Colloque : Quel son pour le cinéma aujourd’hui ? 2/3

Artistes son ou techniciens du son : quelle formation ? pour quel marché du travail ?

11 décembre 2008 au Ciné 104

MODERATEUR : Franck Ernould, jour­na­liste spécialisé

Les inter­ve­nants :

Laure Arto, mixeuse : Liste rouge, Mille soleils, Le fils de l’épicier, Cla­ra Sheller
Mike Brück, Direc­teur de la school of audio engi­nee­ring (SAE)
Claude Gazeau, Res­pon­sable de la for­ma­tion « son » à l’École Natio­nale Supé­rieure Louis Lumière et Mixeur
Gilles Hugo, Direc­teur géné­ral de la socié­té Silence, qui est une entre­prise de sono­ri­sa­tion de spec­tacle vivant. Gilles pos­sède une double cas­quette ; il est éga­le­ment Pré­sident du SYNPASE — Syn­di­cat Natio­nal des Pres­ta­taires de l’Audiovisuel Scé­nique et Evé­ne­men­tiel — qui est l’équivalent de la FICAM : un syn­di­cat d’employeurs du spec­tacle vivant
Natha­lie Vidal mixeuse : Les gla­neurs et la gla­neuse, Le der­nier jour, Sauf le res­pect que je vous dois
Ray­mond Yana, Res­pon­sable de la for­ma­tion BTS Audio­vi­suel à Boulogne-Billancourt
Gil­bert Per­ei­ra, CPNEF — Com­mis­sion Pari­taire Natio­nale Emploi-For­ma­tion — qui est un ancien ingé­nieur du son ciné­ma : Céline et Julie vont en bateau, L’enfance nue, Les héros n’ont pas froid aux oreilles.

Artistes son ou tech­ni­ciens du son : Quelle for­ma­tion ? Pour quel mar­ché du travail ?

 

Franck Ernould — modé­ra­teur : La deuxième table ronde de la mati­née a pour thème : Artistes son ou tech­ni­ciens du son : quelle for­ma­tion ? pour quel mar­ché du tra­vail ?. Nous allons notam­ment insis­ter sur les deux com­po­santes, à la fois artis­tiques et tech­niques, liées au tra­vail du son. En France, com­pa­rée aux Etats-Unis, notre « excep­tion cultu­relle » fait que le ciné­ma est de pré­fé­rence consi­dé­ré comme un art, plus qu’une indus­trie. Par consé­quent, le réa­li­sa­teur n’est pas un Maître d’œuvre sala­rié, garant du bon achè­ve­ment du film, mais davan­tage un créa­teur, un artiste et il est consi­dé­ré comme tel.

Dans les années 1950 et 60, en ciné­ma comme en musique, la for­ma­tion des tech­ni­ciens et des ingé­nieurs du son s’effectuait par une trans­mis­sion directe sur le ter­rain, dans une logique de com­pa­gnon­nage. Les solu­tions tech­niques et les outils étaient simples à maî­tri­ser, le métier appe­lait à faire preuve d’astuce, et à recou­rir, le cas échéant, au sys­tème D. Le tra­vail de l’ingénieur du son, du « recor­der », ne consis­tait pas à résoudre des équa­tions dif­fé­ren­tielles ou à maî­tri­ser des logi­ciels com­plexes sur une confi­gu­ra­tion infor­ma­tique sophis­ti­quée. Les consoles étaient rudi­men­taires, sans beau­coup de pistes, ni de pro­ces­seurs audio. Le son devait être fait avant la prise, et impos­sible à « répa­rer » au mixage. On savait que les machines enre­gis­treuses et les lec­trices avaient leurs défauts, on les connais­sait, on les contour­nait. Une autre tour­nure d’esprit, par rap­port à aujourd’hui, où le vir­tuel règne en image comme en son.

Dans l’esprit des gens, la notion « d’ingénieur du son » reste assez vague. En pré­pa­rant cette table ronde, j’ai eu l’idée de lan­cer une recherche sur la fonc­tion dans Google et sur les sites orien­tés « métier » ; le résul­tat est assez amu­sant. Je ne résiste pas à vous lire cette fiche des­crip­tive : « Ingé­nieur du son (ciné­ma). Appe­lé aus­si Chef-Opé­ra­teur du son. Jusque-là, tout va bien… C’est lui qui assure au ciné­ma toute la par­tie sonore d’un film : ambiances, bruits, dia­logues. Mau­vaise acous­tique ? Il fau­dra peut-être déci­der d’un autre lieu de tour­nage ! Sur place, avec sa bat­te­rie de micros, il fait la peau à tous les bruits para­sites, et veille à ce que l’enregistrement des dia­logues soit par­fait. Comme le réa­li­sa­teur, son tra­vail ne s’arrête pas au der­nier clap. Artiste, il jongle aus­si avec les sons addi­tion­nels – voix-off, brui­tages, musique. Il tra­vaille en col­la­bo­ra­tion étroite avec l’assistant du son qui place les micros, et le mixeur qui fixe tous les sons sur une même bande. Ensuite, le mon­teur son prend la relève : sa tâche consiste à caler le son sur les images. L’ingénieur du son peut être ame­né aus­si à faire des prises de son en stu­dio d’enregistrement, retra­vailler les aigus et les graves, sono­ri­ser des spec­tacles. Il est char­gé, pour les musi­ciens, du réglage des ins­tru­ments et des micros, de la sono­ri­sa­tion de la salle ».

Une vision un peu exo­tique, en fait : au ciné­ma, ce serait l’ingénieur du son qui fait tout ! En revanche, le texte d’intro est bien vu : mi-artiste, mi-tech­ni­cien, l’ingénieur du son est le res­pon­sable de tout l’univers sonore d’un film. Un poste envié, mais où les places sont chères.

Je suis sor­ti de l’école Louis Lumière en 1984. Il n’existait alors que très peu d’écoles de son en France, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, aus­si bien à Paris qu’en pro­vince. Un mar­ché qui s’est bien déve­lop­pé dans les années 90, mais où de nom­breuses ques­tions se posent à pré­sent, l’univers du son pro­fes­sion­nel ayant évo­lué consi­dé­ra­ble­ment ces dix der­nières années. Dans une for­ma­tion au son, il est facile de prendre un tableau, d’y écrire des équa­tions décri­vant des phé­no­mènes acous­tiques ou élec­tro­niques, et de pré­tendre que si on a tout com­pris, on sau­ra prendre le son. Il s’avère que c’est un peu plus com­pli­qué que ça… Nous allons pou­voir dis­cu­ter de cet aspect avec les inter­ve­nants de cette table ronde, où se côtoie­ront les direc­teurs et les res­pon­sables de for­ma­tion de dif­fé­rents éta­blis­se­ments, ain­si que des mixeurs, plus pré­ci­sé­ment deux mixeuses qui ont sui­vi un par­cours bien dif­fé­rent. Elles nous décri­ront leurs acti­vi­tés actuelles — où les fron­tières entre postes ne sont plus aus­si figées qu’avant — et où, sans aller jusqu’à l‘ingénieur du son Super­man qui fait tout le film, un mixeur ou un pre­neur de son de direct peut aus­si faire du mon­tage son.

Il est dif­fi­cile pour des tech­ni­ciens du son de s’en tenir à une vision tech­ni­co-tech­nique de leur métier, qui consis­te­rait à tou­jours appli­quer les mêmes recettes tech­no­lo­giques, quelle que soit la situa­tion. La for­ma­tion au son, selon moi, doit insis­ter sur cet aspect. Les métiers du son sont des pro­fes­sions de pas­sion­nés, ceux qui arrivent en for­ma­tion pos­sèdent, en prin­cipe, des acquis. Le niveau d’admissibilité dans les écoles de son a beau­coup aug­men­té ces der­nières années. L’école Louis Lumière — alors Lycée tech­nique — recru­tait, il y a vingt cinq ans, au niveau Bac, et for­mait à un BTS Ciné­ma « option son » — même si ceux qui réus­sis­saient le concours d’entrée venaient, pour la plu­part, d’une Math spé, d’un DEUG de maths ou de phy­sique. Claude, qu’en est-il aujourd’hui ?

Claude Gazeau — Res­pon­sable de la For­ma­tion son à l’École Natio­nale Supé­rieure Louis Lumière : Voi­ci quatre ans, cette for­ma­tion est deve­nue un Mas­ter 2. C’est l’équivalent d’un bac+5 euro­péen. En consé­quence, la durée de la for­ma­tion est pas­sée à trois ans.

Franck Ernould : Les pro­grammes ont-ils fait l’objet d’une remise à niveau ?

Claude Gazeau : Je vais avoir du mal à répondre à cette ques­tion, n’étant pro­fes­seur à Louis Lumière que depuis deux ans. Les pro­grammes ont de toute façon chan­gé par l’apport tech­no­lo­gique et la com­plexi­té crois­sante de nos métiers. Pour ce qui concerne la for­ma­tion, il faut suivre, et nous allons beau­coup plus loin désor­mais, au niveau technologique.

