Le cinéma d’Attac présente deux reportages sensationnels sur
L’INSURRECTION TUNISIENNE
« LE COMBAT DE LA DIGNITÉ » et
« LA BATAILLE DE KASSERINE »
Dès 20 heures 30 précises, LE GRAND DÉBAT :
« ALORS, COMMENT VA LA RÉVOLUTION…?»
avec notamment,
Selma BENKHELIFA, avocate belgo-tunisienne
et le juriste Raphaël EL GHRAIBI de retour de Tunis
QUAND LA BELGIQUE SE FROTTAIT LES MAINS…
On est en octobre 2004 à Tunis. Philippe de Belgique, bon prince, a accepté d’être à la tête d’une mission d’hommes d’affaires affairés. Pour l’ensemble des médias, ce déplacement intéressé s’inscrit dans le cadre des « relations traditionnelles d’amitié et de coopération établies » entre les deux Etats. La Belgique, il est vrai, est une puissance commerciale bien implantée dans la région. Au palmarès des « opportunités » d’exploitation salariale offertes aux entreprises étrangères par le gouvernement Ben Ali, notre petit pays se classe à la quatrième place. Ce n’est pas rien. 224 entreprises belges (majoritairement dans les secteurs du textile et de l’habillement, les industries électriques, électroniques, agroalimentaires, cuir et chaussures) y sont établies.
Mai 2009. Kamel Morjane, le ministre tunisien de la Défense, et Pieter De Crem (son homologue belge) procèdent à la signature d’un avantageux partenariat : développer la coopération bilatérale militaire et lui donner une nouvelle impulsion –en terme d’échange d’expertises– entre… « amis fiables », selon l’expression enjouée du ministre De Crem.
Avril 2010. Le vice-Premier ministre Didier Reynders, en visite de travail, explique ses conceptions de l’économie solidaire à Mohamed Ridha Chalghoum, le ministre des Finances. Ça tombe bien. Ce dernier est d’accord : son gouvernement vient justement d’encore accroître les avantages qu’accorde la législation pour encourager l’investissement et anémier les procédures administratives relatives au commerce international.
Mi-avril 2010. Guy Spitaels, le Président d’honneur de l’Internationale Socialiste, revient d’un séjour privé dans le sud-ouest tunisien. Qui lui a permis de s’entretenir avec le Secrétaire général du Rassemblement Constitutionnel Démocratique, le parti de Zine El Abidine Ben Ali : « Je pense que la coopération entre la Tunisie et l’Union européenne traverse actuellement une période des plus fructueuses, commente Spitaels. A certains égards, la Tunisie présente de meilleurs atouts que le Maroc. Il suffit pour cela d’évoquer le niveau d’instruction ou de santé où la Tunisie affiche un progrès spectaculaire.
Quant à l’aspect politique, il ne représente pas, à mon avis, un handicap, étant donné que le régime tunisien dispose d’un grand parti politique de masse qui encadre la société et que nous nous trouvons dans une meilleure situation par rapport aux régimes militaires»…
SOCIAL LIBÉRALISME. Quinze jours après ces propos fort socialistes naît « le Groupe des Amis de la Tunisie ». Louis Michel explique que c’est sa rencontre avec Kamel Morjane, alors et toujours ministre tunisien des Affaires étrangères, qui l’a conduit à en accepter la présidence. Si l’on se réfère au discours prononcé le 13 mai 2010 par L. Michel, devant le Parlement européen, le droit-de‑l’hommiste libéral se serait uniquement contenter ce jour-là de convaincre son auditoire. En défendant « objectivement » le bilan social du gouvernement tunisien : « Notamment la capacité de la puissance publique tunisienne d’offrir un ensemble de services de base à sa population. On peut faire un bilan honnête sans sombrer dans cette forme d’acharnement moralisateur dont l’Europe a le secret. C’est souvent contre-productif ».
