Rencontre avec Frédéric Keck et Vanessa Frangville
La situation présente fait émerger de nombreuses questions sanitaires et écologiques mais aussi politiques et sensibles. C’est dans ce contexte que nous invitons, jeudi 17 septembre à 19h, Frédéric Keck (CNRS – anthropologue) pour présenter son dernier ouvrage Les Sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine paru aux éditions Zones Sensibles, qui nous permet de prendre un peu de recul face à l’actualité la plus récurrente.
Nos façons de percevoir, de décrire ou de gérer le « risque épidémique » apparaissent comme des produits de notre rapport au monde. Notre relation au non-humain est à revoir d’urgence dans un contexte de dévastation planétaire (élevage de masse, urbanisation, déforestation, etc.) et d’émergence, pour gérer les conséquences de cette dévastation, d’un état d’exception sanitaire ou biosécuritaire.
http://www.zones-sensibles.org/frederic-keck-les-sentinelles-des-pandemies/
Dans son ouvrage, Frédéric Keck interroge les modèles de prévention et de calcul des risques qui reposent sur le triptyque abattre / vacciner / surveiller, propre aux techniques pastorales de gouvernement des épidémies. Les sentinelles sont ces agencements qui offrent des signaux d’alerte précoce, des indicateurs sensibles aux mutations contemporaines. Au terme d’une recherche ethnographique menée à Hong Kong, Taïwan et Singapour, trois “territoires sentinelles” aux portes de la Chine, Frédéric Keck montre comment les oiseaux peuvent être des “sentinelles animales” face aux maladies infectieuses émergentes. Il décrit les interactions entre les humains (responsables de la santé publique, microbiologistes et virologues, vétérinaires, éleveurs, observateurs d’oiseaux) et non humains (oiseaux sauvages et volailles domestiques, virus et cellules sentinelles). Il analyse les modèles – le troupeau, la chasse, le musée, le scénario – qui informent différents types de représentation et de gestion des événements écologiques que constituent les épidémies. C’est un “livre sentinelle” pour Vinciane Despret qui rédige la préface, un livre qui permet un déploiement d’imaginaires et d’imagination, à l’affût des traces, qui appelle à se préparer à la catastrophe en cours, à venir et à revenir.
Vanessa Frangville (ULB – sinologue) complètera la présentation de ces trois mondes chinois “mineurs” par la dimension “majeure” de la Chine continentale qui a servi de modèle pour la gestion de l’épidémie de ce nouveau coronavirus. La discussion devrait permettre d’entendre, à partir du miroir que nous fournissent les mondes chinois, les mutations des catégories politiques contemporaines vers des formes de gouvernement convergentes, au nom d’un état d’exception sanitaire.