Franck Ernould : C’est vrai qu’en allant voir sur le site Web de l’école, j’ai remar­qué que l’équipement tech­nique des stu­dios n’a rien à voir avec ce dont nous dis­po­sions en 1982/84

Claude Gazeau : Nous avons aban­don­né la pel­li­cule et la bande magné­tique, pour uti­li­ser en for­ma­tion les tech­no­lo­gies que nos étu­diants trou­ve­ront lorsqu’ils arri­ve­ront sur le mar­ché du tra­vail. On essaie, en per­ma­nence, de col­ler à la réalité.

Franck Ernould : Existe-t-il tou­jours un concours d’admission ?

Claude Gazeau : Tout à fait, au niveau Bac+2. Les épreuves d’admission se divisent en deux par­ties : la pre­mière est très orien­tée « maths/physique » — il faut vrai­ment avoir un niveau Math spé pour réus­sir. Les meilleurs ont accès à la deuxième par­tie du concours, plus orien­tée « culture géné­rale » et inté­rêt pour le son : un écrit et un entretien.

Franck Ernould : Au niveau du BTS de Bou­logne, ça se passe comment ?

Ray­mond Yana, Res­pon­sable de la for­ma­tion BTS Audio­vi­suel à Bou­logne-Billan­court : En prin­cipe, nous recru­tons à par­tir de la ter­mi­nale, mais compte tenu de la demande, il nous arrive d’aller jusqu’à Bac+1. Il y a cinq options au BTS Audio­vi­suel : pour l’option « son », nous recru­tons en sor­tie de bacs scien­ti­fiques, S ou STI. Nous rece­vons chaque année 500 à 600 dos­siers pour douze places, on convoque envi­ron soixante can­di­dats aux entre­tiens — en s’assurant de leur moti­va­tion, de la connais­sance du métier, et sur le fait d’être plus atti­rés par la tech­nique que par les paillettes. Nous choi­sis­sons douze can­di­dats sur liste prin­ci­pale, et nous consti­tuons une liste d’attente de vingt.

Franck Ernould : Claude, vous avez les mêmes chiffres ?

Claude Gazeau : Au der­nier concours « son », il y avait trois cents pré­ten­dants pour seize places. C’est un nombre constant depuis une dizaine d’années.

Franck Ernould : Nous étions plus nom­breux au concours en 1982 — six cents can­di­dats pour vingt places. Mais à l’époque, il exis­tait moins de for­ma­tions alternatives…

Claude Gazeau : C’est exact et d’autre part, depuis l’introduction du sta­tut Mas­ter 2, la for­ma­tion « son » de l’école abou­tit à trois Majeurs en der­rière année : une Majeur « scé­no­gra­phie » — spec­tacle vivant, mise en place d’installations ; une Majeur « ciné­ma » qui, comme son nom l’indique, concerne la prise de son et le mixage ciné­ma ; et une Majeur « docu­men­taire », qui quitte un peu le strict domaine sonore, pour s’intéresser à la façon d’écrire une his­toire, un docu­men­taire, et de le réa­li­ser au niveau sonore, en radio par exemple.

Franck Ernould : Mike, com­bien as-tu d’élèves au SAE Institute ?

Mike Brück : Ici, en France, ça varie entre trois cent cin­quante et quatre cent vingt étu­diants à l’école, répar­tis dans une dizaine de for­ma­tions dif­fé­rentes : d’une for­ma­tion ini­tiale jusqu’au Mas­ter. L’école dis­pense aus­si des petites for­ma­tions « grand public », genre Res­pon­sable de la salle poly­va­lente d’une petite ville qui orga­nise son bal du 14 juillet. On peut aller jusqu’à un Doctorat.

En fait, j’ai aus­si plu­sieurs cas­quettes : je repré­sente non seule­ment notre école en France, mais aus­si tout le groupe, qui a des centres de for­ma­tion dans le monde entier — une cin­quan­taine en tout. Le SAE Ins­ti­tute pos­sède éga­le­ment un label, un groupe de stu­dios pro­fes­sion­nels, avec un côté très anglo-saxon.
J’ai pris mes fonc­tions en France, en 1993. J’habite nor­ma­le­ment en Aus­tra­lie — je devrais donc être à la plage en ce moment — mais je suis prin­ci­pa­le­ment en France. Après quinze ans, je n’ai tou­jours pas com­pris le sys­tème sco­laire fran­çais ! Les DEUG, les BTS et autres… Nous voyons les choses un peu dif­fé­rem­ment, avec une approche plus prag­ma­tique, plus orien­tée « busi­ness ». Si tu peux, tant mieux ; si tu ne peux pas, tant pis.

Franck Ernould : Il y a un tri à l’entrée du SAE Institute ?

Mike Brück : Pour les for­ma­tions « grand public », il y a de la place pour qua­rante per­sonnes ; elles durent six mois — pre­miers arri­vés, pre­miers ser­vis. Pour les for­ma­tions « diplô­mantes », il y a un concours d’entrée, niveau Bac mini­mum. Ce qui compte pour nous, c’est de connaître qui est la per­sonne qu’on a en face de nous.
Elle se pré­sente par une lettre de moti­va­tion, on lui fait faire un test de connais­sances : culture géné­rale, tests de phy­sique et de mathé­ma­tique, un peu d’acoustique. Quelqu’un qui n’a jamais tou­ché à un cla­vier et une sou­ris, ce n’est peut-être pas la peine de pour­suivre ; ce qui nous inté­resse, c’est son carac­tère. Notre but : com­prendre si la per­sonne est suf­fi­sam­ment inté­res­sée par la formation.

Franck Ernould : Gil­bert Per­ei­ra, vous repré­sen­tez le CPNEF. Par rap­port aux éta­blis­se­ments que nous venons de citer, quelle est la différence ?

Gil­bert Per­ei­ra — CPNEF (Com­mis­sion Pari­taire Natio­nale Emploi-For­ma­tion) : Ce n’est pas du tout le même domaine. La Com­mis­sion traite de l’ensemble des métiers de l’Audiovisuel. Elle les recense, regroupe l’ensemble des par­te­naires sociaux pour débattre de nos métiers, de leur évo­lu­tion, et se charge d’établir une ges­tion pré­vi­sion­nelle des emplois et des for­ma­tions. À terme, la Com­mis­sion peut même émettre un avis sur les conven­tions collectives.

Franck Ernould : Vous pou­vez donc avoir une influence sur le conte­nu des ensei­gne­ments, le pro­fil des postes ?
Gil­bert Per­ei­ra : Nous n’en sommes actuel­le­ment pas à cette pré­ci­sion, à ce détail, mais nous agis­sons plus sur l’emploi et les besoins de for­ma­tion. Là, il y a effec­ti­ve­ment un cer­tain nombre de pres­crip­tions, par exemple dans le domaine du spec­tacle vivant. Il y en aura aus­si à terme en ciné­ma-audio­vi­suel, mais sous quels délais, je suis inca­pable de vous le dire : ces com­mis­sions pari­taires regroupent, par défi­ni­tion, employeurs et sala­riés, plus l’administration.

Franck Ernould : Laure Arto et Natha­lie Vidal sont toutes les deux mixeuses. Elles ont réus­si les concours d’entrée et les exa­mens de sor­tie d’écoles de ciné­ma et d’audiovisuel. Elles tra­vaillent depuis des années. J’aimerais bien connaître votre par­cours, à cha­cune… Répon­dez-vous au por­trait-robot du fort en maths/physique/musicien ? Com­ment ça s’est pas­sé (après) la sor­tie de l’école ?

Laure Arto — mixeuse : J’ai pas­sé un Bac C, aujourd’hui S ; j’ai ensuite fait un DEUG de maths, et une for­ma­tion acces­sible au niveau Bac+2 à la MST de Brest — Maî­trise de Science et Tech­nique — image et son. On en sort avec une Maî­trise, niveau Bac+4 : donc, je crois que c’est deve­nu un Mas­ter, maintenant.

Franck Ernould : C’est une for­ma­tion vrai­ment audiovisuelle…

Laure Arto : Tout à fait, assez géné­ra­liste sur l’image et le son en pre­mière année, plus spé­cia­li­sée en deuxième. En pre­mière année, par exemple, j’ai fait du mon­tage image sur Avid, par exemple.

Par la suite j’ai effec­tué plu­sieurs stages — notam­ment aux audis Jack­son — socié­té que j’ai inté­grée après un stage de deux mois, et qui fait par­tie du groupe Télé­to­ta, repré­sen­té ce matin par Chris­tophe Mas­sie. J’ai tra­vaillé 8 ans comme « recor­der » — c’est du jar­gon ciné­ma, ça signi­fie « assis­tant son en audi­to­rium ». Ça consiste à accueillir l’équipe de mixage du film sur toute la durée du mixage, c’est-à-dire plu­sieurs semaines. On est très proche du mixeur, cela consiste à mettre en place toute la confi­gu­ra­tion, pour satis­faire tous ses besoins techniques.

