Le grain de sable dans la machine : un documentaire de Alain de Halleux

24.02 2021 / 20h20 - 22h
sur La Une - RTBF 1

à ne pas man­quer le mer­cre­di 24 février sur La Une dans l’émission ” QR : le débat ” ani­mée par Sacha Daout  et à revoir sur Auvio 

Jan­vier 2020. Le monde entier découvre le virus Sars-COV2 res­pon­sable de la mala­die du Covid-19. Mars 2020, l’épidémie qui a démar­ré en Chine est deve­nue une pan­dé­mie mon­diale. Le virus est pré­sent par­tout. Le monde est à l’arrêt. Un an plus tard, le temps est venu des ana­lyses.

Le cinéaste Alain de Hal­leux, connu, entre autres, pour ses docu­men­taires consa­crés au nucléaire, nous pro­pose ici un docu­men­taire-réflexion sur un an de crise sani­taire. Ce film auda­cieux et ori­gi­nal pose des ques­tions essen­tielles révé­lées par cette crise et nous inter­pelle par la voix du virus lui-même, inter­pré­té par l’acteur fran­çais Jacques Gamblin.

 

Comme le virus, le film voyage aux quatre coins de la Pla­nète et nous inter­roge sur les mul­tiples failles, éco­no­miques, sociales, envi­ron­ne­men­tales, poli­tiques, révé­lées par cette crise. Des spé­cia­listes com­mentent ce que SARSCOV‑2 cherche à nous dire et nous alertent sur les dan­gers à venir.  A l’heure où cette crise pola­rise les opi­nions et divise les gens, ce film a l’immense mérite d’of­frir une réflexion en ras­sem­blant des avis plu­riels, pau­sés et nuancés.

RENCONTRE AVEC LE RÉALISATEUR ALAIN DE HALLEUX

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Alain de Hal­leux © Tous droits réservés

Pour­quoi ce titre “Le Grain de Sable dans la Machine” ? 

Ce titre est appa­ru d’emblée et avec lui tout le conte­nu film. Si un grain de sable suf­fit à grip­per la Machine, c’est que la Machine n’était pas très fiable. Le virus est arri­vé et a poin­té toutes les fra­gi­li­tés du sys­tème, il en accen­tué les dys­fonc­tion­ne­ments. J’avais déjà obser­vé cela avec un autre invi­sible : la radio­ac­ti­vi­té. La catas­trophe de Tcher­no­byl avait contri­bué à l’effondrement de l’URSS. Fuku­shi­ma avait divi­sé la socié­té. Avec le virus, les choses allaient se pas­ser au niveau de la pla­nète toute entière.

On par­lait de vagues et moi je voyais le Tsu­na­mi qui se poin­tait à l’horizon.

Les médias ne par­laient plus que du virus. Nous étions impuis­sants à résoudre une crise sani­taire, qu’adviendra-t-il lorsque nous aurons à gérer la crise cli­ma­tique et les migra­tions qui y sont asso­ciées ? Quid de l’énergie, de la bio­di­ver­si­té ? Com­ment gérer les crises éco­no­miques et sociales qui déjà émergent un peu par­tout ? Il y avait d’ailleurs une petite cari­ca­ture qui cir­cu­lait sur les réseaux sociaux, cette image mon­trant la vague du virus, sui­vie de la crise éco­no­mique puis du tsu­na­mi du cli­mat. Elle résu­mait exac­te­ment ce que je sen­tais. Et c’est de ça dont je vou­lais parler.

Pour­quoi avoir choi­si de faire par­ler le virus ? 

L’idée de faire par­ler le virus est aus­si appa­rue immé­dia­te­ment. Je me suis dit : ” Un virus, c’est un bout de code géné­tique, c’est un mes­sage. Essayons de le déco­der avant de vou­loir l’éradiquer. ” Et puis, l’événement est pla­né­taire, il bous­cule la mon­dia­li­sa­tion au point que nous sommes vrai­sem­bla­ble­ment à un tour­nant de la civi­li­sa­tion. Il fal­lait une voix qui ait du souffle, un côté épique. Le virus s’est donc mis à par­ler. J’ai cher­ché à don­ner du sens à ce qui arrive.

