« Il faut, pour comprendre ce que nous voulons, voir ce qu’il faut entendre par liberté de l’information. La première chose sur laquelle on fait beaucoup d’erreurs, c’est qu’on croit que la liberté d’information, le droit à la liberté de la presse, c’est un droit du journaliste. Mais pas du tout, c’est un droit du lecteur du journal. C’est-à-dire que c’est les gens, les gens dans la rue, les gens qui achètent le journal, qui ont le droit d’être informé. C’est les gens qui travaillent dans une entreprise, dans un chantier, dans un bureau qui ont le droit de savoir ce qu’il se passe et d’en tirer les conséquences. Naturellement, il en résulte qu’il faut que le journaliste ait la possibilité d’exprimer ses pensées, mais cela signifie seulement qu’il doit faire en sorte qu’il informe constamment le peuple. Quel est le moyen d’informer le peuple ? C’est de l’informer par le peuple. […] On vous a parlé d’objectivité. L’objectivité, c’est une situation vraie telle qu’elle est exprimée par la pensée populaire. Ce sont des gens qui pensent sur une situation qui est la leur. Cela, nous devons le recueillir. Comme on vous l’a dit, le journaliste ne doit pas faire l’histoire, il ne doit pas l’interpréter. Il doit recueillir l’événement et le donner dans le journal à ceux du peuple qui n’ont pas été intéressés à l’événement en question ou qui n’en ont pas été mis au courant. Donc, il faut essentiellement que le peuple discute avec le peuple. »
Jean-Paul Sartre, philosophe, conférence de presse de présentation du quotidien Libération, 4 janvier 1973, cité par François-Marie Samuelson, Il était une fois Libé, Seuil, Paris, 1979, p. 153 – 154.