Abdellatif Kechiche : “Je rêve d’un soulèvement de nos banlieues”

Grisé par la révolte du peuple, le réalisateur d’origine tunisienne Abdellatif Kechiche espère qu’elle touche toutes les démocraties où règne l’injustice.

12/02/2011

“Qu’elle est belle cette révo­lu­tion. Comme beau­coup de gens, elle me grise. Par­fois, j’ai le sen­ti­ment qu’elle vient de moi, qu’elle est l’expression de ma révolte face à l’injustice, qu’elle sort de mes propres tripes. C’est d’ailleurs plus une révolte des tripes que du jas­min, des roses ou de je ne sais quoi. C’est un véri­table cri. Des hommes luttent, sacri­fiant leur vie pour la dignité.

Lorsque les évé­ne­ments ont com­men­cé, je me suis sen­ti tota­le­ment soli­daire, bien sûr, des émeu­tiers, mais je n’osais pas y croire et j’avais peur pour eux. J’assistais en témoin impuis­sant, sidé­ré, à ce cou­rage popu­laire, spon­ta­né, exem­plaire. Un peuple qui par­vient à désta­bi­li­ser puis à ren­ver­ser une dic­ta­ture aus­si redou­table que celle qui était en place depuis trop long­temps en Tuni­sie, ce n’est pas rien. Tout devient pos­sible. C’est une belle leçon à la pla­nète entière. En même temps qu’une véri­table claque aux intel­lec­tuels, poli­tiques, et artistes, dont je suis, qui n’ont rien su ou pu faire pour chan­ger les choses.

Je sou­haite de tout mon être une longue vie à cette révolte popu­laire, qu’elle conti­nue à faire des petits à tra­vers le monde arabe, bien sûr, mais pas seule­ment. Je rêve de la voir se pro­pa­ger à toutes les dic­ta­tures, mais aus­si à toutes les démo­cra­ties cor­rom­pues, par­tout où sévissent l’injustice sociale, le mépris et l’humiliation des hommes. Je rêve d’un sou­lè­ve­ment de nos banlieues.”

Pro­pos recueillis par Marion Mourgue et Ber­nard Zekri

Source : Les inrocks