Franck Ernould : Tu fais l’interface entre lui et l’auditorium…

Laure Arto : Voi­là… Il y a du maté­riel tech­nique propre au stu­dio, mais il peut aus­si y avoir du maté­riel de loca­tion, qu’il faut bran­cher, confi­gu­rer… Tous les mixeurs ne tra­vaillent pas de la même manière, il faut s’adapter. Pen­dant huit ans, j’ai tra­vaillé entre Jack­son et Audi­tel. Depuis deux ans je tra­vaille en free-lance, essen­tiel­le­ment comme mixeuse, mais je fais aus­si du mon­tage son, ou j’enregistre des bruitages…

Franck Ernould : Et toi, Nathalie ?

Natha­lie Vidal : Je n’ai pas du tout un par­cours scien­ti­fique. Je suis plu­tôt lit­té­raire, j’ai arrê­té les maths en seconde. Je fai­sais beau­coup de musique, j’ai enchaî­né sur une fac de musi­co­lo­gie, j’ai sou­te­nu une Maî­trise, mon mémoire était consa­cré à la musique de film. Très vite, j’ai dévié sur la bande son au ciné­ma. À cette occa­sion j’ai réa­li­sé que c’était le son en géné­ral qui m’intéressait dans son rap­port à l’image, plu­tôt que l’aspect exclu­sif de la musique de film.

J’ai pas­sé le concours la FEMIS deux fois, j’ai tra­vaillé, je pre­nais tous les stages qui se pré­sen­taient — pas seule­ment en son, mais en régie, en réa­li­sa­tion. Ce qui m’a per­mis de connaître la réa­li­té du ter­rain, avant d’intégrer la FEMIS. Je suis très contente que la FEMIS ait été créée pour rece­voir des gens dont le par­cours ne cor­res­pond pas for­cé­ment à celui exi­gé par d’autres écoles : Louis Lumière, par exemple. Si j’avais vou­lu pas­ser le concours de Louis Lumière, j’aurais dû refaire un an, voire plus, de remise à niveau.

J’ai fait par­tie de la troi­sième pro­mo­tion de la FEMIS. Depuis, les choses ont un peu chan­gé, mais au niveau du recru­te­ment, la porte reste ouverte à des per­sonnes qui n’ont pas un par­cours pure­ment mathé­ma­tique ou scien­ti­fique. A la sor­tie de l’école, ça s’est bien pas­sé, et je touche du bois, ça conti­nue depuis…

Franck Ernould : Tu as enchaî­né des stages ?

Natha­lie Vidal : C’est le par­cours habi­tuel ! Cela dit, avec Bac+4, on a déjà envie de tra­vailler… Lors de mes pre­miers stages avant la FEMIS — notam­ment un, en mon­tage — j’ai été bien conseillée, parce qu’il exis­tait aus­si la for­ma­tion « sur le tas ». J’étais prête à me lan­cer, mais on m’a fait com­prendre qu’en son, ce serait peut-être bien d’avoir des bases plus pré­cises et plus tech­niques en fai­sant une école. Sur­tout qu’en post-pro­duc­tion, le pas­sage au numé­rique a beau­coup chan­gé la donne pour les stagiaires.

Bref, en sor­tant de l’école, j’ai enchaî­né avec le cir­cuit clas­sique : courts métrages, assis­ta­nat. Comme la FEMIS pré­pare à l’ensemble des métiers — prise de son, mon­tage son, mixage — j’ai mis un cer­tain temps pour arri­ver au mixage, mais je suis contente d’être pas­sé par tous les postes. L’assistanat m’a beau­coup appris, aussi.

Franck Ernould : Reve­nons sur ce pas­sage au numé­rique qui fait qu’on a moins besoin d’assistants. Les gens se débrouillent tout seuls. En audi­to­rium, l’assistant « recor­der » se retrouve par­fois à gérer simul­ta­né­ment trois ou quatre séances, ce qui n’est pas idéal pour prendre le temps de se mettre à la console, à côté d’un mixeur, et de regar­der com­ment il fait, com­ment il résout les difficultés.

Un autre point pri­mor­dial du métier, dont on ne parle pas assez selon moi, est : Com­ment un ingé­nieur du son gère les aspects psy­cho­lo­giques, les rela­tions humaines avec les gens qui sont à côté ou der­rière lui ? C’est vrai­ment impor­tant, et à Louis Lumière, on ne m’en a jamais parlé…

Claude Gazeau : On en parle un peu plus aujourd’hui. Je vou­drais reve­nir sur ce qu’a dit Natha­lie : C’est vrai que le numé­rique a pro­duit une espèce de dis­tan­cia­tion sur un cer­tain nombre de choses. Mais en même temps, je trouve que pour ceux qui ont mon âge ou un peu plus, qui ont connu le « recor­der » de l’époque, celui à qui on par­lait au tra­vers d’un inter­phone, et à qui on disait :« Charge-moi la bobine 2 », c’était un peu comme une machine là-haut, tous ces « défi­leurs » iden­tiques, syn­chro­ni­sés ; il pou­vait y en avoir dix ou quinze char­gés en 35mm magné­tique, sur un seul mixage. Le numé­rique a contri­bué à rap­pro­cher l’assistant de l’auditorium, du mixeur et des opé­ra­tions de mixage.

Natha­lie Vidal : En fait, je par­lais sur­tout de l’assistant en mon­tage image ou en mon­tage son. Le mon­teur est aujourd’hui assez iso­lé. Le mon­teur image aura un assis­tant qui vient après la jour­née de tra­vail pour faire de la « ges­tion », mais la notion de sta­giaire ne fait plus par­tie de l’équipe, du coup, plus d’apprentissage. J’ai des sou­ve­nirs, en tant que sta­giaire, de ran­ge­ment de chutes dans la salle de mon­tage où l’on était phy­si­que­ment ensemble toute la jour­née. On assis­tait à l’élaboration du film, avec toutes les pro­blé­ma­tiques dont on se nour­ris­sait pour avan­cer sur le tra­vail : la col­la­bo­ra­tion avec le réa­li­sa­teur, l’historique du film, com­ment résoudre les pro­blèmes. Ce ne sont pas seule­ment des clics de souris !

Franck Ernould : Gilles, comme tu le pré­ci­sais tout à l’heure, ton domaine pro­fes­sion­nel est davan­tage celui du spec­tacle vivant… Même si la notion de « spec­tacle vivant » est quand même assez large ! Tu retrouves cer­taines des pro­blé­ma­tiques, des thèmes déjà évoqués ?

Gilles Hugo : On peut dire qu’il y a le ciné­ma d’un côté et le spec­tacle vivant de l’autre, avec l’Audiovisuel au milieu qui com­mu­nique avec les deux. Clai­re­ment, quand on parle de ciné­ma, ce n’est pas du tout mon uni­vers, mais l’Audiovisuel, c’est le même monde. Aujourd’hui, un « sono­ri­sa­teur » peut aus­si bien se retrou­ver aux com­mandes d’une console sur le pla­teau de la Star Ac’ — avec dif­fu­sion en direct — que sur une tour­née musi­cale. Le stu­dio d’enregistrement « musique » à l’ancienne n’existe pra­ti­que­ment plus : le Pro Tools a enva­hi les chambres d’étudiants, mais aus­si les régies de sono­ri­sa­tion – ce qui impose néces­sai­re­ment une connais­sance de l’enregistrement mul­ti­piste, à défaut du mixage.

Le monde a vrai­ment chan­gé. Il n’y a plus vrai­ment de bar­rières, il y a des spé­cia­li­tés. Je dis sou­vent que ça res­semble à la com­pé­ti­tion auto­mo­bile : Si Michael Schu­ma­cher s’engage au ral­lye de Monte-Car­lo, il ne le gagne­ra peut-être pas la pre­mière année, mais l’année sui­vante, il le gagne­ra sûre­ment. Et si un très bon pilote de ral­lye veut pas­ser à la For­mule 1, il ne gagne­ra pas de Grand Prix cette année, mais dans un an, sûrement.
Dans nos métiers, c’est glo­ba­le­ment sem­blable : je pense qu’un assis­tant pas­se­ra assez faci­le­ment du spec­tacle vivant à l’Audiovisuel, un ingé­nieur du son aus­si — avec des limites évidemment.

