LA ROSE POURPRE DE TUNIS (Intervention et rencontre)
15h Théâtre poème 2. Rue d’Ecosse 30 — 1060 Bruxelles
Le film de Bernard Mulliez, « Le Barbier de Tunis », est conçu à partir d’éléments d’une recherche d’anthropologie politique, que j’ai commencé à reprendre deux mois après « la chute du dictateur » plus de dix ans après mes premières recherches, et menée à tâtons jusqu’à ce jour comme un aveugle explore de ses doigts un visage connu mais changé comme il a changé lui-même. C’est un peu à la manière du héros « plus vrai que vrai » de Woody Allen qu’une force irrépressible m’a fait sortir de ce film dont je suis un personnage. Je n’ai fait que suivre l’appel d’un autre de ces personnage, l’artiste tunisien Angoor, qui en cours de montage a tenté de s’immoler par le feu, et que j’ai vu soudain sortir de l’écran en me criant qu’il n’était pas une image mais un jeune homme en danger.
La « Révolution tunisienne » fut en fait un soulèvement populaire massif péniblement capté par les élites néolibérales jusque là tenues en laisse par la famille régnante (il fallut s’y reprendre à plusieurs fois), processus à peine perturbé par l’intrusion sur le devant de la scène électorale des outsiders d’un parti islamique croupion ne désirant qu’être admis au banquet de la bonne société suçant le sang de la population depuis l’Indépendance en partenariat étroit avec l’oligarchie française avec laquelle elle se confond bien souvent.
Les images ont joué un grand rôle pour effacer les classes oppressées (et toute pensée révolutionnaire) qui ont permis la chute de Ben Ali (car le Régime est toujours là) au profit d’une petite-bourgeoisie « bien de chez nous », souvent chez nous, (et qui cache la grande) prenant la pause à grand renfort de selfies (qui peuvent être des films bien subventionnés), dans laquelle nombre de militants, d’artistes etc. de l’autre rive ont pu se mirer romantiquement pour poser à leur tour en combattants de la liberté jaillis tout droit de l’iconographie de ce que certains osent encore appeler « la gauche » aujourd’hui.
Alors que les élites néolibérales « révolutionnent » l’Europe, en Grèce comme partout, il est prudent de sortir du film dont le Happy End s’écrit en lettres de sang, en plongeant dans le miroir en abyme tunisien. En espérant en ressortir.