Grèce 2010, Argentine 2001

par Claudio Katz (CADTM)

La convul­sion dont souffre la Grèce res­semble beau­coup à ce qu’à vécu l’Argentine en 2001 lorsque l’augmentation de la dette a rava­gé l’économie sud-amé­ri­caine. Une par­tie de ce pas­sif a aug­men­té du fait du cumul de dettes inexis­tantes qui finan­çaient la fuite de capi­taux. Une autre por­tion a aug­men­té avec la spi­rale des inté­rêts et des refi­nan­ce­ments et un der­nier seg­ment est appa­ru suite à l’absorption par l’Etat de faillites pri­vées. Les pres­sions en faveur du paie­ment de cette dette odieuse ont for­cé à la réor­ga­ni­sa­tion néo­li­bé­rale de l’économie impo­sée par le FMI à tra­vers les pri­va­ti­sa­tions, l’ouverture com­mer­ciale et la flexi­bi­li­sa­tion du travail.
L’Argentine a per­du sa sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique avec un sys­tème de conver­ti­bi­li­té avec le dol­lar qui l’empêchait de gérer la mon­naie et le cré­dit. Tous les biens ren­tables de l’Etat ont été bra­dés (le pétrole, les ports, les trains, les télé­phones) et l’industrie natio­nale a subi une réduc­tion dras­tique comme consé­quence d’une vague d’importations qui a éli­mi­né les petites entreprises.
Le chô­mage s’est alors éten­du, la pau­vre­té a aug­men­té et l’indigence est appa­rue. La classe moyenne a été réduite et l’inégalité sociale a atteint des niveaux sans pré­cé­dents. Pour la pre­mière fois dans l’histoire du pays la faim a fait son appa­ri­tion et on a vu de nom­breux enfants fouiller les pou­belles pour trou­ver de quoi se nourrir.
Le FMI dési­gnait les ministres et avait le contrôle sur le Par­le­ment. Les par­tis tra­di­tion­nels se sont conver­tis au néo-libé­ra­lisme et le pré­sident Menem a essayé de se trans­for­mer en un genre de That­cher du Tiers Monde.

