Après la grave crise du capitalisme, un fantôme commence à parcourir le monde, encore une fois : le fantôme de Marx
La Jornada, journal Méxicain, samedi 10 décembre 2011
“Le Socialisme, comme une option de bonne vie est possible seulement s’il y a une participation radicale et démocratique du peuple”, déclare le politologue et philosophe Marcello Musto.
“C’est quelque chose dont Marx a été totalement convaincu et sur laquelle il n’a jamais changé d’avis. Dans ses divers écrits, il parle toujours d’auto-émancipation de la classe ouvrière”, affirme l’enseignant et chercheur italien.
“Il s’agit d’une différence radicale par rapport au marxisme dominant du siècle dernier, celui des dirigeants et des figures charismatiques ou dramatiques, comme Staline, Lénine ou Mao, ou ceux des partis d’avant-garde, qui est due au léninisme dans la société soviétique.”
Académicien au département universitaire des sciences politiques à l’Université York à Toronto, au Canada, Marcello Musto, à 37 ans, est l’une des figures les plus importantes de jeune dans l’étude et l’enseignement du marxisme.
Il a publié, entre autres, une recherche sur la nouvelle édition historico-critique des œuvres complètes de Marx et Engels : Gesamtausagabe, de la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, en Allemagne.
La présence du chercheur au Mexique est justement lié à cela, hier il a participé à la table ronde sur le livre Sur les traces d’un fantôme : Karl Marx aujourd’hui, ouvrage qu’il a coordonné et ou sont présentés la plupart des recherches philologiques sur la récente publication de l’œuvre complète de de cette paire d’auteurs, connu comme le méga 2, pour leurs initiales.
Cette table ronde a été tenue dans l’auditorium II de la Torre de Humanidades de l’Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM), dans le cadre du séminaire permanent Marx aujourd’hui : nouvelles lectures de l’œuvre de la Méga 2, qui s’est conclu vendredi.
L’un des coordonnateurs de ce séminaire est le philosophe Mexicain Gabriel Vargas Lozano, qui a écrit la préface de l’édition espagnole de ce volume, publié par Siglo XXI, qui comprend également un texte de Guillermo Almeyra.
Crise, et non pas la chute du néo-libéralisme
Lors d’une interview conjointe avec La Jornada, Marcello Musto et Gabriel Vargas Lozano ont exprimé leur conviction que le capitalisme, tel que Karl Marx l’affirmait, finira par succomber, et il faut considérer le socialisme comme une alternative viable.
Toutefois, les deux experts supposent que l’effondrement du modèle capitaliste est encore loin, malgré les mouvements de protestation qui ont lieu dans le monde d’aujourd’hui, comme en Espagne ou indignés de Wall Street : “C’est une crise du néolibéralisme, sévère, et non pas la chute du néo-libéralisme.”
Musto ajoute : “Je ne suis pas optimiste pour affirmer qu’il existent maintenant les conditions d’un changement drastique. Nous sommes dans une période de crise, nous ne verrons pas un changement radical du système économique. Mais ce qui est en train de se passer est important, car il y a des points qui doivent être réglés, y compris la question économique, c’est quelque chose de très important.”
Vargas Lozano, quant à lui, cite le philosophe Adolfo Sanchez Vazquez pour souligner que le socialisme réel, celle de l’ancienne Union soviétique n’était pas un réel socialisme.
Il insiste car pour rendre possible le modèle socialiste “il est nécessaire de trouver une solution pour une démocratie radicale, pas une démocratie politique libérale qui prévaut aujourd’hui, où les élites sont les décideurs et les autres acquissent.”
À cet égard, il dit qu’il est essentiel d’avoir un nouveau modèle de démocratie en tant que centre d’une nouvelle construction du socialisme, bien qu’il croit qu’il faut encore en établir les bases.
“C’est-à-dire, les philosophes et les scientifiques sociaux doivent imaginer quels sont les institutions socialistes. Tout comme les penseurs illustres du XVIIIe siècle ont imaginé les nouvelles institutions, maintenant doivent se profiler les nouvelles institutions, chercher des solutions concrètes”, ajoute le penseur mexicain.
“La gauche mexicaine devrait commencer à lire ce nouveau Marx (celui du Méga 2), parce qu’ils ne lisent que John Dewey, qui est resté figé dans le pragmatisme. La gauche de notre pays a dérivé vers une sociale démocratie dont nous constatons ses échecs ou vers un pragmatisme sans issue.”
Dans ce sens, il soutient que “les politiciens de la gauche mexicaine feraient bien de récupérer leurs vieux livres de Marx et de lire les nouveaux, ils doivent se mettre à jour et se rattraper. Ils ont rejeté le marxisme en bloc, ils ont bien fait de se débarrasser du marxisme dogmatique, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain”.
Les œuvres complètes seront publiés
Selon Marcello Musto et Gabriel Vargas Lozano, la vie de Karl Marx est de plus en plus palpable et se réfèrent à lui comme un fantôme, au sens figuré, car il est un penseur qui a été donné pour mort plusieurs fois.
“Par exemple, en 1938, Joseph Staline a essayé de le tuer avec son pamphlet sur le matérialisme dialectique et le matérialisme historique qui a converti le marxisme a une version dogmatique qui a s’est imposé par après comme l’interprétation officielle et l’ont maintenu comme Lénine, embaumé dans un mausolée”.
“En Occident, il a été donné pour mort plusieurs fois. La dernière fois c’était après l’effondrement du socialisme réel en Europe de l’Est et de l’Union des Républiques socialistes soviétiques.”
“Il a été dit là-bas que Marx était définitivement mort sous les décombres du mur de Berlin et des messes pieuses se sont tenues ici et là et partout. Mais maintenant, après la grave crise du capitalisme dans sa phase néolibérale un fantôme commence à parcourir le monde, encore une fois : le fantôme de Marx.”
- Quels sont les signes de sa présence ?
- Le principal signe ‑réponds le philosophe méxicain- est l’accomplissement de beaucoup de ses analyses et prédictions : les crises récurrentes du capitalisme (et nous sommes aujourd’hui l’une des plus fortes depuis 1929), l’extrême polarisation entre richesse et pauvreté dans les zones nationales et internationales, l’exploitation croissante de la classe ouvrière et l’approfondissement des niveaux inattendus de l’aliénation publique et que dire au sujet de la marchandisation des rapports humains et la conversion de la science en une force productive. La réalité actuelle est le témoignage vivant de leurs approches.
Mais il y a une autre indication que le fantôme de Marx va se transformer en action politique avec la publication de la nouvelle Mega (Marx-Engels Gesamtausgabe, c’est à dire, l’œuvre complète) ou Mega 2.
Le Méga 1 a commencé avec la publication entre 1922 et 1939, d’abord par Riazanov puis Adoratsky. Les Méga 2 a commencé en 1972 dans la République démocratique allemande et a été interrompue par l’effondrement du mur, et en 1991 le projet est revenu et en 2000 il était repris par les éditions Akademie Verlag afin d’être publié avec tout le soin philologique et sans conditionnements politiques des 114 volumes, chacun composé de plusieurs volumes. Jusqu’à présent 54 volumes ont été publiés.
Source de l’article : La Jornada, Méxique
Traduction : Zin TV
Plus d’info : Numéro 360 de “La Pensée”
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