Je rap­pelle sou­vent, et là je rejoins ce qui a été dit avant, que nos métiers, notam­ment sur les postes de res­pon­sa­bi­li­té — ce qui inclut, pour moi, l’assistant qui pose un micro cra­vate HF sur un invi­té ; s’il le pose mal, le meilleur ingé­nieur du son avec le maté­riel le plus per­for­mant, ne pour­ra pas « sor­tir » la voix de l’invité — c’est 40% de diplo­ma­tie, 40% de psy­cho­lo­gie et 20% de tech­nique. Si on n’a pas les 20% de tech­nique, ce n’est pas la peine d’essayer ; si on est un excellent tech­ni­cien, mais qu’on n’a vrai­ment pas de dis­po­si­tion à la psy­cho­lo­gie ou à la diplo­ma­tie, il faut res­ter chez soi… Là on est à 100%: au-des­sus ça s’appelle le talent. On peut en avoir, ça peut aider, mais hon­nê­te­ment, dans 99% des situa­tions, c’est pas le problème.

Franck Ernould : Quel a été ton par­cours, Gilles ?

Gilles Hugo : J’ai le par­cours inverse de ceux qui ont par­lé jusqu’ici. Au départ, je mana­geais des artistes. C’était dans les années 1970. Il y avait alors très peu d’écoles de son, on ne par­lait pas d’audiovisuel, à part Louis Lumière qui ser­vait à for­mer, entre autres, les gens de l’ORTF — on était encore à l’époque de l’Office. J’ai été le pre­mier ingé­nieur du son free lance à la télé­vi­sion fran­çaise, sur une émis­sion de Michel Dru­cker, qui a été le pre­mier ani­ma­teur à faire une émis­sion hors des pla­teaux télé de la SFP, pour ne pas avoir à gérer les syn­di­cats maison.

Gil­bert Per­ei­ra : En 1962, avec l’arrivée de la deuxième chaîne, les pres­ta­taires de ser­vice ont com­men­cé à exis­ter, et tous les diplô­més « son » de Louis Lumière — on disait Vau­gi­rard à l’époque — pas­saient par la télévision.

Gilles Hugo : Donc, je mana­geais des artistes. Un jour, l’ingénieur du son qui devait assu­rer une tour­née est par­ti. Je ne connais­sais rien au son, mais je connais­sais bien la musique, et je me suis mis à la console de sono­ri­sa­tion. J’ai de plus en plus tra­vaillé à ce poste, de moins en moins comme mana­ger. Quelques années plus tard, Michel Dru­cker a mon­té une émis­sion dans un théâtre, dans les condi­tions du spec­tacle vivant, hors pla­teau de télé. On est en 1980 : il exis­tait alors un déca­lage ter­rible entre le « ser­vice public du son » et le son en concert, où l’on inven­tait lit­té­ra­le­ment la sono­ri­sa­tion moderne depuis déjà quelques années. Les gens du ter­rain construi­saient plus d’enceintes qu’ils n’en ache­taient. Je suis ren­tré chez Dru­cker, et de fil en aiguille, je me suis retrou­vé à faire le son de cen­taines d’émissions, notam­ment pour Canal+ : Les Nuls, Nulle part ailleurs… et les Vic­toires de la Musique.

J’ai mon­té ma socié­té — qui s’appelle Silence — assez vite. En tant qu’employeur, je me suis retrou­vé à employer des gens venant des écoles. Là j’ai une vision un peu dif­fé­rente. D’une part, je les accueille dans le cadre d’un stage d’études — avec conven­tion de stage d’école — y com­pris des élèves sor­tant d’établissements, dont nous avons des repré­sen­tants ici. Par ailleurs, avec nous, le sta­giaire parle de son école d’une façon un peu dif­fé­rente qu’à ses parents — qui paient 7000 euros par an — ou de ce qu’il dit à ses pro­fes­seurs. Nous avons aus­si une approche dif­fé­rente : A la seconde où l’on envoie un sta­giaire sur une opé­ra­tion, par exemple « : Va bran­cher le retour », et qu’on le voit par­tir avec la mau­vaise XLR, on attend qu’il ait tout dérou­lé, qu’il soit au bout de ses 100 mètres de câble, avec la mau­vaise prise au bout, et on lui dit « : D’accord, tu as un Pro Tools chez toi, tu fais DJ le week-end, tu as des grandes connais­sances de son, tu as un an et demi d’école, c’est for­mi­dable ! Voi­là, main­te­nant, on va repar­tir de la base, retour­ner à l’atelier, et t’apprendre la dif­fé­rence entre une XLR mâle et une XLR femelle… »… Ce qui est de moins en moins pra­ti­qué dans les écoles.

Il se trouve qu’on emploie beau­coup de per­sonnes sor­tant des écoles, et là, je rejoins ce qui a été dit avant : la néces­si­té de faire évo­luer la struc­tu­ra­tion des pro­fes­sions, parce qu’on a beau s’appeler « ingé­nieur du son », on n’est pas ingé­nieur pour autant. Appe­lons les choses par leur nom : il y a des tra­di­tions en ciné­ma, en télé­vi­sion, en spec­tacle vivant, il faut les nor­ma­li­ser. Du point de vue tech­nique, il y avait jusqu’à pré­sent, beau­coup de conven­tions col­lec­tives, et des « champs » où il n’existait rien. La nor­ma­li­sa­tion des sec­teurs d’activité passe par des conven­tions col­lec­tives, par des lois sociales. Nous avons aujourd’hui — à la suite de la demande for­mu­lée voi­ci trois gou­ver­ne­ments — huit conven­tions col­lec­tives, plus une, pour ran­ger, caser tout le monde. Elles ne sont pas toutes signées, excep­té la conven­tion pour la pres­ta­tion tech­nique. J’étais un ardent défen­seur du regrou­pe­ment de l’Audiovisuel et du spec­tacle vivant, au contraire de ceux qui conti­nuent de dire qu’il faut les sépa­rer. Je pense que ce regrou­pe­ment est moti­vé, parce que dis­tin­guer « spec­tacle vivant » et « spec­tacle enre­gis­tré », ne cor­res­pond plus à la réa­li­té. Je ne connais pas un seul show de varié­tés sans camé­ras, pour ali­men­ter les grands écrans der­rière les chan­teurs et les ani­ma­teurs, et aucun show « live » qui ne soit pas enre­gis­tré. On se sert des tech­niques audio­vi­suelles dans les spec­tacles vivants, et pour faire beau­coup de télé­vi­sion, je sais que si la télé­vi­sion ne fai­sait pas appel aux tech­niques du « live », il n’y aurait pas les lumières que l’on peut y voir main­te­nant, et sûre­ment pas le son– — en par­ti­cu­lier le son pla­teau. Si je prends l’exemple du son d’une émis­sion « hau­te­ment cultu­relle » comme la Star Ac’ fait par Silence, nous uti­li­sons simul­ta­né­ment pas moins de 180 micros, dont 80 HF. Dans toutes les écoles, on explique que c’est impos­sible à faire, alors que ce sont typi­que­ment des tech­niques issues du spec­tacle vivant, qu’on apporte de la comé­die musi­cale. Les pas­se­relles sont deve­nues des via­ducs… À part la notable excep­tion du ciné­ma — qui réus­sit à être un peu à part — on y uti­lise de plus en plus le HF, et les mêmes techniques.

Bref, j’emploie les élèves sor­tant des écoles de son fran­çaises , en essayant de leur apprendre le métier.
Franck Ernould : Voi­là une ques­tion que je vou­lais poser, à Ray­mond Yana : à leur sor­tie de l’école, leur BTS en poche, que font les élèves ? Ils tra­vaillent direc­te­ment, ayant reçu des pro­po­si­tions dès l’école, ou ils enchaînent sur une autre for­ma­tion pour se spécialiser ?

Ray­mond Yana : Avant de par­ler de ce qu’ils font en sor­tant de l’école, je vais finir d’expliquer ce qu’ils font à l’école ! Je vous ai par­lé de ceux qui entraient en for­ma­tion ini­tiale, mais nous avons éga­le­ment une qua­ran­taine de sta­giaires qui sont en for­ma­tion en alter­nance. Ils sont sala­riés d’une entre­prise, et ils viennent chez nous…

Franck Ernould : Pour se perfectionner ?

Ray­mond Yana : Non, pour pré­sen­ter le diplôme ! Leur for­ma­tion est diplô­mante, dans le cadre des contrats de professionnalisation.
Nous accueillons par­fois des per­sonnes pour faire des com­plé­ments de for­ma­tion, dans le cadre d’une VAE — Vali­da­tion des Acquis par l’Expérience — mise en place depuis quelques années. Après trois ans d’expérience pro­fes­sion­nelle, on peut pré­tendre à ce diplôme, en fai­sant vali­der son expérience.
Main­te­nant, je réponds à la ques­tion. Lorsqu’ils sortent, cer­tains étu­diants sou­haitent pour­suivre leurs études. Beau­coup consi­dèrent que les deux années de BTS leur apportent une for­ma­tion pra­tique et tech­nique. Ils s’inscrivent ensuite une année en uni­ver­si­té, puisqu’il existe des équi­va­lences — un BTS repré­sen­tant cent vingt cré­dits euro­péens. Cer­taines uni­ver­si­tés les accueillent, et ils pro­fitent de cette année-là, où ils ont un sta­tut, pour faire une for­ma­tion com­plé­men­taire plus théo­rique, et pré­pa­rer leur concours, que ce soit celui de Louis Lumière ou la FEMIS.

