La révolution des images (1830 – 1914)

Huit conférences par Benoît Peeters

8 confé­rences don­né par Benoît Pee­ters où il ana­lyse les muta­tions fon­da­men­tales qu’ont connues les images entre 1830 et 1914, en deve­nant repro­duc­tibles et séquen­tielles, puis mobiles.

Au cours de 8 confé­rences, Benoît Pee­ters ana­lyse les muta­tions fon­da­men­tales qu’ont connues les images entre 1830 et 1914, en deve­nant repro­duc­tibles et séquen­tielles, puis mobiles. Ce sont les médias nais­sants – la cari­ca­ture, le livre illus­tré, la bande des­si­née, la pho­to­gra­phie, le ciné­ma et le des­sin ani­mé – qui seront sur­tout évo­qués. Mais au lieu de les sépa­rer, la recherche met­tra en évi­dence tout ce qui les relie.

Il sera ques­tion des pano­ra­mas et de la litho­gra­phie, du télé­graphe et du pho­no­graphe, du che­min de fer et de l’aviation, mais aus­si de per­son­nages qui ont joué un rôle de pas­seurs entre les dis­ci­plines comme Töpf­fer, Nadar, Muy­bridge, Marey, Edi­son, les frères Lumière, Méliès et Win­sor McCay. Il y aura des échap­pées vers Dau­mier, Meis­so­nier et Degas, mais aus­si vers Bal­zac, Jules Verne, Charles Cros, Clé­ment Ader, Dar­win et Freud. Plus sou­ter­rai­ne­ment, il s’agira d’une réflexion sur les liens entre l’histoire des arts et celle des techniques.

Benoît Pee­ters est né à Paris en 1956. Ancien élève de Roland Barthes, il est titu­laire d’une Habi­li­ta­tion à diri­ger des recherches. Une longue com­pli­ci­té avec Fran­çois Schui­ten lui a per­mis de construire avec lui la célèbre série de bande des­si­née Les Cités obs­cures. Auteur de nom­breux essais sur l’image, Benoît Pee­ters est aus­si le bio­graphe de per­son­nages aus­si dif­fé­rents que Her­gé, Jacques Der­ri­da et Paul Valéry.


1. Paris 1830 — Un nouveau monde

La révo­lu­tion indus­trielle coïn­cide avec la révo­lu­tion des images. C’est le temps de la vapeur et de l’électricité, du télé­graphe et du che­min de fer, inlas­sa­ble­ment repré­sen­tés par Dau­mier. C’est aus­si le temps des pano­ra­mas et des dio­ra­mas, où se mettent en place cer­taines des tech­niques que le ciné­ma déve­lop­pe­ra plus tard.

Sous la Monar­chie de juillet, les nou­velles lois sur la presse per­mettent à la cari­ca­ture poli­tique de se déve­lop­per. Mais cette liber­té reste fra­gile, comme le montrent « Les poires » de Charles Phi­li­pon et leurs mul­tiples décli­nai­sons. Inven­tion d’Aloys Sene­fel­der, la litho­gra­phie se dif­fuse rapi­de­ment, tan­dis que la tech­nique de la gra­vure se sim­pli­fie. Le livre illus­tré devient un genre à part entière, avec Nodier, Johan­not, Bal­zac, Gus­tave Doré et quelques autres. Mais dans Un autre monde de Grand­ville, le crayon essaie de s’émanciper de la plume…

19 octobre 2016


Paris 1830 — Un nou­veau monde (La révo­lu­tion… por musee_des_arts_et_metiers

2. Töpffer et la naissance de la bande dessinée

Rodolphe Töpf­fer (1799 – 1846) est aujourd’hui recon­nu comme le père de la bande des­si­née. Péda­gogue rous­seauiste, lit­té­ra­teur esti­mé, cri­tique d’art, Töpf­fer est avant tout l’auteur d’histoires en images comme M. Jabot, M. Cré­pin et M. Pen­cil. C’est Goethe, l’un de ses pre­miers lec­teurs, qui le décide à publier ses histoires.

À Genève, Töpf­fer édite lui-même ses albums et les com­mer­cia­lise : la bande des­si­née naît donc sous forme de livres et non dans la presse. Les pre­mières édi­tions-pirates sont publiées à Paris chez Aubert, la mai­son de Charles Phi­li­pon. Un peu plus tard, M. Cryp­to­game paraît en feuille­ton dans L’Illustration. Remar­quable théo­ri­cien, Töpf­fer a d’emblée l’intuition qu’il fonde un genre nou­veau, où « il y a pro­di­gieu­se­ment à moissonner ».

