Formation au Langage Cinématographique avec Thierry Odeyn

04.04 2015 /
11h Cinéma NOVA. Rue d'Arenberg 3, 1000 Bruxelles

Formation au langage cinématographique

SAMEDI 4 AVRIL — 11h00 — Ciné­ma NOVA

Rue d’A­ren­berg 3, 1000 Bruxelles

Ana­ly­ser un film, c’est non seule­ment inter­ro­ger une conti­nui­té cohé­rente d’images et de sons géné­ra­trice de sens : que me dit-on ? Mais c’est aus­si inter­ro­ger les moyens uti­li­sés par le cinéaste pour la pro­duire : com­ment me le dit-on ? 

Au cours de ses années d’enseignement, Thier­ry Odeyn (pro­fes­seur de réa­li­sa­tion et d’analyse à l’Insas et à l’Ihecs) a “inven­té” une exi­gence du regard, une approche du réel lon­gue­ment réflé­chie qui a déjà for­mé plu­sieurs géné­ra­tions de cinéastes aux­quels il a incul­qué le désir de témoi­gner du monde. Sa démarche péda­go­gique est essen­tiel­le­ment basée sur l’apprentissage du regard, hors de toute conven­tion, de tout aca­dé­misme. Il faut, au préa­lable, se consti­tuer les fon­de­ments d’une mémoire ciné­ma­to­gra­phique, d’un héri­tage de réfé­rences et de réflexions qui per­met­tront ensuite aux futurs cinéastes et spec­ta­teurs d’inscrire leur propre démarche dans le pro­lon­ge­ment de celles de leurs aînés.

En alter­nant théo­rie et extraits de films, Thier­ry Odeyn pour­suit, au Ciné­ma Nova le cycle de modules de for­ma­tion enta­mé la sai­son dernière.

5 nou­veaux modules seront pro­po­sés cette sai­son, tou­jours le same­di matin de 11h à 13h30.

Chaque module peut-être vu indé­pen­dament des autres, il n’est pas indis­pen­sable d’a­voir assis­té aux séances précédentes.


N’ou­blions pas que dans cer­taines situa­tions dont l’his­toire regorge, les illu­sions peuvent être très pro­pices à la pro­duc­tion artis­tique : qu’il s’a­gisse d’illu­sions sociales, poli­tiques ou autres. Je pense que cela s’ap­plique fort bien au chefs de file du ciné­ma sovié­tique des années 20. (A.KOZLOV, Historien)

Ins­crip­tions : info@cinedit.be ou 02/511 65 15

Une acti­vi­té pro­po­sée par Aren­berg Ciné­mas Nomades (ciné­dit asbl) en par­te­na­riat avec le Ciné­ma Nova.

PAF : 5 € (étu­dants — chô­meurs : 3,5 €)


Séance du 4 avril 2015

Le cui­ras­sé Potem­kine de Ser­gueï Mikhai­lo­vich Eisenstein 

– deuxième leçon

« Le cui­ras­sé Potem­kine et, à tra­vers lui, la Révo­lu­tion de 17 figurent aujourd’hui moins un modèle his­to­rique qu’une sorte de réser­voir de signes dans lequel s’inscrit, au delà de l’idéologie, « l’idée », fina­le­ment épu­rée jusqu’à l’esthétique, de la Révo­lu­tion. L’histoire aus­si se bâtit sur des « signes ». Les tou­ristes se pressent au pied de l’escalier d’Odessa où il n’y eût jamais de mas­sacre sinon dans l’imagination du met­teur en scène exci­tée par l’envolée et le rythme du monu­ment » (Jean-Paul Török)


LE MONTAGE

L’âge d’or du Ciné­ma Soviétique

« Telle que nous la conce­vons, l’œuvre d’art est avant tout un trac­teur qui laboure à fond le psy­chisme du spec­ta­teur, dans une orien­ta­tion de classe donnée.

Les pro­duc­tions des KINOKS ne pos­sèdent pas une sem­blable pro­prié­té ni une sem­blable orien­ta­tion, et je pense que cela est la consé­quence de cette belle trou­vaille — pas trop en har­mo­nie avec l’époque ou nous vivons — de leurs auteurs : nier l’art au lieu d’en com­prendre, sinon l’essence maté­ria­liste, du moins ce qui en est la vali­di­té, tou­jours maté­ria­liste, sur le plan utilitaire »

(S.M.EISENTEIN)

Séance 4 : CINE-POING contre CINE-ŒIL 

En 1924, le Conseil des Com­mis­saires du Peuple concré­tise le pro­jet d’unification de l’industrie ciné­ma­to­gra­phique en fon­dant le SOVKINO.