Franck Ernould : Ça repré­sente com­bien d’étudiants par an ?

Ray­mond Yana : 25% des étu­diants conti­nuent après le BTS.

Franck Ernould : Et pour ceux qui sortent et qui travaillent ?

Ray­mond Yana : C’est un peu com­pli­qué. Beau­coup nous disent qu’ils veulent faire comme métier « inter­mit­tent du spec­tacle ». On essaie de leur expli­quer que ce n’est pas fran­che­ment un métier, mais ils ont l’air de consi­dé­rer ça comme un label de qua­li­té… j’ignore à quoi c’est dû. Cer­tains tra­vaillent en CDI, mais il y en a beau­coup que je consi­dère — en ayant le sta­tut d’intermittents du spec­tacle — comme étant au chômage.

Franck Ernould : Dans quel domaine les retrouve-t-on ? Radio, sono­ri­sa­tion, cinéma ?

Ray­mond Yana : Ça se répar­tit. Pas beau­coup en ciné­ma, dans ce domaine, avec un BTS, les pos­si­bi­li­tés sont res­treintes à part pour les plus culot­tés, mais beau­coup n’y arrivent pas. À la télé­vi­sion, bien sûr, puisqu’à l’occasion de stages, les étu­diants ont l’opportunité de se faire connaître et de mon­trer qu’ils savent faire la dif­fé­rence entre XLR mâle et femelle, pour reprendre l’anecdote de Gilles Hugo… Ceux qui réus­sissent la démons­tra­tion, sont sou­vent sol­li­ci­tés pour reve­nir tra­vailler à la sor­tie de l’école.
Cer­tains tra­vaillent aus­si dans le spec­tacle vivant, en sono­ri­sa­tion. Dans les cri­tères de recru­te­ment figure aus­si cet aspect artis­tique, je crois aus­si que c’est le thème du débat : tous nos étu­diants sont musi­ciens. Tous. Ce n’est pas un cri­tère de sélec­tion, mais le hasard fait qu’ils sont tous musiciens.

Claude Gazeau : À Louis Lumière également !

Franck Ernould : C’est vrai, dans ma pro­mo, nous étions tous musiciens.

Ray­mond Yana : Beau­coup d’entre eux sou­haitent faire cette for­ma­tion pour pro­lon­ger la pas­sion qu’ils ont pour la musique, évi­dem­ment en se tour­nant vers la cap­ta­tion, la sono­ri­sa­tion ou l’enregistrement musique.

Franck Ernould : Mike, le SAE Ins­ti­tute était voi­ci quelques années, sur­tout éti­que­té « musique » stu­dio, vu l’historique de la SAE. A pré­sent, j’ai l’impression qu’on retrouve aus­si tes élèves dans l’Audiovisuel. La for­ma­tion s’est inflé­chie pour aller dans ce sens ?

Mike Brück : Le terme « School of Audio Engi­nee­ring » a été aban­don­né voi­ci dix ans, rem­pla­cé par le terme SAE Ins­ti­tute, plus géné­ral. Audio, c’était spé­ci­fi­que­ment le stu­dio, enre­gis­tre­ment et mixage. Depuis une dizaine d’années, on a rajou­té des acti­vi­tés « mul­ti­mé­dia ». J’en fai­sais déjà à Syd­ney en 1986, mais à l’époque, per­sonne ne savait ce que signi­fiait ce mot…

L’image et le son vont ensemble. Le SAE Ins­ti­tute de Paris se trouve à la Plaine Saint-Denis, à quelques mètres des pla­teaux de télé­vi­sion où sont tour­nées, jus­te­ment, des émis­sions comme la Star Ac’, qu’on men­tion­nait tout à l’heure. Nous sommes voi­sins : la semaine der­nière, Brit­ney Spears était l’invitée et c’était assez mou­ve­men­té dehors ! Sans oublier Car­la Bru­ni, qui est arri­vée accom­pa­gnée d’une cen­taine de gen­darmes, c’était très sym­pa… À proxi­mi­té de chez nous, il y a aus­si les stu­dios de dou­blage Dub­bing Bro­thers, où de plus en plus tra­vaillent nos anciens étu­diants. En fait, j’en croise sou­vent qui tra­vaillent dans les EMGP, du télé-achat à Nagui…

Je suis d’accord avec ce qu’a dit Gilles Hugo : la tech­no­lo­gie, ça fait peut-être 20%, mais, aujourd’hui, si on ne maî­trise pas par­fai­te­ment les rac­cour­cis cla­vier de Pro Tools ou d’Avid, on est mort … Mais la qua­li­té essen­tielle, c’est d’avoir un cer­tain carac­tère. On voit de plus en plus de jeunes qui pensent qu’une cas­quette, les fringues et un Pro Tools à la mai­son, ça fait un grand pro­duc­teur. Évi­dem­ment ce n’est pas vrai ! De toute façon, quand les étu­diants me demandent quoi faire après l’école, je leur dis : « Si tu vas dans un stu­dio qui ne fait que de la musique, fais atten­tion ! Va plu­tôt là où il y a aus­si de l’image ». Aujourd’hui, n’importe quelle chan­son a besoin d’un clip — l’ingénieur du son est donc for­cé­ment confron­té au monde de l’image. Syn­chro­ni­sa­tion, ter­mi­no­lo­gie du time code, c’est par­tout ! Nous avons d’anciens étu­diants qui font des ins­tal­la­tions mul­ti­mé­dia dans des super­mar­chés Leclerc, par exemple. Il n’y a pas que l’industrie du ciné­ma ou de la télévision !

Ce qu’on demande aux étu­diants, c’est d’être le plus poly­va­lent pos­sible. L’industrie ne s’arrête pas à la fron­tière fran­co-belge ou fran­co-alle­mande, le busi­ness de l’audio est inter­na­tio­nal, le métier aus­si. C’est pour ça qu’on demande à nos étu­diants d’apprendre l’anglais. À par­tir d’un cer­tain bud­get de pro­duc­tion, tout le monde parle l’anglais !

Frank Ernould : L’anglais est vrai­ment la langue inter­na­tio­nale de l’audio. Si on veut lire Mix, Sound on Sound, Pro Sound News, Ins­tal­la­tion, bref les revues qui comptent, il faut bien connaître la langue…

Mike Brück : L’image est par­tout. Il existe des cen­taines de chaî­nesde télé dis­po­nibles qu’il faut rem­plir 24 heures sur 24. Aujourd’hui, quelqu’un qui ne vou­drait faire « que » du son, bonne chance ! Nor­ma­le­ment, on se trouve tout de suite confron­té à l’image, ce qui néces­site de savoir tra­vailler en équipe. Là aus­si, la per­sonne qui s’enferme avec des cen­taines de pistes sur son Pro Tools aura ten­dance à se perdre. Plus que jamais — même si on a tout chez soi — tra­vailler en équipe est extrê­me­ment impor­tant. Sinon, ça n’avance pas !

Gilles Hugo : Je par­tage à 100% l’avis de Mike. Une chose très juste a été dite ce matin à plu­sieurs reprises : c’est la notion de « culture géné­rale ». Les écoles de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle ont eu ten­dance à négli­ger cet aspect pen­dant de nom­breuses années, avant de se reprendre. Cer­taines écoles pri­vées qui avaient des cycles de trois ans ont récem­ment rajou­té à leur pro­gramme, ce qu’on va appe­ler une « année de remise à niveau ». Cette année sup­plé­men­taire offre un inté­rêt finan­cier non négli­geable pour l’école, mais elle est aus­si très inté­res­sante pour les étu­diants, quel que soit le champ d’activité, spec­tacle vivant ou enre­gis­tré. Il est clair qu’une per­sonne qui sono­rise ou enre­gistre un débat, et qui ne com­prend pas ce qui se dit, ne va sûre­ment pas anti­ci­per l’ouverture du micro : elle ne suit pas, elle ne sait pas ce que les gens racontent, c’est une situa­tion ter­ri­fiante. C’est un exemple sym­bo­lique, mais c’est exac­te­ment ça.

