Projection film : Quelle folie (Diego Governatori)

13.02 2020 / 20h
La Vénerie - Espace Delvaux - 3 rue Gratès - 1170 Bruxelles (Watermael-Boitsfort)
En s’ouvrant sur une image oppres­sante de pay­sage agres­sé par le soleil et une musique lan­ci­nante, le film de Die­go Gover­na­to­ri nous happe d’emblée, de façon méta­pho­rique, dans le monde inté­rieur tor­tu­ré de son ami Auré­lien, autiste Asperger.

Le pro­jet ? Un film, une camé­ra, un micro… des liens invi­sibles de cette forte ami­tié dont l’objectif est de faire sur­gir les mots et la pen­sée d’Aurélien. Com­ment se voit-il ? Se pense-t-il ? Se vit- il ?

Dans la cam­pagne au milieu du spec­tacle répé­ti­tif des éoliennes ou au milieu de la foule com­pacte des ruelles de la ville de Pam­pe­lune, dans une ambiance sonore assour­dis­sante, Auré­lien est tou­jours seul face à sa souf­france, face à sa dif­fi­cul­té à trans­mettre sa pen­sée. Dans un état de ten­sion pal­pable et de res­sas­se­ment per­ma­nent, la camé­ra de son ami sai­sit les mots, les bribes de pen­sée qui sur­gissent çà et là. « Il est la bouche et moi l’oreille » dit le réa­li­sa­teur. Un bel équi­libre dans ce dés­équi­libre permanent.

En proie à cette grande insta­bi­li­té dans sa tête, Auré­lien fait lit­té­ra­le­ment corps avec son envi­ron­ne­ment. Une main contre un arbre, en appui contre un mur, un banc… sont autant de points d’appui pour se recen­trer, se resta­bi­li­ser, loin du rugis­se­ment des tam­bours et des tau­reaux exci­tés par une foule en délire.

Mais alors, com­ment trou­ver les moyens de trans­mettre, dans ce bouillon­ne­ment inté­rieur dif­fi­ci­le­ment contrô­lable, aux gens qu’il nomme « struc­tu­rés » qu’une simple dou­leur au pied devient, pour un autiste, une dou­leur intense qui est sus­cep­tible de l’anéantir inté­gra­le­ment ? Qu’un doigt ten­du vers le ciel désigne autre chose qu’une main mon­trée, qu’il y a lien sym­bo­lique ? Qu’un excès de détails dans sa com­mu­ni­ca­tion risque à tout moment de l’exclure du groupe ? Et de citer un exemple : « Vous êtes à Paris depuis dix ans ? Non depuis neuf ans et onze mois ». Un autiste ne sup­porte pas les approxi­ma­tions car la sta­bi­li­té du monde est en ques­tion pour lui. Le « dire mieux » prime sur « le dire avec ». D’où une répé­ti­tion du même sché­ma de ratage dans les rela­tions avec les autres, stu­pé­faits devant cette exi­gence de pré­ci­sions. Pour Auré­lien, les névro­sés meurent du non-dit, les autistes du trop dit. D’où cette ten­sion per­ma­nente à essayer de rejoindre « l’autre rive », celle des « struc­tu­rés » ayant inté­gré de façon impli­cite les codes sociaux.

Sa dou­leur, cette inca­pa­ci­té à faire sur­gir la parole au moment vou­lu et dans un lan­gage com­pré­hen­sible, cette dif­fi­cul­té à sai­sir les codes impli­cites et sym­bo­liques du corps social sont les motifs de colère d’Aurélien. Mais sa colère est autant orien­tée sur lui-même que sur la socié­té qui lui impose des car­cans. « L’autisme n’est pas une patho­lo­gie, mais un type de fonc­tion­ne­ment dif­fé­rent ». « Ca frotte, ça ripe de par­tout mais il faut com­po­ser avec » assène-t-il.

En s’ouvrant sur une image oppres­sante de pay­sage agres­sé par le soleil et une musique lan­ci­nante, le film de Die­go Gover­na­to­ri nous happe d’emblée, de façon méta­pho­rique, dans le monde inté­rieur tor­tu­ré de son ami Auré­lien, autiste Asperger.

Le pro­jet ? Un film, une camé­ra, un micro… des liens invi­sibles de cette forte ami­tié dont l’objectif est de faire sur­gir les mots et la pen­sée d’Aurélien. Com­ment se voit-il ? Se pense-t-il ? Se vit- il ?

