l’im­pas­si­bi­li­té des anglais, le véné­zué­lien com­prend qu’il n’y a rie à attendre du gou­ver­ne­ment de Sa Majes­té. Il devra se pas­ser de leur sou­tien. Miran­da reçoit cepen­dant des sub­sides finan­ciers de la part des ban­quiers et s’embarque pour New York.

Aux Etats Unis, ses vieux amis le reçoivent cha­leu­reu­se­ment et le mettent en contact avec le pré­sident Jef­fer­son. Mais il n’ob­tient pas les finances escomp­tées et ne peut affré­ter qu’un seul navire, le Lean­der, pour son entre­prise. Le maté­riel de guerre est assez impor­tant : 18 canons, 5000 piques, 300 paires de pis­to­lets, 50 cara­bines, 1500 fusils, 2000 épées, de la poudre et des bou­lets. L’é­qui­page com­prend 192 hommes recru­tés dans les fau­bourgs de New York.

Cela semble bien peu, mais Miran­da a confiance. Dans la rade de Jac­mel, Haï­ti, au bas des par­che­mins, il signe : “Don Fran­cis­co de Miran­da, Com­man­dant suprême de l’Ar­mée Colombienne”.
Le 12 Mars 1806 est un grand jour : il marque la pre­mière date de la Colom­bie, inven­tée par Miran­da, fon­dée par Boli­var, et qui devien­dra l’A­mé­rique du Sud. Le dra­peau bleu, jaune et rouge des­si­né par Miran­da flotte sur le grand mat du navire.

Mais à Jac­mel, le vais­seau de guerre qu’on lui avait pro­mis n’est pas au ren­dez-vous. Les ren­forts venus des Antilles bri­tan­niques ne vien­dront pas non plus. Mais Miran­da ne veut plus attendre. Le 27 Mars il quitte Jac­mel escor­té par deux petites goélettes.

Le 27 Avril, au large de Puer­to Cabel­lo deux bateaux étran­gers sont signa­lés. Ce sont deux navires espa­gnols : l’Ar­gos et la Celo­sa. Le len­de­main les vais­seaux espa­gnols engagent le com­bat. Rapi­de­ment les goé­lettes sont défaites et Miran­da doit s’é­loi­gner avec le Lean­der. Les pri­son­niers des équi­pages vain­cus seront fouet­tés, cer­tains déca­pi­tés et la tête de Miran­da sera mise à prix pour trente mille dollar.

Après avoir fait relâche quelque temps aux Bar­bades, Miran­da débarque à Tri­ni­dad. Il veut tou­jours enva­hir la Terre Ferme. Miran­da tente une fois de plus de convaincre les anglais en échange de comp­toirs commerciaux.
Le 25 Juillet, la flotte est cette fois plus impo­sante : Le Lean­der, deux navires mar­chands et sept navires de la marine anglaise lèvent l’ancre de Trinidad.
Le 3 Août, une pre­mière divi­sion réus­sit à débar­quer à La Vela de Coro. Les espa­gnols s’en­fuient, sur­pris par la sou­dai­ne­té des opé­ra­tions. Arri­vé à La Vela de Coro, le pre­mier geste de Miran­da sera de his­ser les cou­leurs de la Colom­bie sur les monu­ments publics.

Mais Fran­cis­co Miran­da ne ren­contre pas le sou­tien escomp­té par­mi la popu­la­tion. Les volets sont clos, les hommes ont rejoint l’ar­mée espa­gnole et les femmes qui se cachent regardent avec mépris ce véné­zué­lien expa­trié à la tête de mer­ce­naires qui ne parlent pas l’es­pa­gnol. Seuls quelques indiens armés d’arc et de flèches semblent vou­loir suivre Miran­da dans son entreprise.

Le 13 Août, devant la menace de l’ap­proche des troupes espa­gnoles, Miran­da décide d’é­va­cuer La Vela de Coro et retourne à Tri­ni­dad. Le constat est amer : Beau­coup d’hommes ont été tués, Le Lean­der est en pièces et Miran­da cou­vert de dettes.
VI. Le triomphe et l’échec

En 1810, les fran­çais et les anglais s’af­frontent sur le ter­ri­toire espa­gnol. La dété­rio­ra­tion du pou­voir cen­tral encou­rage la rébel­lion des colo­nies. Le Cabil­do de Cara­cas se pro­clame junte exé­cu­tive. Aus­si­tôt, toutes les colo­nies espa­gnoles font de même. Pour­tant il ne s’a­git pas de rompre avec la Mère Patrie mais de sau­ve­gar­der les droits du Roi Fer­di­nand VII, empri­son­né à Bayonne par Napo­léon. Un des ambas­sa­deurs de la junte de Cara­cas allait se faire remar­quer. Il s’a­git du jeune Simon Bolivar.