Dès que j’emploie des sta­giaires, je leur demande s’ils lisent le jour­nal, quelle radio ils ont écou­tée la veille ou le matin, et très vite, j’arrive à savoir ce que la per­sonne a dans la tête. C’est aus­si impor­tant que le sens du tra­vail en équipe qui est abso­lu­ment fon­da­men­tal. Très sou­vent, celui qui est embau­ché a su se faire accep­ter par l’équipe en place. Ce n’est pas le niveau tech­nique qui est en jeu, mais celui qui va être un excellent com­pa­gnon pour les autres. Ce qui veut dire dans notre sec­teur : acces­soi­re­ment, déchar­ger le camion, et aider l’autre à tirer le câble s’il voit qu’il est par­ti avec le mau­vais côté de la prise.

Il y a une uni­for­mi­sa­tion cer­taine des tech­niques, beau­coup plus que par le pas­sé. Aujourd’hui, nous pas­sons tous par la case « infor­ma­tique », ce qui per­met de faire plus de choses, mais qui est très for­ma­tée, beau­coup plus qu’avant. On voit donc arri­ver des per­sonnes qui ont reçu, glo­ba­le­ment, la même for­ma­tion. Mais ce qui fait la dif­fé­rence, c’est tout le reste, tout ce qui n’a rien à voir avec le son.

Franck Ernould : Ce n’est pas tou­jours facile à détec­ter lors d’un exa­men d’entrée ou même pen­dant les études ! Nous étions vingt dans ma pro­mo­tion à Louis Lumière, envi­ron la moi­tié tra­vaillent aujourd’hui dans le milieu du son, et occupent des postes très dif­fé­rents : l’un est Direc­teur mar­ke­ting chez un grand impor­ta­teur audio pro fran­çais, un autre est acous­ti­cien, un est au Pla­né­ta­rium, un autre sono­ri­sa­teur, un autre à la SFP… Les dix élèves res­tants ont com­plè­te­ment dis­pa­ru de la cir­cu­la­tion. Ce phé­no­mène existe-t-il encore aujourd’hui ? Est-ce un tri natu­rel, compte tenu de ce que nous venons d’évoquer ?

Claude Gazeau : Ils n’ont pas trou­vé leur place, c’est évident. Il leur man­quait sans doute l’étincelle et/ou la culture. L’aspect cultu­rel est vrai­ment impor­tant, là j’abonde à 300% dans le sens de ce qui a été dit par Gilles et Mike.

Franck Ernould : Les écoles de son passent pour des éta­blis­se­ments assez tech­niques, alors qu’en défi­ni­tive, la tech­nique a beau être indis­pen­sable, elle ne suf­fit pas…

Claude Gazeau : Je com­pare sou­vent l’ingénieur du son à l’instrumentiste qui doit lire une par­ti­tion sans pro­blème, et connaître son ins­tru­ment sur le bout des doigts. C’est seule­ment après ces acquis qu’on peut par­ler d’interprétation. Le même prin­cipe est appli­cable à nos métiers. On inter­prète des bandes son, on inter­prète des situa­tions humaines, on inter­prète en permanence.

Franck Ernould : On a aus­si des cas d’élèves qui rêvent de faire du son en pro­fes­sion­nel, parce que depuis l’âge de dix ou douze ans, ils ont un petit Cubase ou un Pro Tools à la mai­son, ils connaissent les menus par cœur et ils sont les cham­pions des rac­cour­cis cla­vier. Pour eux, tout le bou­lot est fait ! Ils vont dans une école en pen­sant qu’ils savent déjà tout…

Gilles Hugo : La tech­nique en elle-même, ce n’est rien du tout. L’important, c’est ce qu’on en fait. Nous sommes tous allés dans des concerts sono­ri­sés avec une console pour­rie et deux vieilles enceintes, mais le groupe jouait bien, le sono­ri­sa­teur était bon, on a pris énor­mé­ment de plai­sir. On a tous fré­quen­té des gros spectacles…j’ai fait une expé­rience épou­van­table au Stade de France voi­ci quelques semaines, avec Madon­na. Le maté­riel déployé, c’était le Salon du son, mais au niveau du son, c’était le Salon de la dou­leur ! Tota­le­ment inau­dible… En allant sur Inter­net, sur les blogs anglais ou alle­mands, on s’aperçoit que par­tout où Madon­na est pas­sée, le son est une catas­trophe, avec des gens qui écrivent à Light & Motion pour récu­pé­rer l’argent de leurs billets. Ce n’était pas un pro­blème de maté­riel, ni de com­pé­tences, mais un aspect beau­coup plus fon­da­men­tal qui était en jeu : « Pour qui fait-on du son ? ». C’est à ce point pré­cis que l’on rejoint l’artistique… Est-ce que la star du spec­tacle est le sono­ri­sa­teur ? Cer­tai­ne­ment pas ! C’est la per­sonne sur scène. Le sono­ri­sa­teur, c’est la seule per­sonne dans la salle qui soit payée. Il connaît déjà le spec­tacle. Ce serait donc très agréable qu’il ne mixe pas pour lui, mais pour le public, qui est moins bien pla­cé que lui qui se trouve au milieu, à la bonne dis­tance. Il peut faire de magni­fiques effets sté­réo, mais presque per­sonne ne les per­ce­vra cor­rec­te­ment. Il connaît tel­le­ment le spec­tacle qu’il sait les paroles par cœur, alors il les sous-mixe, au point que même si le chan­teur s’arrêtait, il serait per­sua­dé d’entendre encore les paroles.

Pour qui tra­vaille le sono­ri­sa­teur ? Pour ceux qui ont payé leur place, par­fois très cher. S’il mixe Michèle Torr, il peut oublier de faire boum-boum avec les cais­sons de graves, ce n’est pas vrai­ment ce qui inté­resse le public de cette chan­teuse. En revanche, il aime­rait bien com­prendre les paroles et res­sen­tir un peu d’émotion à ce qu’elle chante si divi­ne­ment bien. S’il mixe Jen­ny­fer ou un truc pour les gamins — qui ont déjà les oreilles agres­sées à par­tir de 60 déci­bels — c’est pas la peine d’essayer d’allumer le rouge en per­ma­nence, c’est hors sujet par rap­port à ses clients et à l’artiste. Un sono­ri­sa­teur, ou un ingé­nieur du son, c’est juste un pas­seur : il sert juste à trans­mettre ce qui a été créé ici, à des gens qui vont l’écouter là. Même si on ouvre la porte du pla­teau de la Star Ac’ — et cha­cun sait qu’on y tra­vaille fort — pas­sé la porte d’Aubervilliers plus per­sonne n’entend. On a juste besoin d’un ingé­nieur du son dans un car qui fait la trans­mis­sion. On a besoin du sono­ri­sa­teur, parce que même si ça joue fort sur scène, on n’entend pas dans le fond de la salle. Notre tra­vail consiste à com­prendre ce qui est dit pour le trans­mettre aux autres, qui éprou­ve­ront à leur tour la même émo­tion. En anglais, il y a un terme fabu­leux pour la sono­ri­sa­tion : c’est sound rein­for­ce­ment. Le ren­for­ce­ment du son… Sound inven­tion, c’est pas un métier, c’est autre chose.

Ce n’est pas l’ingénieur du son qu’on doit applau­dir à la fin. C’est aus­si valable dans l’Audiovisuel, c’est abso­lu­ment fla­grant, tout comme au ciné­ma, j’imagine.

Franck Ernould : Natha­lie, ce que vient de dire Gilles Hugo se trans­pose-t-il au cinéma ?

Natha­lie Vidal : Je rebon­dis sur ce que Claude Gazeau disait à pro­pos de l’analogie avec l’instrumentiste, qui est évi­dente. J’ai basé mon appren­tis­sage là-des­sus. N’ayant pas énor­mé­ment de for­ma­tion scien­ti­fique et théo­rique der­rière moi, je pense vrai­ment — et je le véri­fie sou­vent aujourd’hui — que chaque film, chaque expé­rience, chaque tra­vail est dif­fé­rent et c’est ce qui va enri­chir les com­pé­tences, en comp­tant sur tous les ingré­dients dont on a pu par­ler : la maî­trise tech­nique et la capa­ci­té à appré­hen­der un pro­jet. C’est pour ça que pour en reve­nir aux for­ma­tions, je pense que c’est la pra­tique qui est impor­tante. J’ai vécu la FEMIS, et ce qui a été le plus for­ma­teur, c’est effec­ti­ve­ment un accès à l’outil et une pra­tique maxi­male durant le temps de la sco­la­ri­té. Outre tout ce que pou­vait m’apporter la péda­go­gie, j’en fai­sais tou­jours plus, en uti­li­sant le maté­riel de l’école. C’est grâce à cet apport que j’ai construit mon par­cours. Et puis aus­si, à l’école, on a encore droit à l’erreur… on peut expé­ri­men­ter. Ensuite, on n’a plus le droit et on a plu­tôt inté­rêt à maî­tri­ser l’outil. Il y a des recettes, des contin­gences tech­niques qu’il faut évi­dem­ment connaître, mais après il faut les adap­ter à un pro­jet, à la demande d’une équipe, d’un met­teur en scène, de gens qui sont pas­sés avant nous et qui nous demandent d’apporter la solu­tion, au mixage, du tra­vail accom­pli par tous.