Dans la cam­pagne au milieu du spec­tacle répé­ti­tif des éoliennes ou au milieu de la foule com­pacte des ruelles de la ville de Pam­pe­lune, dans une ambiance sonore assour­dis­sante, Auré­lien est tou­jours seul face à sa souf­france, face à sa dif­fi­cul­té à trans­mettre sa pen­sée. Dans un état de ten­sion pal­pable et de res­sas­se­ment per­ma­nent, la camé­ra de son ami sai­sit les mots, les bribes de pen­sée qui sur­gissent çà et là. « Il est la bouche et moi l’oreille » dit le réa­li­sa­teur. Un bel équi­libre dans ce dés­équi­libre permanent.

En proie à cette grande insta­bi­li­té dans sa tête, Auré­lien fait lit­té­ra­le­ment corps avec son envi­ron­ne­ment. Une main contre un arbre, en appui contre un mur, un banc… sont autant de points d’appui pour se recen­trer, se resta­bi­li­ser, loin du rugis­se­ment des tam­bours et des tau­reaux exci­tés par une foule en délire.

quelle folie eolienne.pngMais alors, com­ment trou­ver les moyens de trans­mettre, dans ce bouillon­ne­ment inté­rieur dif­fi­ci­le­ment contrô­lable, aux gens qu’il nomme « struc­tu­rés » qu’une simple dou­leur au pied devient, pour un autiste, une dou­leur intense qui est sus­cep­tible de l’anéantir inté­gra­le­ment ? Qu’un doigt ten­du vers le ciel désigne autre chose qu’une main mon­trée, qu’il y a lien sym­bo­lique ? Qu’un excès de détails dans sa com­mu­ni­ca­tion risque à tout moment de l’exclure du groupe ? Et de citer un exemple : « Vous êtes à Paris depuis dix ans ? Non depuis neuf ans et onze mois ». Un autiste ne sup­porte pas les approxi­ma­tions car la sta­bi­li­té du monde est en ques­tion pour lui. Le « dire mieux » prime sur « le dire avec ». D’où une répé­ti­tion du même sché­ma de ratage dans les rela­tions avec les autres, stu­pé­faits devant cette exi­gence de pré­ci­sions. Pour Auré­lien, les névro­sés meurent du non-dit, les autistes du trop dit. D’où cette ten­sion per­ma­nente à essayer de rejoindre « l’autre rive », celle des « struc­tu­rés » ayant inté­gré de façon impli­cite les codes sociaux.

Sa dou­leur, cette inca­pa­ci­té à faire sur­gir la parole au moment vou­lu et dans un lan­gage com­pré­hen­sible, cette dif­fi­cul­té à sai­sir les codes impli­cites et sym­bo­liques du corps social sont les motifs de colère d’Aurélien. Mais sa colère est autant orien­tée sur lui-même que sur la socié­té qui lui impose des car­cans. « L’autisme n’est pas une patho­lo­gie, mais un type de fonc­tion­ne­ment dif­fé­rent ». « Ca frotte, ça ripe de par­tout mais il faut com­po­ser avec » assène-t-il.

Per­son­nage au regard mali­cieux et atta­chant, mais aus­si très volu­bile et tour­men­té. Il nous laisse, à la fin du film, légè­re­ment vam­pi­ri­sé tant sa pré­sence crève l’écran et que les che­mi­ne­ments de sa pen­sée sont escar­pés. Loin de tout ciné­ma ins­ti­tu­tion­nel, « Quelle folie » n’est pas un film didac­tique ou ins­ti­tu­tion­nel sur l’autisme. C’est le témoi­gnage d’Aurélien, homme cou­pé de ses sem­blables, atteint d’autisme, mais qui est par­tie pre­nante du film et par­ti­cipe plei­ne­ment à son éla­bo­ra­tion. Et le spec­ta­teur, à l’instar d’Aurélien, n’est pas pas­sif, empor­té qu’il est dans un tan­gage émo­tion­nel par moment épui­sant mais tel­le­ment riche.

En par­ta­geant cette intros­pec­tion si lucide, Auré­lien nous offre un cadeau ines­ti­mable, une expé­rience sai­sis­sante, celle d’autres rap­ports au monde et à soi. Cette pro­fonde alté­ri­té qui nous pousse à inter­ro­ger notre pré­ten­due nor­ma­li­té, sur un type de fonc­tion­ne­ment différent.

« Quelle folie », telle est l’expression qui scande son dis­cours et qui nous col­le­ra à la peau pour longtemps.

Manu Bol­len

Quelle folie (Diego Governatori)

Projection le Jeudi 13 février 2020 à 20h
dans le cadre des 12e Rencontres Images Mentales (du 6 au 14 février.2020).

La Véne­rie — Espace Delvaux
3 rue Gratès
1170 Bruxelles (Water­mael-Boits­fort)