Après un an de séjour à Tri­ni­dad, Miran­da s’é­tait ren­du à Londres et ses idées de révolte plai­saient aux Amis de la liber­té. Miran­da fon­da et publia un jour­nal, le Colom­bia­no, qui dif­fu­sait dans toutes les colo­nies espa­gnoles son mes­sage d’in­dé­pen­dance et de libé­ra­tion de l’A­mé­rique du Sud. Des idées qui com­mencent à réveiller les non­cha­lants créoles.

La junte de Cara­cas déci­da alors de se choi­sir pour chef celui qui incar­nait depuis trente ans le plus la liber­té. Miran­da revient donc à Cara­cas en 1810 où il reçoit, aux côtés de Boli­var, les hom­mages du peuple vénézuélien.
Dans le même temps, à Bue­nos Aires, Bogo­ta, San­tia­go du Chi­li, Mexi­co, des juntes indé­pen­dantes se consti­tuent. L’empire Espa­gnol cra­quait de tous les côtés.

A soixante ans, Miran­da tient à prou­ver qu’il n’a rien per­du de ses ver­tus mili­taires et il rem­porte une vic­toire écla­tante contre les troupes roya­listes ras­sem­blées à Valen­cia. Six mois plus tard, la Consti­tu­tion qu’a­vait ima­gi­né Miran­da était votée. Le dra­peau qui était his­sé au mât du Lean­der était adop­té comme emblème national.

Mais après avoir eu tous les pou­voirs, Miran­da se retrouve simple dépu­té. Mais il se plie au jeu démo­cra­tique et force l’ad­mi­ra­tion par son dés­in­té­res­se­ment. Mais il ne reste pas long­temps dans l’ombre. vice-pré­sident du congrès, il s’at­tache à faire appli­quer la consti­tu­tion : pro­hi­bi­tion de la traite des noirs, abo­li­tion des pri­vi­lèges, etc.…

Mais les roya­listes ne s’a­vouent pas vain­cus. Diri­gés par Mon­te­verde, ils décident de mar­cher à nou­veau sur Cara­cas quand, le jeu­di saint de 1812, un trem­ble­ment de terre ravage la capi­tale et une grande par­tie du pays. Désor­ga­ni­sés, les troupes répu­bli­caines ne par­viennent pas à conte­nir les roya­listes qui avaient pro­fi­té de l’oc­ca­sion. Une fois encore, on fait confiance à Miran­da en le nom­mant géné­ral en chef et en lui attri­buant tous les pouvoirs.

Miran­da confie à Boli­var la défense de Puer­to Cabel­lo, der­nier rem­part avant Cara­cas. Mais Miran­da n’ar­rive pas à moti­ver une popu­la­tion ter­ro­ri­sée, et des subor­don­nés indisciplinés.
A l’é­ton­ne­ment de tous, Boli­var aban­don­na la place aux espa­gnols sans oppo­ser de résis­tance. Le 29 Juillet, les roya­listes pénètrent dans Cara­cas et Miran­da s’ap­prête à repar­tir en exil à bord d’un navire anglais.

Des répu­bli­cains chargent ses affaires sur le pont du navire tan­dis Simon Boli­var insulte au loin Fran­cis­co Miran­da, lui repro­chant sa capi­tu­la­tion. Le 31 Juillet 1812, à l’aube, on frappe à la porte de la mai­son où Miran­da vou­lait pas­ser sa der­nière nuit sur le sol véné­zué­lien. Boli­var et plu­sieurs conju­rés sont venus pour empri­son­ner et livrer Miran­da aux espagnols.

Enfer­mé quelques temps dans un fort de Puer­to Cabel­lo, Fran­cis­co Miran­da est trans­fé­ré à Puer­to Rico puis à Cadix où il est incar­cé­ré au Cas­tillo de las Siete Torres.
Mon­te­verde est nom­mé capi­taine géné­ral du Vene­zue­la, et Boli­var a pu quit­ter le pays grâce au pas­se­port déli­vré par les espagnols.

L’Es­pagne a enfin récu­pé­ré sa proie. Miran­da tente encore d’é­chap­per à son sort. Il contacte ses amis de Londres mais ses geô­liers font bonne garde. Puis sa san­té s’al­tère ; il tombe malade du scor­but… Le 25 Mars 1816, Fran­cis­co Miran­da est ter­ras­sé par une conges­tion céré­brale. On le trans­porte à l’hô­pi­tal, mais son état s’aggrave.

Le 14 Juillet 1816, à une heure cinq du matin, le ” pré­cur­seur ” de l’in­dé­pen­dance sud-amé­ri­caine rend son der­nier sou­pir. Bona­parte disait de lui : ” C’est un Don Qui­chotte, avec cette dif­fé­rence que celui-ci n’est pas fou… il a du feu sacré dans l’âme. ”
N.B. La source prin­ci­pale de ces textes pro­vient de l’ou­vrage de Jean Des­co­la, ” Les Liber­ta­dors ” des édi­tions Fayard.