ANALOGIES ET DIFFERENCES

Les simi­la­ri­tés avec l’actuelle situa­tion de la Grèce sautent à la vue. Dans les deux pays la dette est le pro­duit de l’évasion fis­cale et de mani­pu­la­tions comp­tables pour finan­cer l’introduction du modèle néo­li­bé­ral. Ce sché­ma débouche sur une impos­si­bi­li­té de paie­ment qui conduit au défaut de paie­ment de la dette que celui-ci soit expli­cite ou dissimulé.
Il y a une décen­nie, le FMI fai­sait des ins­pec­tions pério­diques dans le Cone Sud (Argen­tine, Uru­guay, Chi­li) pour contrô­ler l’économie. Les prêts suc­ces­sifs à taux usu­raires qui se pré­sen­taient comme le sau­ve­tage de l’Argentine – consti­tuaient dans les faits une aide pour les banques créan­cières. Le FMI exi­geait le gel des salaires, l’augmentation des impôts directs et la pri­va­ti­sa­tion des pen­sions. Les coupes dans les dépenses sociales ont eu pour consé­quence de recréer un cercle vicieux de baisse de recettes fis­cales et d’augmentation de la réces­sion. Les mêmes fonc­tion­naires du FMI qui écrivent main­te­nant le mémo­ran­dum de la Grèce géraient alors le minis­tère de l’économie de l’Argentine. Les béné­fices finan­ciers qui sont aujourd’hui obte­nus en spé­cu­lant avec la dette grecque l’étaient à ce moment là par l’achat et la vente des bons argen­tins. On assis­tait alors au spec­tacle poli­tique d’un Par­le­ment qui tenait ses ses­sions dans l’urgence pour approu­ver l’ajustement.
La presse mon­diale mal­trai­tait la popu­la­tion en l’affligeant des mêmes qua­li­fi­ca­tifs que se voit aujourd’hui affu­blé le peuple grec. Pour dis­si­mu­ler le para­si­tisme des finan­ciers, les jour­naux iden­ti­fiaient les Argen­tins avec la fai­néan­tise, l’irresponsabilité et la cor­rup­tion. Au lieu de répu­dier ces calom­nies, les gou­ver­ne­ments voi­sins d’Amérique latine cher­chaient à se dif­fé­ren­cier d’un pays cru­ci­fié par le FMI. C’est la même atti­tude qu’adoptent aujourd’hui les gou­ver­ne­ments espa­gnol ou por­tu­gais face à la Grèce.
Le FMI exer­çait un chan­tage sur l’Argentine sur base d’un dilemme très sem­blable à celui impo­sé à la Grèce par rap­port à l’Euro. On exi­geait de l’Argentine de choi­sir entre deux catas­trophes : l’ajustement défla­tio­niste pour conti­nuer avec la conver­ti­bi­li­té peso-dol­lar ou la déva­lua­tion pour sor­tir de ce modèle. On ne par­lait jamais de la troi­sième option de sus­pen­sion du paie­ment de la dette et d’augmentation des impôts payés par les grands capi­ta­listes. A côté de ces simi­li­tudes, il existe néan­moins cer­taines dif­fé­rences entre les deux situa­tions. Alors qu’en Argen­tine, l’éclatement de la dette s’est pré­pa­ré pen­dant 4 ans en Grèce il y avait déjà eu un fort ajus­te­ment et une réces­sion au cours de la pre­mière année. Les chiffres de la dette, le défi­cit et les refi­nan­ce­ments sont bien supé­rieurs dans le second cas. Cer­tains ana­lystes ont cal­cu­lé que les coupes exi­gées à la Grèce sont 16 fois supé­rieures à ce qui avait été ten­té en Argen­tine. Alors que les créan­ciers de l’Argentine se répar­tis­saient entre un nombre impor­tant de déten­teurs de bons, ceux de la dette grecque se répar­tissent en un petit nombre de banques euro­péennes. C’est pour cette rai­son que le plan de sau­ve­tage est bien supé­rieur et que le FMI agit en étroite asso­cia­tion avec la Banque cen­trale européenne.
Il y a 10 ans la spé­cu­la­tion contre la mon­naie argen­tine avait des effets mar­gi­naux sur l’économie mon­diale. En revanche, le séisme de l’économie grecque exerce un effet direct sur un pilier du sys­tème moné­taire inter­na­tio­nal. Alors que la crise argen­tine dété­rio­rait un pro­jet régio­nal rela­ti­ve­ment secon­daire (comme l’était le MERCOSUR), la crise grecque sème le doute sur le futur de l’Union Euro­péenne qui a été un objec­tif capi­ta­liste de large portée.
Le contexte inter­na­tio­nal est éga­le­ment dif­fé­rent. L’éclatement argen­tin de 2001 a été sui­vi par 5 années de crois­sance alors que la réces­sion fait son appa­ri­tion en Grèce à un moment de crise finan­cière qui affecte très sévè­re­ment l’Europe. L’insertion inter­na­tio­nale de l’économie sud-amé­ri­caine en tant que grande expor­ta­trice d’aliments dif­fère de la place plus réduite occu­pée par la Grèce dans des acti­vi­tés cen­trées sur les ser­vices, le tou­risme et le trans­port maritime.

