Jean-Paul Sartre sur la liberté de l’information

La première chose sur laquelle on fait beaucoup d’erreurs, c’est qu’on croit que la liberté d’information, le droit à la liberté de la presse, c’est un droit du journaliste. Mais pas du tout, c’est un droit du lecteur du journal.

« Il faut, pour com­prendre ce que nous vou­lons, voir ce qu’il faut entendre par liber­té de l’information. La pre­mière chose sur laquelle on fait beau­coup d’erreurs, c’est qu’on croit que la liber­té d’information, le droit à la liber­té de la presse, c’est un droit du jour­na­liste. Mais pas du tout, c’est un droit du lec­teur du jour­nal. C’est-à-dire que c’est les gens, les gens dans la rue, les gens qui achètent le jour­nal, qui ont le droit d’être infor­mé. C’est les gens qui tra­vaillent dans une entre­prise, dans un chan­tier, dans un bureau qui ont le droit de savoir ce qu’il se passe et d’en tirer les consé­quences. Natu­rel­le­ment, il en résulte qu’il faut que le jour­na­liste ait la pos­si­bi­li­té d’exprimer ses pen­sées, mais cela signi­fie seule­ment qu’il doit faire en sorte qu’il informe constam­ment le peuple. Quel est le moyen d’informer le peuple ? C’est de l’informer par le peuple. […] On vous a par­lé d’objectivité. L’objectivité, c’est une situa­tion vraie telle qu’elle est expri­mée par la pen­sée popu­laire. Ce sont des gens qui pensent sur une situa­tion qui est la leur. Cela, nous devons le recueillir. Comme on vous l’a dit, le jour­na­liste ne doit pas faire l’histoire, il ne doit pas l’interpréter. Il doit recueillir l’événement et le don­ner dans le jour­nal à ceux du peuple qui n’ont pas été inté­res­sés à l’événement en ques­tion ou qui n’en ont pas été mis au cou­rant. Donc, il faut essen­tiel­le­ment que le peuple dis­cute avec le peuple. »

Jean-Paul Sartre, phi­lo­sophe, confé­rence de presse de pré­sen­ta­tion du quo­ti­dien Libé­ra­tion, 4 jan­vier 1973, cité par Fran­çois-Marie Samuel­son, Il était une fois Libé, Seuil, Paris, 1979, p. 153 – 154.