Formation au Langage Cinématographique avec Thierry Odeyn

26.03 2016 /
11h Théâtre Poème 2. Rue d'Ecosse 30 - 1060 Bruxelles
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Same­di 26 Mars 2016 à 11h00 au Théâtre Poème 2

30, Rue d’Ecosse

1060 Bruxelles

ACCES : HOTEL DES MONNAIES (Métro Ligne 2 et 6), PARVIS DE ST-GILLES (Trams 3, 4 et 51, Bus 48), STEPHANIE/LOUISE (Trams 92 et 94) 

PAF : 5€ — 3,5€ dem. d’emploi et étu­diants — 1,5€ Article27

Orga­ni­sé par l’as­bl cine­dit qui s’est vu lar­ge­ment ampu­té de ses sub­sides pour cette nou­velle année, veuillez trou­ver ici le lien vers la péti­tion que vous pou­vez signer et par­ta­ger si vous sou­hai­tez les soutenir 

Texte intro­duc­tif à la séance que Thier­ry Odeyn consa­cre­ra à Luis Bunuel et son film “Las Hurdes”.

« Avant de pro­je­ter devant vous le film qui est l’objet de cette réunion, je vou­drais dire quelques mots d’explication sur cer­tains aspects du pays que vous allez visi­ter et qui soit ne sont pas dans le film, soit n’y sont que som­mai­re­ment indiqués.

Mon inten­tion, en réalisant cette œuvre, fut de trans­crire les faits que m’offrait la réalité, sans essayer de les interpréter, et encore moins d’inventer. Si j’ai été avec mes amis dans cet incroyable pays, c’est que j’étais attiré par son intense force dra­ma­tique, par sa ter­rible poésie.

Je savais que depuis des siècles, des êtres humains lut­taient dans cette région contre un milieu natu­rel hos­tile et qu’ils le fai­saient sans espoir de par­ve­nir à le vaincre.

Et cepen­dant le cli­mat y est doux, l’eau abon­dante, la végétation s’étend par­tout. Mais le cli­mat, l’eau, la végétation, la terre semblent vou­loir étrangler la vie humaine au lieu de la favo­ri­ser. S’il y a des abeilles qui font du miel, celui-ci est imman­geable, car il est amer. Si les eaux sont pures, elles servent en revanche de ber­ceau au ter­rible mous­tique anophèle. Tous les habi­tants de la région souffrent du paludisme.

Énon­çons le nom de ce pays. Il s’appelle Las Hurdes et se trouve à l’ouest de l’Espagne, tout près de la frontière portugaise.

Ain­si, ce qui caractérise Las Hurdes comme exemple unique de la société humaine, ce n’est pas la misère. Ce n’est pas la dou­leur, mais la nature perpétuelle de cette douleur.

Les habi­tants de Las Hurdes ont les mêmes prin­cipes moraux et reli­gieux que nous, ils possèdent notre langue. Ils ont les mêmes besoins que nous, mais les moyens qu’ils ont de les satis­faire sont sous cer­tains aspects qua­si­ment néolithiques… » (Luis BUÑUEL 1934)

« Pour moi, par­mi les trois pre­miers films de BUÑUEL — Un chien Anda­lou (1928), L’Âge d’or (1930), Las Hurdes (1933) — le vrai film surréaliste est Las Hurdes : le réalisme d’abord, puis le surréalisme – un réalisme poussé à l’extrême.

Ce qui m’a tou­jours frappé, chez lui, c’est la volonté d’aller jusqu’au bout du réalisme, avec un regard d’observateur des mœurs – dans leur cruauté mais aus­si leur natu­rel – qui ne porte aucun juge­ment moral. Le côté poli­tique chez BUÑUEL va au-delà de l’intention poli­tique : il a d’emblée la volonté de mon­trer le monde sans aucune conces­sion, d’un point de vue scien­ti­fique, avec un regard qui se contente d’observer la scène.

On ver­ra qu’évidemment, la misère écrasante ne peut qu’accentuer l’extrême iro­nie qui caractérise le regard de BUÑUEL. Il est avant tout d’une extrême vio­lence, d’abord parce que son objet l’est aussi.

A soixante-dix ans de dis­tance, le film a conservé une force extraordinaire.

« BUÑUEL est non seule­ment un cinéaste pas­sion­nant, mais encore indis­pen­sable aujourd’hui, compte tenu des ten­dances à développer et à impo­ser l’idée de reli­gion et de Dieu ».

Je pense que le génie de BUÑUEL, c’est l’ironie. Ils sont peu nom­breux, les grands iro­nistes, ceux qui attaquent à par­tir d’un dis­cours qui, lui, est d’une sim­pli­cité totale. Il y a mille et une façons de tra­vailler le registre iro­nique. On peut para­phra­ser ain­si l’attitude iro­nique : « Je suis cou­pable puisqu’on m’attaque. Je ne suis pas dans le dis­cours nor­mal puisqu’on m’attaque. Donc, je vais ren­voyer aux autres leur dis­cours, comme un bou­clier ren­voie le soleil ; Je vais tuer les autres par leur propre discours ».

C’est la grande force de l’ironie, qui est le contraire de l’humour. Chez BUÑUEL, il n’y a, pour ain­si dire, pas d’humour : il n’y a que de l’ironie.
Las Hurdes est un des plus beaux films iro­niques que l’on puisse voir.

L’ironie, nous oblige à regar­der les choses froi­de­ment, abso­lu­ment sans aucune pos­si­bi­lité de pitié. Vous n’avez pas droit à la pitié chez BUÑUEL, pour qui la cruauté fait par­tie de ce qui consti­tue véritablement le monde et ses rapports.

BUÑUEL est non seule­ment un cinéaste pas­sion­nant, mais encore indis­pen­sable, aujourd’hui, en 2007, compte tenu des ten­dances à développer et à impo­ser l’idée de reli­gion et de Dieu. BUÑUEL, pour moi, est un athée abso­lu. Avec lui, on ne peut être humain qui si l’on accepte tota­le­ment son sort d’humain et qu’on refuse de le remettre dans les mains d’un Dieu ou d’une reli­gion. L’ironie, c’est dire : « Je vous montre, et main­te­nant, com­pre­nez ! Com­pre­nez que vous êtes seul comme le scor­pion ! « Et c’est tout…(…) »
(Jean DOUCHET, extraits de la conférence sur les trois pre­miers films de Luis BUÑUEL, février 2007)

Seront projetés :

- Un chien Anda­lou (Luis BUÑUEL) 1928

- Las Hurdes (Luis BUÑUEL) 1933

- Arrêt sur Images, spécial Las Hurdes, 1er mars 1996…

Docu­ment conseillé :
 — Las Hurdes (Terre sans pain) Cof­fret DVD Scérén — Ser­vices cultures éditions res­sources pour l’éducation natio­nale – CRDP – Académie de Lyon