LES LEÇONS DE L’ARGENTINE

On sait que l’effondrement argen­tin s’est pro­duit lors de l’arrivée au gou­ver­ne­ment d’un pré­sident (De la Rúa) qui a par­lé de chan­ge­ments mais qui a main­te­nu la même poli­tique néo­li­bé­rale. Pour payer la dette il a obli­gé à la pour­suite de la conver­ti­bi­li­té qui a déclen­ché la fuite de capi­taux et l’effondrement des banques. La ten­ta­tive de frei­ner cet effon­dre­ment par l’expropriation des dépôts de la classe moyenne a pré­ci­pi­té la fin de la conver­ti­bi­li­té peso-dol­lar et une déva­lua­tion assor­tie d’une grande infla­tion qui a pré­ci­pi­té le défaut de paie­ment. Mais le plus impor­tant a été la réac­tion popu­laire. Cette action a com­plè­te­ment trans­for­mé le cours des choses. Dans un pays avec une forte tra­di­tion de luttes sociales on a assis­té à une rébel­lion mas­sive d’une ampleur inédite. Pen­dant des semaines, des piquets ont cou­pé les routes et les grèves ont para­ly­sé les villes. Une grande alliance sociale s’est for­mée dans les rues entre les chô­meurs et la classe moyenne sous le mot d’ordre com­mun « ¡Que se vayan todos ! » (Qu’ils s’en aillent tous !) et a impo­sé la chute du gou­ver­ne­ment. A par­tir de ce moment là on ne pou­vait plus igno­rer la voix du peuple. Ce sou­lè­ve­ment a condi­tion­né tous les pro­ces­sus pos­té­rieurs du pays.
On peut tirer trois grandes leçons de ce qui s’est pas­sé en Argen­tine. D’abord la pré­émi­nence des luttes géné­ra­li­sées et conti­nues a per­mis de limi­ter l’effet de l’ajustement. Grâce à ces mobi­li­sa­tions on a pu reve­nir au cours de la der­nière décen­nie sur une grande par­tie de la dété­rio­ra­tion sala­riale impo­sée par la crise. Le gou­ver­ne­ment a fait d’importantes conces­sions, la situa­tion de l’emploi s’est amé­lio­rée, la pau­vre­té a dimi­nué et les droits démo­cra­tiques ont aug­men­té significativement.
Deuxiè­me­ment, le défaut n’était pas volon­taire, orga­ni­sé ni pré­vu mais il a été oppor­tun pour le pays. Les repré­sen­tants des milieux finan­ciers disaient que l’isolement serait tra­gique mais c’est tout le contraire qui s’est pro­duit. La rup­ture des rela­tions finan­cières inter­na­tio­nales a don­né un grand bol d’air éco­no­mique. L’absence de paie­ments externes a par­ti­cu­liè­re­ment contri­bué à impul­ser la reprise interne.
Le défaut a faci­li­té la négo­cia­tion avec les créan­ciers confir­mant le fait que lorsqu’une dette est éle­vée c’est le pro­blème des ban­quiers. La décon­nexion vis-à-vis de l’international a de plus, appor­té une pro­tec­tion à l’économie argen­tine face à la crise glo­bale de 2008. Per­sonne n’a ain­si pu spé­cu­ler contre les titres ou la mon­naie d’un pays qui avait rom­pu ses liens avec la struc­ture finan­cière globale.
Troi­siè­me­ment, les limites de l’expérience argen­tine sont bien visibles. Le pays a connu une situa­tion d’effondrement pro­duc­tif qui aurait pu être évi­té en rai­son de la manière dont il a pré­sen­té la ces­sion de paie­ments. Cette mesure n’a pas été pré­mé­di­tée mais a été le résul­tat des pres­sions du mar­ché. Il en a été de même avec les ter­ribles effets infla­tion­nistes de la déva­lua­tion pro­duits par l’absence de contrôle de changes, par la tolé­rance à la fuite de capi­taux et par la renon­cia­tion à la natio­na­li­sa­tion du sys­tème ban­caire. On a pu véri­fier que ne pas entre­prendre ces actions à crée une situa­tion chao­tique autour du défaut.
L’Argentine n’a pas non plus pro­fi­té de la ces­sion de paie­ments pour inves­ti­guer et répu­dier la dette odieuse. Elle a choi­si la voie inter­mé­diaire d’un échange de titres anciens par de nou­veaux bons de la dette. Au lieu de rompre avec le FMI, elle l’a rem­bour­sé de manière anti­ci­pée. La ten­sion actuelle avec cet orga­nisme co-existe avec l’intention de rega­gner l’orbite du Fonds.
La dette publique a été réduite mais les paie­ments conti­nuent d’être supé­rieurs aux sommes des­ti­nées à la san­té et à l’éducation et une recherche nocive de cré­dits externe a com­men­cé alors que le pays est en mesure de s’autofinancer par l’épargne natio­nale. Le défaut n’a pas non plus été uti­li­sé pour intro­duire des poli­tiques popu­laires de rup­ture avec le néo­li­bé­ra­lisme. On a donc assis­té à la mise en place d’un modèle moins finan­cier et davan­tage indus­triel qui favo­rise prin­ci­pa­le­ment la classe capi­ta­liste locale.
Mais il a été démon­tré qu’il n’y a aucune néces­si­té d’obéir au FMI et que la poli­tique ortho­doxe de l’ajustement peut être reje­tée. Avec des solu­tions plus radi­cales, les résul­tats en matière d’emploi et de salaire seraient bien plus favo­rables pour le peuple.