Le virus a mon­tré que nous nous trom­pions sur l’importance que nous don­nions aux choses

Quel est le mes­sage prin­ci­pal du film ? 

C’est le mes­sage du virus. Il nous rap­pelle qu’il est un ter­rien comme nous et que nous les humains nous ne lais­sons plus guère de place au reste du vivant. Il nous dit que nous n’étions pas prêts à sa venue. Nous avions oublié la peste noire, la grippe espa­gnole ou celle de Hong­kong. Le poids de son infor­ma­tion pèse moins qu’une pho­to envoyée par mail. Pour­tant, il a réus­si à grip­per une civi­li­sa­tion fon­dée sur l’information. Il a mon­tré que nous nous trom­pions sur l’importance que nous don­nions aux choses. Sou­dain, une infir­mière ou une cais­sière de grand maga­sin, un éboueur deve­naient plus impor­tant qu’un tra­der. En effa­çant la foule des rues, il a lais­sé sous nos yeux toute la misère du monde. Au fur et à mesure de la crise, j’ai réa­li­sé que le virus et la Machine fonc­tion­naient de façon fort sem­blable. Ils colo­nisent. Ils détournent les res­sources. Tou­jours plus est leur devise. Le virus et la Machine sont fait pour mul­ti­plier. Ils sont un peu comme un réac­teur nucléaire. Si on ne contrôle pas la réac­tion, le réac­teur diverge et finit par explo­ser. Il faut des barres de contrôle pour limi­ter la réac­tion en chaine.

Dans le film, le virus dit en sub­stance : Vous met­tez au point un vac­cin contre moi, pour­quoi pas contre la Machine ? Vous aviez ce vac­cin pour la contrô­ler. Vous l’appeliez Démo­cra­tie. Mais voi­là, la Machine a muté de façon ful­gu­rante et vous avez oublié d’upgrader votre vac­cin, votre démo­cra­tie “.

Le plus impor­tant aujourd’hui est de réta­blir une culture de l’écoute et des lieux de débats.

Quel impact espé­rez-vous avoir avec votre film ?

J’espère qu’il don­ne­ra envie au public de rela­ti­vi­ser ce que nous vivons. Je pense sou­vent ces jours-ci au siège de Sara­je­vo. Il dura quatre longues années. Quand les gens allaient faire leurs courses au mar­ché, ils savaient qu’un obus pou­vait leur tom­ber sur la tête. Nous en sommes à un an de siège et nos maga­sins sont encore pleins. La situa­tion est pénible, mais nous pou­vons la tra­ver­ser. Elle va nous chan­ger, ça c’est certain.

J’espère aus­si pro­vo­quer le dia­logue. En avril/mai, le virus était dans le camp de ceux qui vou­laient pro­fi­ter de la crise pour inven­ter un monde d’après qui soit dif­fé­rent. J’étais per­son­nel­le­ment plein d’un naïf espoir et puis sou­dain, nous avons tous été assom­més par la deuxième vague. Et à l’espoir a suc­cé­dé le blues, la dépres­sion. Le virus avait chan­gé de camp. Il œuvrait pour la Machine. Il accen­tuait les inéga­li­tés. Il s’attaquait à la démo­cra­tie. Sur­tout, il divi­sait les gens plus que jamais. J’ai été très triste de voir à quel point ça se dis­pu­tait sur les réseaux sociaux. Cha­cun sa croyance. Que d’intolérance ! Et je me suis dit que le plus impor­tant aujourd’hui était de réta­blir une culture de l’écoute et des lieux de débats.

Le grain de sable dans la machine : Un film pro­duit par Zorn Pro­duc­tion Inter­na­tio­nal en copro­duc­tion avec Ins­tant News Ser­vices / la RTBF / ARTE G.E.I.E et Pictanovo