Evidemment, les relations bilatérales entre la Belgique et la Tunisie sont très anciennes. En effet, le texte fondateur de ces relations est le Traité d’Amitié, de Commerce et de Navigation conclu en 1839 entre Léopold 1er, roi des Belges, et Ahmed Pacha Bey, souverain du Royaume de Tunis. Mais depuis les années 1960, les accords commerciaux sont devenus dithyrambiques. Et, de plus en plus, inégalitaires. Car plusieurs firmes belges ont superbement réussi à se faire là-bas une place au soleil. Notamment le secteur du textile (majoritairement flamand) qui pèse le plus lourd –soit 250 millions d’euros. Historiquement, c’est d’ailleurs vers la Tunisie que des firmes telles que Van De Velde, Heytens ou Sioen (pour ne citer que les plus connues) ont jadis délocalisé tout ou partie de leur production afin de rester « compétitives ». Pour ce faire, la classe compradore tunisienne aura toujours su opportunément réagir –grâce à un régime d’impositions très attractif, en l’occurrence une exonération fiscale des bénéfices tirés de l’exportation pendant 10 années…
Dans cet environnement prometteur, le directeur du FMI Dominique Strauss Kahn (qui lors de sa visite à Tunis, le 18 novembre 2008, a été décoré par Ben Ali au titre de « Grand officier de l’ordre de la République ») peut donc confirmer publiquement : la politique économique menée par « la Tunisie est saine ». Plus explicitement, la Tunisie continuera d’offrir des pans entiers de son économie aux appétits du capital national et étranger via les privatisations –ce qui vaut décoration puisque « le jugement du FMI à l’égard de la Tunisie est très positif ». La Tunisie de Ben Ali, un vrai paradis pour les investisseurs ? Même un vorace comme Roberto Zuccato, le président de la Confédération patronale de la province italienne de Vicenza n’avait pas honte de le déclamer : « La Tunisie offre l’un des meilleurs environnements pour faire des affaires »
Sans parler de la France (présente dans tous les secteurs bons à dilapider), la Grande Bretagne est le premier investisseur dans le segment hautement capitalistique des hydrocarbures, l’Espagne et l’Italie étant également bien positionnées (sans parler de l’Allemagne).
DETTE ODIEUSE. Comme tous les dictateurs soutenus par l’Occident, Ben Ali et son clan se sont bien sûr enrichis considérablement. Ainsi Ben Ali a, le 17 janvier, vidé ses comptes en Suisse (ce qui repose, une nouvelle fois, la responsabilité des institutions bancaires). Qui plus est Ben Ali a fui avec 1,5 tonne d’or –ce qui représenterait, selon les cours du marché, pas moins de 45 millions d’euros. Qui plus est. Selon différentes sources, l’ancien président posséderait un immeuble à Paris estimé à 37 millions d’euros ainsi que des avoirs dans plusieurs banques françaises. La famille de la femme de Ben Ali, la famille Trabelsi, détiendrait, quant à elle, plusieurs millions d’euros sur des comptes bancaires français, des appartements et des propriétés à Paris et en région parisienne, un chalet à Courchevel et des propriétés sur la Côte d’Azur. Cela concerne uniquement la France ; or il est très probable que le clan Ben Ali a des avoirs dans d’autres pays (notamment en Belgique) et certainement dans des paradis fiscaux.
Evidemment, évidemment. Après avoir cautionné le système « Ben Ali » en fermant les yeux sur son régime, les médias occidentaux n’hésitent plus désormais à parler de dictature et de régime corrompu. Pour autant, on n’entend jamais évoquer le nom des corrupteurs. Il ne saurait pourtant y avoir de corrompus sans corrupteurs.
En attendant de récupérer ces sommes, le nouveau gouvernement installé à Tunis devrait répudier la dette odieuse contractée entre le 7 novembre 1987 et le 14 janvier 2011. Mais les marchés financiers et les différents créanciers le laisseront-ils faire ? Car la dette interne représente 65% du PIB (43,6 milliards d’euros) et l’endettement externe 10,5 milliards. Il faut dire que –de 1990 à 2008– le service de la dette a englouti 18,5 milliards d’euros. Cependant, malgré cette hémorragie, l’encours de la dette a été multiplié par 3,7 au cours de cette même période, et par plus de 17 depuis 1980.
Néanmoins, comme la Tunisie sort directement de la dictature, une fois le nouveau gouvernement démocratique en place, celui-ci a toute légitimité pour déclarer directement la répudiation de toute la dette contractée depuis le putsch de Ben Ali. Un acte unilatéral souverain de répudiation s’appuyant sur le droit international et la doctrine de la dette odieuse suffit. Cette doctrine élaborée en 1927 stipule, en effet : « Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier (…). Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir ».
Question : « Les marchés financiers et les différents créanciers laisseront-ils faire ?».
Cinéma ARENBERG
26 Galerie de la Reine
France 2010 Durée 70 minutes
Prix d’entrée 6,6 euros
y compris pour le débat (sauf les Article 27)
ATTAC-Bruxelles 1
16 avenue Nouvelle, 1040 Bruxelles
http://bxl.attac.be