COMPARAISONS REGIONALES

Ces conclu­sions peuvent être éten­dues à tous les pays de la péri­phé­rie euro­péenne qui subissent la même situa­tion que l’Amérique latine dans les années 1980 et 1990. Ces deux régions péri­phé­riques ont reçu de manière fort aiguë l’impact des crises capi­ta­listes. La dette a com­men­cé à s’envoler dans les deux zones avec des méca­nismes fort sem­blables. Il y a eu un excé­dent de liqui­di­tés dans les centres qui ont jugé oppor­tun de pla­cer ces liqui­di­tés dans les éco­no­mies dépen­dantes pour assu­rer des débou­chés à l’exportation aux firmes Nord-amé­ri­caines et des puis­sances euro­péennes. L’Amérique latine a ain­si été la réci­pien­daire des capi­taux sur­abon­dants des banques états-uniennes et a ache­té des pro­duits des entre­prises etats-uniennes. L’Europe du Sud a été inté­grée à l’Union conti­nen­tale pour se trans­for­mer en un client cap­tif des entre­prises alle­mandes ou françaises.
La crise a éga­le­ment entraî­né des méca­nismes d’ajustement simi­liaires. Les Etats prennent en charge l’insolvabilité des grands débi­teurs pri­vés tan­dis que les peuples en sup­portent les consé­quences pour assu­rer la sur­vie des grands créan­ciers. On oblige les petits pays comme l’Islande a payer le même tri­but aux banques étran­gères comme ça a été le cas en Amé­rique latine pour l’Uruguay, la Boli­vie ou l’Equateur. La chi­rur­gie que le FMI a appli­qué au Vene­zue­la ou au Pérou est aujourd’hui impo­sé aux éco­no­mies vul­né­rables du Por­tu­gal ou de l’Irlande. Dans toute l’Europe on assiste par ailleurs à la même com­pé­ti­tion livrée par des gou­ver­ne­ments conser­va­teurs ou socio démo­crates pour voir à qui détruit le plus rapi­de­ment les conquêtes sociales.
Le Nou­veau Conti­nent a subi plu­sieurs années d’inflation éle­vée alors qu’en Europe c’est une cou­pure défla­tion­niste très brusque qui est appli­quée. Les Etats-Unis diri­geaient la restruc­tu­ra­tion des éco­no­mies de la région avec une cer­taine dis­tance impé­riale mais l’Allemagne et la France ont moins de légi­ti­mi­té pour impo­ser la même poli­tique étant don­né que ces pays sont par­tie pre­nante au même pro­ces­sus d’intégration que les nations affec­tées par l’ajustement.
Etant don­né que l’Amérique latine a déjà subi une main basse sur ses banques, des fer­me­tures d’entreprises et une déva­lo­ri­sa­tion de sa force de tra­vail, elle fait face aujourd’hui à une conjonc­ture plus légère. En revanche, l’Europe se trouve au centre de la tem­pête finan­cière globale.
Ces dif­fé­rences dans la loca­li­sa­tion de la crise obéissent éga­le­ment au rôle joué par l’Amérique latine comme four­nis­seur de matières pre­mières. Les prix de ces pro­duits sont res­tés éle­vés du fait de la demande chi­noise conti­nuelle. Au lieu de suivre la voie de l’industrialisation asia­tique, la région exporte miné­raux, ali­ments, éner­gie et aug­mente sa vul­né­ra­bi­li­té. Néan­moins dans la conjonc­ture actuelle elle béné­fi­cie d’un bol d’air dont l’Europe du Sud ne dis­pose pas.