Les pre­miers conti­nua­teurs fran­çais sont Cham, Nadar et le jeune Gus­tave Doré. En France comme en Grande Bre­tagne, en Alle­magne et ailleurs, la bande des­si­née occupe une place consé­quente dans la presse tout au long du XIXe siècle.

16 novembre 2016


Töpf­fer et la nais­sance de la bande des­si­née… por musee_des_arts_et_metiers

3. De la plaque Daguerre 

Nicé­phore Nièpce met au point dès 1822 les pre­mières images de type pho­to­gra­phique, mais son iso­le­ment ne lui per­met pas de dif­fu­ser son inven­tion. Daguerre, pro­prié­taire d’un dio­ra­ma dis­pa­ru dans un incen­die, per­fec­tionne l’invention et met au point le daguer­réo­type. En 1839, Ara­go convainc l’Assemblée natio­nale d’octroyer libé­ra­le­ment le bre­vet au monde entier. La « folie daguer­rienne » s’empare de la France et de l’Europe. Par­tout, des ama­teurs s’y essaient. Mais cette image-empreinte, d’un genre radi­ca­le­ment nou­veau, sus­cite aus­si des craintes, comme celles de Bal­zac qui craint que chaque prise de vue ne lui ôte une couche de son être. En Angle­terre, pen­dant ce temps, Tal­bot met au point le calo­type, qu’il consi­dère comme « le crayon de la nature ». En France, Bayard, Le Gray, Du Camp et quelques autres pro­posent de nou­veaux usages de la pho­to­gra­phie nais­sante, tan­dis que Töpf­fer et Bau­de­laire s’insurgent contre elle.

14 décembre 2016


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4. Les métamorphoses de Nadar

Félix Tour­na­chon, dit Nadar (1820 – 1910) est un per­son­nage fas­ci­nant et l’un des pas­seurs majeurs du XIXe siècle. Figure de la Bohème, ami de Bau­de­laire, poly­graphe et des­si­na­teur, il devient célèbre avec le « Pan­théon Nadar », vaste gale­rie de cari­ca­tures. Le vrai Pan­théon Nadar est pour­tant celui que consti­tue l’ensemble de ses pho­tos des grandes années. Mais Nadar ne tarde pas à se las­ser lorsque le por­trait pho­to­gra­phique s’industrialise. Lais­sant ce ter­rain à Didé­ri, il se lance dans de nou­velles expé­riences, comme la pho­to­gra­phie sou­ter­raine et la pho­to­gra­phie aérienne.

Dès le milieu des années 1860, Nadar (rejoint par Jacques Babi­net et Jules Verne) se per­suade que la navi­ga­tion aérienne repo­se­ra sur le « plus lourd que l’air ». Étran­ge­ment, c’est au moyen d’un bal­lon plus grand que tous les autres, « Le Géant », que Nadar essaie de recueillir des fonds pour déve­lop­per les recherches. Sa lon­gé­vi­té lui per­met­tra en 1909 de saluer la tra­ver­sée de la Manche par Blériot.

18 jan­vier 2017


Les méta­mor­phoses de Nadar (La révo­lu­tion des… por musee_des_arts_et_metiers

5. Muybridge et Marey : le cheval et l’oiseau

Phy­sio­lo­giste, Etienne-Jules Marey (1830 – 1904) s’intéresse d’abord à la cir­cu­la­tion du sang. C’est pour ana­ly­ser le mou­ve­ment sous toutes ses formes qu’il se tourne vers la pho­to­gra­phie : elle n’est d’abord pour lui comme un outil pri­vi­lé­gié. À la même époque son exact contem­po­rain, l’Américain Ead­weard Muy­bridge, réa­lise de superbes pho­tos de pay­sages à Yose­mite. À la demande de l’homme d’affaires Leland Stan­ford, Muy­bridge met au point un dis­po­si­tif tech­nique per­met­tant de com­prendre le galop du che­val. La sys­té­ma­ti­sa­tion des tra­vaux de Muy­bridge lui per­met d’analyser bien­tôt la loco­mo­tion ani­male et humaine. Il dia­logue à dis­tance avec Marey qui, à l’aide de son fusil pho­to­gra­phique, cherche de son côté à com­prendre le vol des oiseaux. Muy­bridge entre­prend une tour­née de confé­rences illus­trées à tra­vers l’Europe. À Paris, il ren­contre Marey, mais aus­si des peintres aus­si dif­fé­rents que Meis­son­nier et Degas. Tous sont bou­le­ver­sés par ce que révèlent les pho­to­gra­phies séquentielles.