Franck Ernould : Les outils numé­riques actuels, par leur finesse, leur pré­ci­sion, la visua­li­sa­tion de la forme d’onde sonore à l’écran, ont vite fait de sus­ci­ter une démarche pure­ment tech­nique. Si on ne suit pas son ins­tinct, si on se laisse domi­ner par l’outil, tout peut déraper…
Natha­lie Vidal : Il faut res­ter à l’écoute d’un film, d’un pro­jet ou d’un concert, en com­prendre les exi­gences, pour arri­ver à se dédoua­ner de l’outil — au même titre qu’un pia­niste, s’il a du talent, don­ne­ra un beau concert sur un ins­tru­ment un peu médiocre, mais au tra­vers duquel il arri­ve­ra encore à s’exprimer.
C’est ce que j’ai appris et que j’essaie de faire pas­ser dans les écoles ou j’interviens de temps en temps : de la pra­tique, au maximum.

Gil­bert Per­ei­ra : Sur la tech­nique et la mani­pu­la­tion de maté­riel, il y a de nom­breux orga­nismes de for­ma­tion ini­tiale qui font pas­ser deux ans aux étu­diants pour apprendre à gérer le maté­riel dont ils dis­posent. Ce n’est pas une for­ma­tion, c’est très grave ! parce que les étu­diants se forment sur un maté­riel refi­lé par le dis­tri­bu­teur du coin, par­fois ni ergo­no­mique, ni pro­fes­sion­nel, sou­vent d’une géné­ra­tion anté­rieure, et d’une approche un peu sur­pre­nante. Les étu­diants, du coup, passent leur temps à gérer ce maté­riel, et natu­rel­le­ment, ils veulent trans­po­ser sa ges­tion dans un métier, or ça ne marche pas comme ça.

Il faut avoir com­pris ce que sont les prin­cipes, les moyens à uti­li­ser pour faire ce qu’on nous demande. J’ai encore en mémoire un sou­ve­nir de Vau­gi­rard, encore pire que vous tous : à l’exception d’un vieux Per­fec­tone et d’une lec­trice Sare­gNa­gra, on n’avait pas de maté­riel, ni de loueur, ni de Nagra.

Gilles Hugo : Il y a deux notions très impor­tantes qui déter­minent les dif­fé­rentes familles, et là, on balaye un spectre très large : la fré­quence d’écoute et le lieu d’écoute.
Pour ce qui concerne la fré­quence d’écoute : celui qui va à un spec­tacle l’écoutera une fois. Il connaît, il est déjà convain­cu, il a payé pour venir, il par­tage ce plai­sir avec d’autres, il y a des lumières sur scène, des effets, c’est un moment unique. Tout notre tra­vail consiste à faire par­ta­ger à la per­sonne qui est dans la salle les émo­tions éprou­vées sur scène. Le contraire de notre for­ma­tion de départ.

Si en revanche, la fré­quence d’écoute est mul­tiple, parce qu’on est en train d’enregistrer un CD — quand ça exis­tait encore — ou une émis­sion sur DVD, — qu’on pour­ra vision­ner plu­sieurs fois ‑clai­re­ment, il ne fau­dra pas faire la même chose. Tout ce qu’on aurait lais­sé pas­ser la pre­mière fois, comme aide à l’émotion, il fau­dra le rete­nir, ou fil­trer. À la dix-sep­tième écoute, l’éclat de rire du bas­siste fini­ra par éner­ver. Ça paraît anec­do­tique, mais c’est essen­tiel. Il faut aller contre-nature, se for­cer à l’imprévu : Ce n’est pas comme ça qu’il fau­drait faire, mais vas‑y vieux ! c’est « gros sabots », ça marche ! Dans les orchestres de bals d’autrefois, on disait « : C’est simple : les jerks, il faut les jouer deux fois plus vite, les slows, deux fois plus len­te­ment. Dans le son, c’est exac­te­ment pareil. Plus le conte­nu est écou­té, plus il faut affi­ner, prendre du temps. Dans les autres cas, il ne faut sur­tout pas faire ça.

Le lieu d’écoute a évi­dem­ment son impor­tance. Au niveau des écoles — et pas seule­ment des écoles — il y a encore du tra­vail à faire. Clai­re­ment, pour une par­tie de ces acti­vi­tés, on n’a aucun contrôle sur le lieu où le son tra­vaillé va être enten­du. À la télé­vi­sion — je suis bien pla­cé pour vous dire, c’est un pro­blème majeur. Je pour­rais vous faire écou­ter les sor­ties console de cer­taines émis­sions, je vous pro­mets que c’est bien ! Mais à la télé­vi­sion, je suis d’accord, c’est pas bien. C’est un vrai sou­ci, car cela veut dire que l’ingénieur du son et les autres maillons de la chaîne doivent prendre un recul phé­no­mé­nal par rap­port à leur tra­vail, et encore une fois, se for­cer à tra­vailler contre-nature.

Cela se tra­duit sim­ple­ment en obser­vant les jeunes sta­giaires qui arrivent chez nous : je regarde les yeux du gars qui tra­vaille. S’il est plon­gé en per­ma­nence sur la console, j’ai un gros pro­blème. Je sens qu’on va avoir de gros ennuis.

Mais quand on fait de la varié­té, s’il a les yeux dans les yeux du chan­teur, qu’il regarde les pieds des gens bou­ger en rythme, s’il a com­pris que l’important est ce que « l’auditeur », son public res­sent : c’est gagné ! C’est valable aus­si en télé­vi­sion pour le mixeur qui tient compte du son mono du télé­vi­seur, et qui regarde bien son image pour gar­der une rela­tion cré­dible avec le son. C’est l’histoire de l’ingénieur du son qui com­mence à régler le son de la grosse-caisse avant que le groupe ait com­men­cé à répé­ter. Le bon ingé­nieur du son quitte sa console quelques minutes pour aller s’asseoir dans la salle écou­ter les gars jouer, puis revient à la console en connais­sance de cause.

C’est à contra­rio de ce que l’on peut apprendre au départ, quand un élève est vrai­ment féru de tech­nique, et va se plon­ger d’abord dans les menus, pour savoir ce qu’il peut faire dans la sixième couche de faders, avec le 24ème com­pres­seur. On a vite fait de lui expli­quer que de toute façon, dans la réa­li­té, il n’aura jamais le temps d’arriver au 24ème, qu’il n’y aura qu’une répé­ti­tion, et qu’elle sera tou­jours trop courte. Le conseil à lui don­ner : « Fais simple ! ».

Public 1 : Je vou­drais déve­lop­per un aspect inté­res­sant. Je me sou­viens de mon pas­sage à l’école Louis Lumière, où j’ai effec­ti­ve­ment beau­coup appris grâce à mes pro­fes­seurs et aux stages mais aus­si par les autres élèves. Nous étions dix huit élèves dans ma pro­mo­tion, venant d’horizons dif­fé­rents. Durant les années d’apprentissage, nous n’avons jamais ces­sé d’échanger entre nous. J’ai beau­coup appris sur le rock, la musique, et le ciné­ma. Je remer­cie mes cama­rades — c’était pour moi au moins 30 ou 40% de l’intérêt de la for­ma­tion que de me retrou­ver avec des gens de mon âge, qui par­ta­geaient ma pas­sion et des inté­rêts communs.

Claude Gazeau : Je ne sais pas si tous le savent, mais l’école Louis Lumière, ce n’est pas seule­ment une for­ma­tion aux métiers du son, mais aus­si à l’image – à la prise de vue, etc. Comme de nom­breux exer­cices sont trans­ver­saux, nous avons la chance — par rap­port à d’autres écoles — de pou­voir fabri­quer, entre nous, des films com­plets. Le côté humain est pri­mor­dial dans les équipes de tour­nage, nous l’apprenons tous !