RESISTANCES ET PROGRAMMES

Les deux régions font face – avec dif­fé­rents rythmes et conjonc­tures – au même ennemi,le FMI. Il y a un an, on disait que le FMI avait per­du son pres­tige, qu’il n’aurait plus un rôle cen­tral et qu’il serait réfor­mé pour appli­quer des poli­tiques plus tolé­rables. Mais c’est le contraire qui s’est pro­duit. Le G20 a réani­mé le FMI et c’est aujourd’hui le même FMI qui règne avec les mêmes ajus­te­ments que par le passé.
Dans cette action, les repré­sen­tants finan­ciers externes agissent de concert avec les classes domi­nantes locales comme le démontre la par­ti­ci­pa­tion des gou­ver­ne­ments du Mexique, du Bré­sil, de l’Argentine au G20. Au lieu de pro­mou­voir le rem­pla­ce­ment du FMI par un nou­veau sys­tème finan­cier mon­dial, ils cherchent à obte­nir une meilleure repré­sen­ta­tion dans la direc­tion du Fonds et main­tiennent une illu­sion quant à une réforme de cette ins­ti­tu­tion. La conti­nui­té des poli­tiques d’ajustement se véri­fie tout par­ti­cu­liè­re­ment au Mexique et en Amé­rique cen­trale où le FMI conti­nue d’imposer des trai­tés de libre-échange et des poli­tiques de militarisation.
Les prin­ci­paux foyers de résis­tance se trouvent en Amé­rique du Sud et les attaques néo­li­bé­rales ont été frei­nées en Boli­vie, en Equa­teur et au Vene­zue­la. Ce sont non seule­ment plu­sieurs coups d’Etat qui ont avor­té mais éga­le­ment le fait que les gou­ver­ne­ments pro­gres­sistes en conflit avec les classes domi­nantes mobi­lisent les masses popu­laires et pro­posent une cer­taine redis­tri­bu­tion du revenu.
Les expé­riences lati­noa­mé­ri­caines sont impor­tantes pour le mou­ve­ment social euro­péen du fait des pro­po­si­tions qu’elles ont inté­gré à l’agenda de la résis­tance contre le FMI. Dans le Nou­veau Monde on a beau­coup dis­cu­té com­ment sus­pendre les paie­ments de la dette et dans plu­sieurs pays il y a eu des mora­toires. Comme ces mesures ont été tran­si­toires, elles n’ont pas réus­si à don­ner nais­sance à une alternative.
Dans plu­sieurs cas on a éga­le­ment consi­dé­ré l’investigation de la dette et en Equa­teur a été mise sur pied une Com­mis­sion d’audit qui a mon­tré le carac­tère illé­gi­time à plus d’un titre de par­ties de la dette. Cette mise en lumière n’a cepen­dant pas eu de tra­duc­tion directe dans la rené­go­cia­tion des contrats. On a éga­le­ment éva­lué dans la région la néces­si­té de natio­na­li­ser les banques et cer­taines expé­riences en ce sens ont eu lieu au Vene­zue­la. Cepen­dant le paie­ment d’indemnités donne lieu à de fortes incon­nues quant au résul­tat final de ces trans­ferts. Au point culmi­nant de la crise, on a éga­le­ment ana­ly­sé la pos­si­bi­li­té de for­mer un « Club de débi­teurs » pour la coor­di­na­tion d’actions com­munes face aux créan­ciers et à leur repré­sen­tant au FMI. Cette ini­tia­tive ne s’est fina­le­ment pas concré­ti­sée et chaque pays a conti­nué à négo­cier pour son compte.
D’autres résul­tats sont res­sor­tis de cette mul­ti­pli­ci­té de pro­po­si­tions. Les pre­miers pas pour créer une banque du Sud consti­tuent un exemple de ces effets. La bour­geoi­sie bré­si­lienne qui ne sou­haite pas par­ta­ger sa pri­mau­té finan­cière dans la région s’oppose à cette ini­tia­tive. Mais le pro­jet se main­tien et devrait per­mettre la for­ma­tion d’un fonds de sta­bi­li­sa­tion finan­cière et d’une éven­tuelle mon­naie de la région. Avec la crise de la dette en Europe, toutes ces idées recouvrent de leur actua­li­té et peuvent s’avérer déci­sives pour la Grèce.

