Ciné-club : “Revolutionary Road”
jeudi 17 janvier à 19:30
Acrata / Bibliothèque anarchiste,
Rue de la Grande Île, 32
1000 Bruxelles
Voilà un film qui soulève un peu de réflexion et suffisamment de haine pour vouloir mettre en pièces d’un seul coup le RÊVE AMÉRICAIN : cette opulente désolation d’une vie de famille bien rangée et monotone en banlieue résidentielle. Véritable cauchemar dont l’anéantissement ne serait pas si urgent s’il ne persistait à ravir le sommeil de tant de nos contemporains jusqu’à aujourd’hui.
C’est l’histoire de deux êtres déchirés par une aspiration impossible à combler dans le « vide désespérant » de leur vie quotidienne. Le vide des rôles sociaux, cette façon de modeler ses attitudes existentielles sur les normes de l’organisation sociale, et qui nous rend étrangers à nos propres désirs. Le vide du paraître, qui nous fait vivre dans l’idée des autres, sur le plan de l’apparence, et selon les images stéréotypées que la publicité trace de nous-mêmes. Le vide de la séparation, car les circuits de la vie courante — de l’automobile à la télévision, du domicile au bureau, de l’autoroute aux vacances — toujours identiques, organisent l’isolement de tous.
Quelque part conscient de tout cela, IL mettra pourtant ses rêves de côté, au premier prétexte venu — la promotion, l’argent, l’amour des enfants -, avec une amère facilité qu’on ne connait que trop bien. Bientôt rattrapé par le quotidien, le dernier éclat de vie s’efface dans la soumission joyeuse au pouvoir. Et les talents qu’il déployait à rompre l’ennui du travail, une fois reconnus et homologués, serviront à habiller de couleurs neuves et séduisantes les vieux rapports d’exploitation.
Impossible pour ELLE de renoncer (à vivre intensément) sans perdre la « raison » ou la vie. La folie est alors une catégorie commode pour ranger et tenir à l’écart les individus que le pouvoir ne peut gouverner, les inadaptés qui se moquent des rôles ou les refusent. D’où le rôle de la psychiatrie, de faire accepter aux gens une société qui les rend malades.
Quelques années plus tard (le livre sort en 1961), le monde de la survie n’étant plus perçu comme une fatalité par tout le monde, il se trouva des gens pour entreprendre une révolution de la vie quotidienne. D’ailleurs Revolutionary Road nous intéresse moins pour ce que l’auteur y exprime de critiques inabouties, et davantage pour ce que son oeuvre laisse poindre et qui lui échappe.
Fiction de Sam Mendes (2008, 1h 59min).