15 février 2017


Muy­bridge et Marey : le che­val et l’oi­seau (La… por musee_des_arts_et_metiers

6. La peinture à l’épreuve de la photographie

Tout au long du XIXe siècle, les rap­ports entre pein­ture et pho­to­gra­phie sont mul­tiples, com­plexes, sou­vent paradoxaux.
Dédai­gnée par la plu­part des écri­vains, la pho­to­gra­phie l’est aus­si par les peintres. Nadar se bat long­temps avant de lui obte­nir une petite place au Salon. Mais les pho­to­graphes ne sont pas les seuls artistes à être refu­sés : iro­ni­que­ment, c’est dans l’atelier du même Nadar qu’a lieu la pre­mière expo­si­tion des Impres­sion­nistes. Ain­si que l’avait pres­sen­ti Töpf­fer, la notion même de res­sem­blance est pro­fon­dé­ment affec­tée par l’apparition de l’image pho­to­gra­phique. Le peintre Gérôme en fait les frais, lorsqu’un de ses modèles refuse son por­trait. Dela­croix est déjà un artiste accom­pli lorsque le daguer­réo­type appa­raît : il l’utilise mais dis­si­mule l’usage qu’il en fait. La pho­to­gra­phie influence de manière plus pro­fonde les peintres de la géné­ra­tion sui­vante : pho­to­graphe ama­teur, Degas cherche à sai­sir le mou­ve­ment instable, l’instant fur­tif, comme après lui Bon­nard et bien d’autres.

15 mars 2017


La pein­ture à l’é­preuve de la pho­to­gra­phie (La… por musee_des_arts_et_metiers

7. Lumière et Méliès : les deux naissances du cinématographe 

Plus encore que celle du pho­no­graphe, l’invention du ciné­ma a don­né lieu à d’interminables polé­miques. Depuis long­temps, Atha­na­sius Kirch­ner, Etienne Robert­son et Joseph Pla­teau en avaient mis au point cer­tains dis­po­si­tifs. Quant à Marey et son assis­tant Demenÿ, ils se pré­oc­cu­paient d’analyser le mou­ve­ment, non de le res­ti­tuer : si Marey n’a pas inven­té le ciné­ma, c’est parce qu’il n’en voyait pas l’intérêt.

Dans les der­nières années du XIXe siècle, la com­pé­ti­tion bat son plein entre le Kiné­to­scope d’Edison et le Ciné­ma­to­graphe des frères Lumière. Les pre­miers films Lumière pro­posent à bien des égards un ciné­ma de pho­to­graphe, s’interdisant les mani­pu­la­tions et pré­fi­gu­rant le docu­men­taire. Venu du des­sin et de la pres­ti­di­gi­ta­tion, Georges Méliès crée pour sa part un ciné­ma de féé­rie, entiè­re­ment tour­né en stu­dio ; jusqu’au début de la Pre­mière Guerre mon­diale, ses films connaî­tront un immense suc­cès, y com­pris aux États-Unis.

19 avril 2017


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8. Winsor McCay, de la bande dessinée au dessin animé

Si la bande des­si­née conti­nue à se déve­lop­per tout au long du XIXe siècle, c’est aux Etats-Unis, vers 1900, qu’elle prend une nou­velle ampleur. La guerre que se livrent deux grands patrons de presse, Joseph Pulit­zer et William Ran­dolph Hearst, est l’un des moteurs de cette expan­sion. Avec le fameux Yel­low Kid de Richard Out­cault, le phy­lac­tère s’impose, dans le pro­lon­ge­ment du pho­no­graphe d’Edison.

L’auteur le plus mar­quant de la période est incon­tes­ta­ble­ment Win­sor McCay (1867 – 1934). Les méta­mor­phoses sont au cœur des séquences qu’il des­sine avec une incroyable liber­té, s’appuyant sur les pos­si­bi­li­tés du rêve. Les « Sun­day Pages » de Lit­tle Nemo in Slum­ber­land cor­res­pondent aus­si à la conquête de l’espace de la planche et au triomphe de la couleur.
Mais McCay est aus­si, avec les Fran­çais Emile Rey­naud et émile Cohl, un des pion­niers du des­sin ani­mé. C’est entiè­re­ment seul qu’il anime Lit­tle Nemo, avant de faire vivre Ger­tie le dino­saure, puis de recons­ti­tuer la catas­trophe du Lusitania.

10 mai 2017


Win­sor McCay, de la bande des­si­née au des­sin… por musee_des_arts_et_metiers