Morte à cause de la violence au travail – Jusqu’où l’indifférence ?
Jeudi 23 août 2018 notre déléguée syndicale, collègue, amie, a mis fin à ses jours. Elle allait avoir 47 ans. C’était une belle personne, toujours prête à écouter et à défendre ses collègues. Elle laisse sa famille, des amis, des collègues, sous le choc, effondrés, abasourdis. Notre déléguée s’est ôté la vie pour en finir avec l’angoisse, avec le stress et la douleur liés aux violences qu’elle a subies pendant de longues années au travail, à la Mission Locale d’Etterbeek.
Cette violence venait d’une direction agressive : qui malgré les interpellations a été maintenue en fonction pendant des années mais aussi d’un harcèlement quotidien mené contre les délégués syndicaux (aujourd’hui sur les 5 délégués syndicaux restants, 4 sont en burn-out dont une qui a fait une tentative de suicide l’année passée), parce qu’ils prenaient la parole pour défendre leurs collègues. Elle venait également d’une charge de travail excessive que, malgré ses demandes et appels à l’aide répétés, la direction n’avait pas allégée.
Depuis plus de 2 ans, les délégués dénonçaient ces pratiques, sans que le Conseil d’administration et la direction prennent la mesure de la gravité des faits dénoncés. Aujourd’hui encore, la direction et le CA n’ont fait preuve d’aucune diligence, ni pris aucune de leurs responsabilités : pendant trois jours, ils n’ont fait aucune communication aux travailleurs, ne les ont pas réunis pour leur permettre d’exprimer ce qu’ils vivaient après un tel choc, n’ont installé aucune cellule de crise pour les accompagner. Au contraire, consigne a été donnée de ne pas ébruiter l’affaire. Il a fallu attendre lundi matin pour qu’un représentant du Conseil d’administration réunisse les membres du personnel sur demande des syndicats. Aucune réunion urgente du CA n’a été convoquée à ce jour. Le suicide d’une travailleuse et d’une déléguée n’est visiblement pas suffisant grave pour que le Bourgmestre Vincent de Wolf, les échevins d’Etterbeek membres du CA et le reste des membres du Conseil d’administration de la Mission Locale, se réunissent pour en discuter.
Aujourd’hui les travailleurs de la Mission Locale veulent dénoncer la pression et le harcèlement qu’ils subissent depuis plusieurs années. Encore récemment, la direction a exigé de plusieurs collègues qu’ils écrivent un rapport à charge contre un délégué syndical, dans le but avoué de le licencier. Ces pratiques de délation, de manipulation, de chantage, sont indignes et pourtant, la directrice par intérim dont il est question, qui a mis la pression sur les travailleurs, les a harcelés, n’est à ce jour pas écartée de ses fonctions de gestion de personnel et de l’entreprise.
A la Mission Locale d’Etterbeek, la violence est banalisée, certaines personnes qui l’incarnent et la propagent ne sont pas inquiétées. La violence est dans les murs, dans la culture même de l’entreprise. La CNE a déposé une plainte pénale pour harcèlement auprès de l’auditorat du travail, pour que les responsabilités soient identifiées, que la dynamique de l’entreprise change radicalement, et pour empêcher qu’une tragédie pareille se reproduise.
Ce que les délégués de la Mission Locale d’Etterbeek ont subi pendant des années, de nombreux autres délégués le vivent au quotidien dans d’autres entreprises, où ils défendent leurs collègues. Pressions, menaces, harcèlement, stagnation professionnelle, licenciement, dénigrement, représailles. Tout cela n’est pas un cas isolé dans le secteur. Parce qu’ils ont le courage de parler, qu’ils cherchent à organiser leurs collègues, ils sont de plus en plus souvent la cible de directions qui ne veulent pas s’embarrasser de concertation avec leurs travailleurs, qui ne veulent ni la transparence ni la démocratie qu’une délégation syndicale instaure du fait même de son existence. Cet évènement tragique nous rappelle à tous qu’attaquer les délégués syndicaux, c’est bien attaquer les représentants et les soutiens des travailleurs et donc les travailleurs eux-mêmes.
Cela met aussi en lumière une nouvelle fois le fait que le monde du travail est et continue à devenir, pour un nombre croissant de travailleurs, un milieu violent, où les pratiques de management les plus inhumaines sont cautionnées et encouragées par un nombre de plus en plus grand d’employeurs, où ils sont contraints de subir la maltraitance et l’arbitraire ou à démissionner. Les travailleurs sont obligés d’assumer une charge de travail de plus en plus lourde avec de moins en moins de moyens. Le bien-être au travail, inscrit dans la loi comme une obligation de l’employeur, n’est pas une priorité pour bon nombre de directions et de responsables politiques. En attendant, la violence au travail tue.
Nos organisations syndicales n’en resteront pas là. Nous continuerons à combattre fermement toute violence au travail.
En mémoire et en solidarité avec notre déléguée, et pour dénoncer fermement la violence au travail, nous organisons un rassemblement le mardi 4 septembre à 17h30 devant l’Hôtel communal d’Etterbeek (Avenue d’Auderghem 113, 1040 Etterbeek).
Le Setca et la CNE
source :facebook