Formation au Langage Cinématographique par Thierry Odeyn

12.04 2014 /
11h>13h30 Cinéma NOVA 3, rue d'Arenberg à 1000 Bruxelles

Cette séance sera prin­ci­pa­le­ment consa­crée à l’analyse d’œuvres de VERTOV réa­li­sées entre 1919 et 1925

La pro­chaine séance aura lieu le same­di 31 Mai 2014 à 11h00 au même endroit.

LE MONTAGE L’âge d’or du ciné­ma sovié­tique — séance 2

La pro­duc­tion de films nou­veaux doit com­men­cer par les actualités
« Dans les pre­mières années, pen­dant la guerre civile, nous nous sommes trou­vés dans des condi­tions de tra­vail extrê­me­ment pé­nibles. Nous fil­mions sur de la mau­vaise pel­li­cule qua­si­ment sans appa­reillage ni labo­ra­toire (…) Mais si toutes nos forces avaient été mobi­li­sées à fond pour fil­mer cette guerre, on n’au­rait peut-être pas aujourd’­hui des films aus­si ignares et aus­si sem­blables les uns aux autres comme nous en avons main­te­nant. » (Dzi­ga VERTOV)

« Etre opé­ra­teur aux armées a une influence énorme sur toute ma vie. Je consi­dère que pour être un bon réa­li­sa­teur, il faut d’a­bord pas­ser par la réa­li­sa­tion de docu­men­taires, ensuite il faut bien connaître la vie et le docu­men­taire donne cette expé­rience (…) (De retour du front) lorsque la pel­li­cule man­quait, je pre­nais de vieux films et je les remon­tais de dif­fé­rentes façons, je reliais de manières les plus variées sé­quences et scènes sé­pa­rées. Nous avions des dis­cus­sions, VERTOV et moi. Il fil­mait alors ses docu­men­taires avec son mon­tage. VERTOV n’ad­met­tait pas le tra­vail des acteurs, leur jeu. Il n’ad­met­tait que la prise de vue et le mon­tage comme expres­sion de la vie réelle. Mais nous, nous consi­dé­rions le cô­té artis­tique et en tenions compte. C’é­tait la mode à l’é­poque, quoi qu’on fasse il fal­lait en tirer une théo­rie. Nous étions encore des gamins (…) »
« Qu’est-ce qui est impor­tant pour un artiste ? C’est de dire ce qu’il veut, d’ex­pri­mer sa pen­sée. Au ciné­ma le meilleur moyen c’est le mon­tage. Le mon­tage est impor­tant en tant qu’ex­pres­sion de la réa­li­té. Chaque artiste choi­sit la forme qui lui convient, c’est le meilleur moyen d’ex­pri­mer son atti­tude vis à vis de la réa­li­té. En sui­vant sa concep­tion de la vie, l’ar­tiste mon­te­ra d’une façon ou d’une autre. » (Lev KOULECHOV, entre­tien 1962)

« J’ai appris l’art d’é­crire non pas avec une plume mais avec une camé­ra. L’ab­sence d’un alpha­bet ciné­ma­to­gra­phique était gê­nante. J’ai essayé de créer cet alpha­bet. Je me suis spé­cia­li­sé dans la ciné-écri­ture des faits. Je me suis effor­cé de deve­nir un ciné- écri­vain des actua­li­tés. J’ai appris ce mé­tier devant une table de mon­tage. Et dans un train blin­dé devant Lou­gansk (…) Et dans le train du cama­rade Kali­nine. Et dans l’armée
des par­ti­sans du cama­rade Kojev­ni­kov. Je l’ai appris en fai­sant les « kino­né­dé­lia ». En mon­tant « La Bataille de Tsa­ris­tyne »… Et je n’ai pas eu tort d’a­dop­ter une telle conduite. Elle dé­coule de cette direc­tive du cama­rade Lé­nine : La pro­duc­tion de films nou­veaux, pé­né­trés des idées du com­mu­nisme qui reflètent la réa­li­té sovié­tique, doit com­men­cer par celle des actua­li­tés
 »
(Dzi­ga VERTOV)

Cette ré­flexion de Lé­nine affirme le prin­cipe de la liai­son de l’art avec la réa­li­té, prin­cipe qui fut un fac­teur essen­tiel du dé­ve­lop­pe­ment du ciné­ma sovié­tique. En s’ef­forçant de par­ti­ci­per plus acti­ve­ment à la vie publique, les artistes, les cinéastes cherchent de nou­veaux moyens d’expression.
Dans son labo­ra­toire, KOULECHOV pro­cède à des expé­riences sur le mon­tage de fic­tion tan­dis que VERTOV, des pri­mi­tifs « Kino­né­dé­lia » à « l’Homme à la camé­ra », écha­faude les grands prin­cipes de mon­tage de l’é­cole du CINE-OEIL.

« Per­sonne n’é­tait là pour nous ins­truire. La mé­thode de nar­ra­tion obte­nue par le mon­tage chan­geait à chaque fois. De même que la manière d’a­bor­der le tour­nage. Nous avan­cions sur un ter­rain vierge. Inven­tant et expé­ri­men­tant, nous écri­vions en ciné-images, tan­tôt des édi­to­riaux, tan­tôt des feuille­tons, tan­tôt des ciné-repor­tages, tan­tôt des ciné-poé­sies.»
(Dzi­ga VERTOV)

Dès 1917, le nou­veau pou­voir sou­tient les jeunes réa­li­sa­teurs dans la radi­ca­li­té de leurs dé­marches, et cela mal­gré les dif­fi­cul­tés éco­no­miques. Les retom­bées de la guerre civile et la ter­rible famine de 1920 placent Lé­nine dans l’obligation de réins­tau­rer le mar­ché libre, la NEP. VERTOV se trouve ain­si en état de concur­rence avec les pro­duc­tions étran­gères bas de gamme qui enva­hissent les écrans sovié­tiques. Il doit tra­vailler à la com­mande. De plus, l’époque se veut beau­coup moins ouverte aux expé­ri­men­ta­tions de l’avant-garde. C’est ain­si qu’en 1924, le tour­nage de « kino-glaz » est interrompu.

« Alors que nous avions fil­mé une par­tie du maté­riau, nous fûmes contraint d’arrêter le tra­vail (…) Il y eu quelques pro­jec­tions, quelques avis se sont expri­més. Puis le film a dis­pa­ru de la cir­cu­la­tion et n’a pas été mis en dis­tri­bu­tions.» (Dzi­ga VERTOV)

« A l’école de pein­ture de Mos­cou, on enseigne aux élèves les rudi­ments de la culture poli­tique, mais hé­las per­sonne n’a son­gé à don­ner des cours de culture artis­tique élé­men­taires pour les membres du Conseil des Com­mis­saires du Peuple, pour­tant ma foi, c’est encore plus né­ces­saire. Ayant sui­vi ces cours d ‘édu­ca­tion poli­tique, l’artiste conti­nue de peindre des tableaux et ne ré­dige pas de dé­crets »
(Ilja EHRENBURG)

Orga­ni­sé par CINé­DIT asbl

Tel : 02/511.65.15

www.arenberg.be

Plus d’in­fo :

Le « Ciné-oeil » de Dzi­ga Vertov

Ciné-oeil — mani­feste de 1923