Décoder une image, c’est s’interroger sur quand elle a été créée, qui l’a créée, et à qui elle est adressée. Ancrer dans un contexte historique, c’est essentiel.
Au BRASS, l’équipe de ZIN TV organise entre octobre et décembre des rencontres filmées entre des jeunes et deux historiens autour de la question de la construction des identités collectives. Le but du jeu : déconstruire les mythes nationaux et acérer le regard critique face aux images qui nous entourent.
Qui êtes vous, ZIN TV ?
La naissance de Zin TV répond à une nécessité de construire un média dans lequel on peut se reconnaître comme dans un reflet de miroir. Actuellement, on ne se reconnaît pas dans la télévision, on la subit. Elle représente un monde institutionnel qui porte un regard presque folklorique sur nous, citoyens. À Zin TV on ne regarde pas les citoyens d’en haut mais parmi eux.
Sur quoi vous appuyez-vous pour fabriquer ce « média citoyen » ?
Notre démarche consiste à construire une télévision avec les gens. D’abord en démocratisant la pédagogie du cinéma et de l’audiovisuel, à travers des formations, des ateliers vidéo qui s’inscrivent dans une démarche d’émancipation ; mais aussi à travers des séminaires, des projections-débats. Le but est d’outiller les gens pour qu’ils soient en mesure d’analyser ce qu’ils voient. Comment regarder la télévision et internet ? Il faut comprendre comment fonctionnent les outils audiovisuels pour réussir à mieux faire ses choix personnels.
À quelles thématiques vous intéressez vous à ZIN TV ?
Nous nous intéressons beaucoup à l’actualité des mouvements sociaux, nous faisons des capsules vidéos de trois minutes diffusées sur notre site. Ces vidéos peuvent porter sur les droits des réfugiés, la lutte contre l’austérité, les traités internationaux, la liberté d’expression face à la police, la grève des cheminots, les mouvements LGBTQI (Lesbiens, Gays, Bisexuels, Trans…), anti-racistes, anti-fascistes…
À travers l’analyse des images dans lesquelles nous baignons, nous cherchons à revisiter les mythes qui fondent notre société. Pour y voir clair, il faut décrypter ces images, s’armer, s’outiller.
Qu’est ce que le projet “UZIN, la fabrique des idées” ?
Le premier volet de ce projet « La propagande au ralenti », s’est déroulé à Muntpunt l’année passée. Nous avons réuni un groupe d’une cinquantaine de jeunes venus d’écoles et de quartiers différents de Bruxelles et nous avons tenté de décoder ensemble des films de propagande (nazie et de l’État Islamique). L’objectif était de s’armer pour dépasser les lectures émotionnelles et les discours simplistes qui envahissent les médias. Cette première expérience de rencontres filmées entre des universitaires et des jeunes a bien fonctionné, on a donc décidé de lancer un deuxième volet, cette fois au BRASS.
Quelle sera la problématique abordée dans ces émissions tournées au BRASS ?
Nous allons nous interroger sur la manière dont sont fabriquées les identités collectives. Sur quoi repose l’identité nationale ? La langue, des coutumes, des plats, des zones géographiques ? Qu’est-ce un Belge ? Un Bruxellois ?
Comment se déroulera cette série de rencontres ?
Nous organiserons d’abord des animations pour briser la glace et amener le sujet. Puis nous installerons un plateau de télévision dans la salle des machines et nous filmerons, à plusieurs caméras la rencontre des jeunes avec deux historiens. On terminera par quatre jours d’ateliers vidéo où les jeunes filmeront eux-mêmes.
Pourquoi avez-vous voulu faire de la salle des machines du BRASS le décor de ces émissions ?
Nous trouvions vraiment intéressant pour un tel travail que le débat soit mis en scène dans un décor fait d’engrenages, de mécanismes, de rouages… Ce n’est pas anodin pour nous que la rencontre s’inscrive dans l’imaginaire du monde ouvrier, lequel semble avoir disparu des images aujourd’hui.
Qui sont les intervenants ?
L’historienne Anne Morelli : elle abordera la question de comment l’Histoire se fabrique. Et l’historien congolais Elikia M’Bokolo, qui est un des auteurs d’un ouvrage de référence sur l’Histoire de l’Afrique. Il racontera l’Histoire belge d’un point de vue congolais.
Pourquoi avoir choisi des historiens ?
Décoder une image, c’est s’interroger sur quand elle a été créée, qui l’a créée, et à qui elle est adressée. Ancrer dans un contexte historique, c’est essentiel. Anne Morelli déconstruit très facilement les héros, les figures historiques auxquelles on se réfère. Elle cite beaucoup d’exemples de personnes qu’on considère comme de vrais Belges et démontre qu’en fait, tout est parcours de migrations.