Janvier 2020. Le monde entier découvre le virus Sars-COV2 responsable de la maladie du Covid-19. Mars 2020, l’épidémie qui a démarré en Chine est devenue une pandémie mondiale. Le virus est présent partout. Le monde est à l’arrêt. Un an plus tard, le temps est venu des analyses.
Le cinéaste Alain de Halleux, connu, entre autres, pour ses documentaires consacrés au nucléaire, nous propose ici un documentaire-réflexion sur un an de crise sanitaire. Ce film audacieux et original pose des questions essentielles révélées par cette crise et nous interpelle par la voix du virus lui-même, interprété par l’acteur français Jacques Gamblin.
Comme le virus, le film voyage aux quatre coins de la Planète et nous interroge sur les multiples failles, économiques, sociales, environnementales, politiques, révélées par cette crise. Des spécialistes commentent ce que SARSCOV‑2 cherche à nous dire et nous alertent sur les dangers à venir. A l’heure où cette crise polarise les opinions et divise les gens, ce film a l’immense mérite d’offrir une réflexion en rassemblant des avis pluriels, pausés et nuancés.
Pourquoi ce titre “Le Grain de Sable dans la Machine” ?
Ce titre est apparu d’emblée et avec lui tout le contenu film. Si un grain de sable suffit à gripper la Machine, c’est que la Machine n’était pas très fiable. Le virus est arrivé et a pointé toutes les fragilités du système, il en accentué les dysfonctionnements. J’avais déjà observé cela avec un autre invisible : la radioactivité. La catastrophe de Tchernobyl avait contribué à l’effondrement de l’URSS. Fukushima avait divisé la société. Avec le virus, les choses allaient se passer au niveau de la planète toute entière.
On parlait de vagues et moi je voyais le Tsunami qui se pointait à l’horizon.
Les médias ne parlaient plus que du virus. Nous étions impuissants à résoudre une crise sanitaire, qu’adviendra-t-il lorsque nous aurons à gérer la crise climatique et les migrations qui y sont associées ? Quid de l’énergie, de la biodiversité ? Comment gérer les crises économiques et sociales qui déjà émergent un peu partout ? Il y avait d’ailleurs une petite caricature qui circulait sur les réseaux sociaux, cette image montrant la vague du virus, suivie de la crise économique puis du tsunami du climat. Elle résumait exactement ce que je sentais. Et c’est de ça dont je voulais parler.
Pourquoi avoir choisi de faire parler le virus ?
L’idée de faire parler le virus est aussi apparue immédiatement. Je me suis dit : ” Un virus, c’est un bout de code génétique, c’est un message. Essayons de le décoder avant de vouloir l’éradiquer. ” Et puis, l’événement est planétaire, il bouscule la mondialisation au point que nous sommes vraisemblablement à un tournant de la civilisation. Il fallait une voix qui ait du souffle, un côté épique. Le virus s’est donc mis à parler. J’ai cherché à donner du sens à ce qui arrive.
Le virus a montré que nous nous trompions sur l’importance que nous donnions aux choses
Quel est le message principal du film ?
C’est le message du virus. Il nous rappelle qu’il est un terrien comme nous et que nous les humains nous ne laissons plus guère de place au reste du vivant. Il nous dit que nous n’étions pas prêts à sa venue. Nous avions oublié la peste noire, la grippe espagnole ou celle de Hongkong. Le poids de son information pèse moins qu’une photo envoyée par mail. Pourtant, il a réussi à gripper une civilisation fondée sur l’information. Il a montré que nous nous trompions sur l’importance que nous donnions aux choses. Soudain, une infirmière ou une caissière de grand magasin, un éboueur devenaient plus important qu’un trader. En effaçant la foule des rues, il a laissé sous nos yeux toute la misère du monde. Au fur et à mesure de la crise, j’ai réalisé que le virus et la Machine fonctionnaient de façon fort semblable. Ils colonisent. Ils détournent les ressources. Toujours plus est leur devise. Le virus et la Machine sont fait pour multiplier. Ils sont un peu comme un réacteur nucléaire. Si on ne contrôle pas la réaction, le réacteur diverge et finit par exploser. Il faut des barres de contrôle pour limiter la réaction en chaine.
Dans le film, le virus dit en substance : Vous mettez au point un vaccin contre moi, pourquoi pas contre la Machine ? Vous aviez ce vaccin pour la contrôler. Vous l’appeliez Démocratie. Mais voilà, la Machine a muté de façon fulgurante et vous avez oublié d’upgrader votre vaccin, votre démocratie “.
Le plus important aujourd’hui est de rétablir une culture de l’écoute et des lieux de débats.
Quel impact espérez-vous avoir avec votre film ?
J’espère qu’il donnera envie au public de relativiser ce que nous vivons. Je pense souvent ces jours-ci au siège de Sarajevo. Il dura quatre longues années. Quand les gens allaient faire leurs courses au marché, ils savaient qu’un obus pouvait leur tomber sur la tête. Nous en sommes à un an de siège et nos magasins sont encore pleins. La situation est pénible, mais nous pouvons la traverser. Elle va nous changer, ça c’est certain.
J’espère aussi provoquer le dialogue. En avril/mai, le virus était dans le camp de ceux qui voulaient profiter de la crise pour inventer un monde d’après qui soit différent. J’étais personnellement plein d’un naïf espoir et puis soudain, nous avons tous été assommés par la deuxième vague. Et à l’espoir a succédé le blues, la dépression. Le virus avait changé de camp. Il œuvrait pour la Machine. Il accentuait les inégalités. Il s’attaquait à la démocratie. Surtout, il divisait les gens plus que jamais. J’ai été très triste de voir à quel point ça se disputait sur les réseaux sociaux. Chacun sa croyance. Que d’intolérance ! Et je me suis dit que le plus important aujourd’hui était de rétablir une culture de l’écoute et des lieux de débats.
Le grain de sable dans la machine : Un film produit par Zorn Production International en coproduction avec Instant News Services / la RTBF / ARTE G.E.I.E et Pictanovo