PROJET ANTICAPITALISTE

Le pro­blème de la dette a actuel­le­ment une dimen­sion mon­diale. Pour la pre­mière fois, elle affecte signi­fi­ca­ti­ve­ment les éco­no­mies déve­lop­pées étant don­né que le sau­ve­tage des banques a fait grim­per la dette publique amé­ri­caine à des som­mets jamais atteints aupa­ra­vant. L’endettement public du Japon a éga­le­ment atteint un point ingé­rable et le défi­cit fis­cal des prin­ci­pales puis­sances euro­péennes dépasse le dés­équi­libre de bien des pays du Tiers Monde. Dans les pays du Centre, on jette la faute sur les pauvres en oubliant que contrac­ter des hypo­thèques et s’endetter a été la seule res­source dont dis­po­saient les tra­vailleurs pour s’en sor­tir. Le sau­ve­tage des banques des pays du Nord est dou­ble­ment scan­da­leux car ces enti­tés ont éga­le­ment pro­vo­qué une conta­mi­na­tion inter­na­tio­nale de bons toxiques. Le carac­tère glo­bal de l’économie explique la dimen­sion éga­le­ment mon­diale de la crise actuelle. Plu­sieurs pays sont concer­nés par l’endettement au fur et à mesure que les effets de la crise se déplacent d’une région à l’autre.
C’est pour cette rai­son que la bataille immé­diate contre le néo­li­bé­ra­lisme est une lutte pour éra­di­quer le capi­ta­lisme et avan­cer vers le socia­lisme. On com­mence à entre­voir cer­tains signes encou­ra­geants en Amé­rique du Sud. La Boli­vie a récem­ment orga­ni­sé un som­met cli­ma­tique pour dénon­cer le carac­tère capi­ta­liste des dés­équi­libres éco­lo­giques de la pla­nète. Au Vene­zue­la, les dis­cus­sions sur les formes de contrôle ouvrier et social dans les usines et les villes se mul­ti­plient. A Cuba on débat sur la manière de réno­ver le socia­lisme avec plus de démo­cra­tie et sans perdre ce qui avait été conquis.
La créa­tion de l’ALBA (Alter­na­tive boli­va­rienne pour les Amé­riques) pour­rait contri­buer à ces objec­tifs dans la mesure où elle pro­meut des modèles de coopé­ra­tion et de soli­da­ri­té anti-impé­ria­listes. Cepen­dant, le grand défi est de dépas­ser le régio­na­lisme et de récu­pé­rer l’internationalisme. Par­ve­nir à une coor­di­na­tion anti­ca­pi­ta­liste de l’Europe et de l’Amérique latine pour par­ta­ger luttes et expé­riences est le grand défi du moment.

Publié par le CADTM http://www.cadtm.org/Grece-2010-Argentine-2001

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