Procès Luk Vervaet contre l’état belge

31.10 2014 /
8h30>10h15 Palais de justice - 1000 Bruxelles

Pour rap­pel

EXTRAIT Guan­ta­na­mo chez nous ? pg132

Depuis le 10 août 2009, je suis en effet inter­dit de pri­son. Après cinq ans de tra­vail comme ensei­gnant en pri­son, je ne peux plus y ensei­gner ni rendre visite à un déte­nu dans aucune des pri­sons belges, et ce pour des « rai­sons de sécu­ri­té ». Ain­si en a déci­dé la Direc­tion géné­rale des Éta­blis­se­ments péni­ten­tiaires en Bel­gique. Cette mesure a été résu­mée en une seule phrase, com­mu­ni­quée le 9 août par télé­phone et le 17 août par cour­rier : « Nous vous infor­mons qu’à par­tir de ce jour, mon­sieur Luk Ver­vaet, ne sera plus auto­ri­sé d’accès au sein des éta­blis­se­ments péni­ten­tiaires belges pour des rai­sons de sécurité ».

Le 30 avril 2010, un rap­port secret de la Sûre­té de l’État est envoyé à Hans Meu­risse, le Direc­teur des Pri­sons ; ce rap­port est signé par l’Administrateur géné­ral de la Sûre­té de l’Etat, Alain Winants, et il contient la jus­tif­ca­tion de cette exclu­sion en tant qu’enseignant. Cette note a pour objet la trans­mis­sion « à la fois conf­den­tielle et sérieuse, des infor­ma­tions qui jus­tifent le refus d’accès aux pri­sons ». On y peut lire : « En jan­vier 2009, Luk Ver­vaet prend encore part à une mani­fes­ta­tion contre l’extradition de Nizar Tra­bel­si, à qui il recon­naît avoir ren­du visite en pri­son. Consi­dé­ré comme orga­ni­sa­teur et porte-parole de l’événement, son rôle exact n’est pas bien déf­ni… ». Le ministre de la Jus­tice cau­tionne son exclu­sion. En octobre 2009, le ministre de la Jus­tice Declerck répond à la ques­tion par­le­men­taire de la dépu­tée Zoé Genot : « Une inter­dic­tion d’accès à l’ensemble des pri­sons belges est une déci­sion mûre­ment réfé­chie qui fait l’objet d’un exa­men atten­tif de l’ensemble du dos­sier. Une telle mesure est d’ailleurs excep­tion­nelle et ne se prend que pour de bonnes rai­sons. Les rai­sons de sécu­ri­té sont à appré­cier à par­tir de l’ensemble du dos­sier et suffsent en soi à jus­ti­fer une déci­sion d’interdire à une per­sonne exté­rieure à l’administration péni­ten­tiaire d’entrer dans une pri­son belge… Je me suis fait trans­mettre le dos­sier par l’administration péni­ten­tiaire afn de pouvoir
me pro­non­cer si la déci­sion à l’égard de la per­sonne concer­née était insuff­sante. J’estime que la déci­sion qui a été prise est cor­recte. Je n’ai donc pas à dou­ter de cette déci­sion ». La nou­velle déf­ni­tion de la liber­té d’expression du Ministre de la Jus­tice est tout à fait remar­quable : dès à pré­sent, les liber­tés sacrées garan­ties par notre Consti­tu­tion sont sou­mises à la sécu­ri­té, qui, elle, a ses propres règles secrètes et n’a besoin ni d’inculpation ni de preuves.

Nadia Geerts, notre Liz Che­ney locale, jus­tife cette exclu­sion sur son blog : « […] Tra­bel­si a été condam­né à 10 ans de pri­son pour avoir pla­ni­fé une attaque ter­ro­riste contre une base mili­taire amé­ri­caine en Bel­gique. Alors certes, il est tout à fait louable que des citoyens enga­gés aillent rendre visite à des pri­son­niers et leur apprennent, par exemple, le néer­lan­dais. Et il n’est pas ques­tion à mes yeux de pri­ver des ter­ro­ristes d’une telle chance de réin­ser­tion dans la socié­té. Néan­moins, je pose la ques­tion : un par­ti­san du Hamas et du Hez­bol­lah, moti­vé par sa convic­tion que com­mu­nistes et isla­mistes doivent s’allier pour com­battre le grand Satan amé­ri­cain, est-il vrai­ment la meilleure per­sonne pour assu­rer cette mission ? ».
L’exclusion de Luk Ver­vaet ne sufft pas à Alain Des­texhe (par­le­men­taire du MR depuis 1995 et ex-Secré­taire Géné­ral de Méde­cins Sans Fron­tières). Pour lui, il ne faut pas uni­que­ment une inter­dic­tion d’enseigner, mais il faut aus­si une inter­dic­tion de publier sur un site minis­té­riel. Dans un com­mu­ni­qué du 10 mars 2010104 , sous le titre « Eve­lyne Huy­te­broeck offre une tri­bune sur son site off­ciel à un per­son­nage proche de l’islam radi­cal (Nizar Tra­bel­si) », il écrit : « […] Luk Ver­vaet s’était retrou­vé sous les feux de la rampe il y a quelques mois en rai­son des rela­tions ambi­guës qu’il entre­te­nait avec le ter­ro­riste Nizar Tra­bel­si ». Alain Des­texhe s’inquiète « qu’un idéo­logue de la trempe de Luk Ver­vaet ait l’opportunité d’être publié sur le site off­ciel d’une ministre de la Com­mu­nau­té fran­çaise et s’interroge sur les liens d’Ecolo avec lui ». Il exige – et obtient – que la ministre bruxel­loise Huy­te­broeck (Eco­lo), res­pon­sable de l’Aide à la jeu­nesse, l’Aide aux déte­nus et de la Pau­vre­té, enlève l’article de Luk Ver­vaet « Trans­for­mons les pri­sons en écoles » de son site. Notons que la Ministre avait trou­vé cet article sur le site de la Ligue des Droits de l’Homme où il se trouve toujours.

L’exclusion de Luk Ver­vaet sera révo­quée par le Conseil d’État en juin 2011. Mais, comme dans nombre de cas, ce juge­ment res­te­ra sans suite.