Lettre d’un greviste de la faim devant le centre fermé de Vottem

Ce lundi, je vais débuter une grève de la faim devant le centre fermé de Vottem en solidarité avec les afghans, les sans-papiers, mais également avec mes compagnons qui eux aussi font une grève de la faim.

Ce lun­di 2/12/13, je vais débu­ter une grève de la faim devant le centre fer­mé de Vot­tem en soli­da­ri­té avec les afghanEs, et les sans-papiers/ex­cluéEs de manière géné­rale, mais éga­le­ment avec mes com­pa­gnonEs qui eux aus­si font une grève de la faim.

A la dif­fé­rence de mes com­pa­gnonEs, ma grève n’est que tem­po­raire et non condi­tion­née au résul­tat de cette action pour des rai­sons qui sont propres à ma situa­tion. Cela fait quelques années main­te­nant que je par­ti­cipe à des luttes, des actions pour et par les excluéEs sociaux (sans-abris, sans-papiers, etc.) J’y ai ren­con­tré des per­sonnes, j’y ai enten­du des his­toires de vie qui ont tou­jours ren­for­cé mes convic­tions de lut­ter pour la vie et la liber­té, c’est tou­jours l’humain qui m’importe et non ses statuts.

La semaine pas­sée, lorsque je suis pas­sé au Bégui­nage (lieu où résident les afghanEs), j’ai ren­con­tré une fois encore la misère sociale tou­chant hommes, femmes et enfants. Ces per­sonnes avaient subi la vio­lence ins­ti­tu­tion­nelle et répres­sive du seul fait de ne pas avoir de papiers. Pire que cela, l’office des étran­gers, par la voix de son direc­teur, a ajou­té le mépris à la vio­lence sociale en dis­tri­buant des cartes sur le retour volon­taire alors que peu de temps aupa­ra­vant nous appre­nions la mort du jeune Aref, refu­sé sur le ter­ri­toire belge sous pré­texte qu’il n’était pas en dan­ger et qui suite à la dure­té de son par­cours de vie en Bel­gique (sans-abris, centre fer­mé de Vot­tem, …) avait accep­té le retour volon­taire. Ce der­nier est décé­dé deux jours après son retour de par les mains de ceux qu’il avait fui.
J’ai été pro­fon­dé­ment cho­qué par la pré­sence si nom­breuse d’enfants dans des condi­tions dif­fi­ciles, moi qui suis éga­le­ment parent. Je ne peux sépa­rer mes actions de ce sen­ti­ment d’indignation lorsque je suis confron­té, ce qui arrive sou­vent, à cette exclu­sion sociale, je ne peux éga­le­ment la sépa­rer de mes valeurs.

Mon action m’est propre, elle ne se dirige ni vers les gou­ver­nantEs poli­tiques car leurs poli­tiques sont meur­trières et ils le savent, que ce soit celles sur les migrantEs (Fron­tex par exemple), ou sur les régres­sions sociales qui ins­taurent la misère per­ma­nente alors qu’en même temps se crée un cli­mat de peur et de repli, elle ne se dirige ni vers les afghanEs, il s’agit de leur propre lutte, illes en sont les propres acteurEs à laquelle je par­ti­cipe à ma manière, ni non plus aux autres gré­vistes bien que je par­tage leur sen­ti­ment d’indignation.

Elle se dirige vers ceux et celles qui ont accor­dé leurs vio­lons à la sym­pho­nie du mas­sacre par impuis­sance, indif­fé­rence ou mécon­nais­sance, elle se dirige vers ceux et celles qui clas­si­fient l’humain, alors qu’eux/elles-mêmes sont géné­ra­le­ment des vic­times de l’exclusion sociale et/ou socié­tale. C’est à ces per­sonnes que je com­mu­nique par mon action la pos­si­bi­li­té de cas­ser la spi­rale de l’impuissance, la pos­si­bi­li­té de se ren­con­trer et de dis­cu­ter en dehors des caté­go­ries impo­sées, la pos­si­bi­li­té de faire connaître une telle action pour la volon­té de vivre digne­ment de l’ensemble des excluéEs.

C’est pour ces rai­sons que je plante ma tente à par­tir de ce soir devant le centre fer­mé de Vot­tem et que depuis lun­di 02/12/2013, à mon réveil, j’ai arrê­té de m’alimenter.

Je reste joi­gnable soit sur place soit par télé­phone au 0470099224

Decamp Loïc.

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