Il donne à cet orga­nisme d’Etat les moyens maté­riels et finan­ciers néces­saires pour coor­don­ner et pla­ni­fier la pro­duc­tion. En à peine deux ans, cette mesure va faire du ciné­ma sovié­tique nais­sant un des plus nova­teurs de la scène inter­na­tio­nale. Les pre­miers films pro­duits sont tour­nés par des cinéastes qui n’ont pas trente ans.

Lorsque KOULECHOV réa­lise « Les aven­tures extra­or­di­naires de Mis­ter West au pays des Bol­che­viks », il a 25 ans. Ver­tov en a 28 quand il monte « Kino­glaz » et EINSENSTEIN, 26 lorsque sort « La Grève » qui crée un évé­ne­ment énorme dans la ciné­ma­to­gra­phie soviétique.

« Nous avons por­té sur l’écran l’action de brasse col­lec­tive en contraste avec l’individualisme et le « tri­angle » du ciné­ma bour­geois. Rom­pant avec la concep­tion indi­vi­dua­liste du héros, nos films de cette époque sont tom­bés dans une dévia­tion en insis­tant sur la masse prise comme héros. Aucun écran n’avait encore réflé­chi l’image d’une action col­lec­tive. Enfin la concep­tion de la « col­lec­ti­vi­té » était visua­li­sée » (S.M. EISENSTEIN 1934)

«…Les écrans de l’Union sovié­tique n’ont jamais vu de films plus impor­tants, ni par sa signi­fi­ca­tion idéo­lo­gique, ni par ses qua­li­tés for­melles… » (Kino-Gazetz, mars 1925)

VERTOV évoque des « emprunts »

« Les groupes oppor­tu­nistes calquent nos pro­cé­dés et les trans­fèrent dans le drame artis­tique (…) Désor­mais, il suf­fit qu’un film dit « artis­tique » — film joué, film d’acteurs — emprunte un seul pro­cé­dé exté­rieur du CINE-ŒIL pour qu’il fasse aus­si du bruit – LaGrève — dans ce domaine du ciné­ma » (VERTOV)

EISENSTEIN contre attaque avec viru­lence dans la revue La Lef.

« La Grève ne déve­loppe pas les méthodes de la KINOPRAVDA et ce n’est pas une ten­ta­tive de greffe de cer­taines méthodes de construc­tion de la KINOPRAVDA dans le ciné­ma d’art (…)

On peut trou­ver, dans la forme exté­rieure, une cer­taine res­sem­blance dans sa par­tie la plus essen­tielle par contre – dans la méthode for­melle de construc­tion – La Grève s’avère être l’exact oppo­sé du Kinoglaz.

Dire avant tout que la Grève ne pré­tend pas sor­tir de l’art et que là est sa force (…)

A tra­vers le mon­tage, opé­ré sans cal­cu­ler les effets, de frag­ments de vie authen­tique, VERTOV a tis­sé la trame d’un tableau poin­tilliste. (…) Ver­tov prend du monde qui l’entoure ce qui l’impressionne, lui, et non ce par quoi, en impres­sion­nant le spec­ta­teur, il laboure à fond son psy­chisme (…) Au contraire, La Grève arrache des frag­ments du milieu ambiant, selon un cal­cul conscient et volon­taire pré­con­çu pour conqué­rir le spec­ta­teur après avoir déchaî­né sur lui ces argu­ments en une confron­ta­tion appro­priée, en l’associant de manière appro­priée au motif idéal final(…)

La finale de La Grève pro­pose un mon­tage libre d’attractions arbi­trai­re­ment choi­sies, indé­pen­dantes de l’action pro­pre­ment dite, le tout concou­rant à éta­blir un effet thé­ma­tique final. (…) Le Kino­glaz n’est pas seule­ment le sym­bole d’une vision, mais aus­si d’une contem­pla­tion. Mais nous ne devons pas contem­pler, mais agir. Il ne nous faut pas un CINE-ŒIL mais un CINE-POING.

Le ciné­ma sovié­tique doit fendre des crânes »

Seront pro­je­tés des extraits de « Le Jour­nal de Glou­mov » 1923 S.M. EISENSTEIN –

« La Grève » 1924 S.M. EISENSTEIN — « Nanook of the North » 1922 R. FLAHERTY –

« Kino Glaz 1924 D. VERTOV.