Source : http://www.lepopulaire.fr/editions_locales/tulle/la_demondialisation_a_debute@CARGNjFdJSsBEBwGBRo-.html
Pour le directeur d’études à l’école des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Jacques Sapir, la mondialisation est arrivée à son terme. Le processus inverse est même déjà enclenché.
Entretien de Pascal Goumy à Jacques Sapir :
Selon vous, le temps de la démondialisation est arrivé.
Ce temps a déjà commencé. Que ce soit dans le domaine du commerce des marchandises ou dans le domaine financier, les États reviennent déjà sur toute une série de mesures prises dans les années 80 et sont en train de faire refluer le mouvement de mondialisation. Il est souhaitable de procéder à une démondialisation raisonnée parce que la mondialisation a provoqué toute une série de désastres et de dégâts sociaux et écologiques.
Cette démondialisation passe-t-elle nécessairement par un retour au protectionnisme ?
En pratique, elle signifie effectivement une certaine forme de protectionnisme, mais aussi une certaine forme de définanciarisation des économies en particulier par des mesures qui viseraient à freiner la circulation des capitaux à court terme. J’insiste sur le court terme car il est très sain qu’il continue à y avoir des investissements directs étrangers qui circulent.
Il s’agirait donc d’un protectionnisme sélectif…
Oui. Il chercherait à égaliser les coûts salariaux unitaires, mais aussi l’empreinte écologique. Le premier objectif est de provoquer un alignement non pas vers le bas, mais vers le haut. À ce titre, ce protectionnisme devrait pénaliser tous les États se livrant au dumping social.
L’euro n’est-il pas un frein à cette démondialisation ?
La monnaie unique, si elle s’était accompagnée d’une fédéralisation de la zone euro, aurait pu fonctionner. Cette fédéralisation aurait eu des conséquences extrêmement importantes sur les pays du nord de l’Europe. L’Allemagne, par exemple, aurait dû concéder 3,5 % à 4 % de son PIB aux pays d’Europe du sud et à la France, ce qui n’est pas possible. Un euro monnaie unique dans une Europe qui n’est pas fédéralisée est un obstacle. Il faudrait que chaque pays retrouve sa monnaie pour les échanges internes et garde l’Euro pour ses échanges avec le reste du monde.
Le Populaire. Tulle, le 28 avril 2011.