Public 2 : Je suis chef d’entreprise, je prends pas mal de jeunes en for­ma­tion dans le cadre de contrats de pro­fes­sion­na­li­sa­tion, et je me pose une ques­tion concer­nant les for­ma­tions du son. Il existe envi­ron une ving­taine d’écoles de son — peut-être davan­tage — qui forment cha­cune une ving­taine d’étudiants par an. Ça fait quatre cents étu­diants à l’année, quatre mille en dix ans. Beau­coup de ceux qui sortent des écoles ne trouvent pas de tra­vail. N’y‑a-t-il pas là un pro­blème, non pas du côté des ingé­nieurs du son mais des for­ma­tions et des écoles ? Franck Ernould se plai­gnait de ne pas retrou­ver dix des anciens élèves de sa pro­mo­tion. Que va-t-on dire de toutes les autres écoles, plus ou moins sérieuses d’après ce que j’ai com­pris… Avant de pro­po­ser des for­ma­tions, il fau­drait peut-être savoir s’il y a des métiers à la clé…

Franck Ernould : Je suis allé cher­cher des chiffres sur le site www.observatoire-av.fr. Au total, on compte en France 529 cur­sus de for­ma­tions dans l’Audiovisuel, de tous niveaux. Ces cur­sus cor­res­pondent à 839 offres de for­ma­tion, pro­po­sées au sein de 381 orga­nismes de for­ma­tion, publics ou pri­vés, sur l’ensemble du ter­ri­toire : 69% sont pri­vés, 25% sont des uni­ver­si­tés, l’Éducation natio­nale en pro­pose 3%. Dans les autres pays de l’Union Euro­péenne, il a été recen­sé, glo­ba­le­ment, 98 formations…

Gil­bert Per­ei­ra : Et pra­ti­que­ment aucune for­ma­tion inter­mé­diaire… C’est-à-dire qu’on vise tou­jours le poste que l’on consi­dère comme l’élite, mais jamais en des­sous. Ce qui fait que nos métiers n’ont pas mis en pra­tique — bien que les finan­ce­ments soient consi­dé­rables — la for­ma­tion conti­nue, tout au long de la vie. C’est ça qui est essentiel…
Cette for­ma­tion, je l’ai vécue sur le tas. En sor­tant de l’école Vau­gi­rard, on inté­grait des entre­prises comme Télé-Europe — parce que c’était la plus impor­tante à l’époque — et l’on tra­vaillait en com­pa­gnon­nage. Par la suite, on inté­grait des équipes de long métrage, ou autres. Peu à peu, on gra­vis­sait tous les éche­lons. Aujourd’hui, c’est extrê­me­ment dif­fi­cile, quand on met dans la tête des étu­diants, des « appre­nants », qu’ils vont tout de suite être chefs.
Chris­tophe Mas­sie, dans le public [cf. inter­ve­nant table ronde N° 1] : Nous avions par­lé entre nous, lors des réunions de pré­pa­ra­tion de ces tables rondes, de l’avalanche des BTS Audio­vi­suel, dans toutes les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. Je pense que même la Basse Thié­rache pos­sède son BTS audio­vi­suel ! Ce qui fait fan­tas­mer, bien sûr, toutes les familles, et tous les élus. Un jour, une région m’appelle : « Est-ce que vous n’avez pas envie de déve­lop­per un Pôle d’Industries Tech­niques chez nous ? » Il faut arrê­ter ! Il faut que les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales arrêtent sur la for­ma­tion, je le dis de façon très officielle.

Deuxième chose : les cur­sus. La décou­verte que l’alternance stagiaire/élève une semaine sur deux est super com­pli­quée à gérer pour nous, les entre­prises audio­vi­suelles. Il faut nous écouter…
Enfin, troi­sième chose : les BTS mon­tage. C’est quoi, le mon­tage ? Nous rece­vons, à Télé­to­ta, des dizaines de CV de per­sonnes qui sortent de for­ma­tion, et qui nous disent : « On veut faire du mon­tage ! ». Mais ça ne veut rien dire, en soi…

Laure Arto : La plu­part du temps, il y a une mau­vaise connais­sance des dif­fé­rents postes du métier…

Chris­tophe Mas­sie : Les cur­sus existent ; le pro­blème est qu’on se retrouve face à des « for­ma­teurs » qui les pro­posent à des mil­liers de per­sonnes, en cer­ti­fiant : « Vous allez faire un BTS mon­tage. » Je trouve qu’il y a là un manque de res­pon­sa­bi­li­té de la part de ces for­ma­teurs, ils ne savent pas ce que c’est, et ils forment des gens à un métier qu’ils ne maî­trisent pas.

Laure Arto : Dans les écoles, je côtoie pas mal de jeunes étu­diants. Pas plus tard qu’hier, j’ai eu une conver­sa­tion avec un jeune homme qui vou­lait avoir des conseils d’orientation pour une for­ma­tion. En dis­cu­tant avec lui, je me suis aper­çue qu’il ne savait même pas lui-même ce qu’il vou­lait faire ! Il me semble que le pro­blème est là : les postes sont très spé­ci­fiques, les tâches bien décou­pées dans la post-pro­duc­tion son, mais les jeunes sont dans l’ignorance quand ils rentrent dans les écoles — et leur for­ma­tion n’est pas suf­fi­sante. D’où l’importance des stages, et l’importance de tra­vailler sur la char­nière for­ma­tion, mar­ché du tra­vail. Pour moi, c’est le coup de l’entonnoir : il existe beau­coup plus de for­ma­tions qu’il ne faut pour satis­faire le mar­ché du travail.
De plus « ingé­nieur du son », ce n’est pas un diplôme en soi. C’est un terme qui n’est pas recon­nu par la com­mis­sion des titres. On n’est pas recru­té en envoyant son CV quand on sort de l’école, ça ne fonc­tionne pas comme ça dans nos métiers. On tra­vaille beau­coup avec le sta­tut d’intermittent du spec­tacle. On doit faire son trou ce qui veut dire être sur le ter­rain, don­ner de son temps, s’investir. Ce n’est pas du tout un métier clas­sique, il faut vrai­ment être moti­vé. Je pense qu’il y a des étu­diants dans la salle. Si j’ai un conseil à leur don­ner, c’est de sor­tir du lot, s’armer de patience, choi­sir la bonne direc­tion, défi­nir pré­ci­sé­ment ses envies, en somme ne pas tra­vailler dans le flou ! Dans nos métiers, on n’aime pas for­cé­ment ceux qui disent savoir tout faire, on pense qu’ils ne tra­vaillent pas de manière précise.

Franck Ernould : Il faut être pas­sion­né, mais savoir sor­tir de chez soi !

Laure Arto : Je vou­lais faire aus­si une remarque sur la maî­trise de l’outil. Évi­dem­ment, il faut savoir dépas­ser l’outil, satis­faire les exi­gences artis­tiques du réa­li­sa­teur, bien com­prendre com­ment ça se passe dans une équipe de tra­vail. Ce sont des choses qui ne s’apprennent pas à l’école. Je reviens sur l’importance des stages, les rap­ports de tra­vail entre les per­sonnes, qui décide de quoi… Il y a beau­coup de psy­cho­lo­gie, donc, faites des stages !

Public 3 : Bon­jour. Je suis une nouvelle/ancienne élève de l’école Louis Lumière… Actuel­le­ment, je cherche un emploi. Je vou­drais reve­nir sur les stages, jus­te­ment. En sor­tant de l’école, je n’étais pas tel­le­ment fixée au niveau des postes, le milieu étant extrê­me­ment vaste. Je ne savais pas si je vou­lais tra­vailler dans la musique ou dans le ciné­ma. J’ai alors fait beau­coup de stages, du béné­vo­lat, j’ai fait par­tie de pas mal d’associations. Dans la plu­part des stages que j’ai faits, hon­nê­te­ment, je n’ai rien appris, ce n’était pas de l’observation, c’était juste pour rem­pla­cer gra­tui­te­ment quelqu’un — qui aurait dû être payé pour ça. J’étais lâchée devant le Pro Tools ou autre machine, je tra­vaillais dans le speed, qua­torze heures par jour. Il est impos­sible d’apprendre quelque chose dans ces conditions !

Laure Arto : C’est vrai, il y a un moment où il faut savoir faire le tri. J’ai fait plu­sieurs stages en entre­prise, dans des stu­dios de musique, où l’on nous consi­dère juste bon à faire le café. Dans ces cas-là, il faut savoir dire : Stop ! je vais cher­cher ailleurs. Ne pas perdre son temps, mul­ti­plier les can­di­da­tures, les CV, se dépla­cer, aller dans les entre­prises, ne pas se conten­ter d’envoyer une lettre sans aller voir…

Public 3 : Autre pro­blème : le sta­tut ! Un cer­tain temps après être sor­ti de l’école, on n’est offi­ciel­le­ment plus en for­ma­tion, donc on ne peut plus faire l’objet d’une conven­tion de stage. Là qu’est-ce qu’on fait ? On est coincé !

Gil­bert Per­ei­ra : La clé, dans ces situa­tions-là, c’est le réseau des anciens élèves… On entre sou­vent dans nos métiers par les réseaux. On l’a tous fait, on en est tous pas­sés par là : com­men­cer à tra­vailler et conti­nuer à apprendre.

Public 4 : Je m’appelle Denis Mer­cier. Je vou­lais juste abor­der un thème qui n’a pas été trai­té : la for­ma­tion conti­nue. Vous dites que les tech­no­lo­gies changent très vite, que le métier évo­lue… La for­ma­tion ini­tiale est un aspect, mais lar­ge­ment blin­dé par rap­port à ce qui exis­tait il y a 20/25 ans. Mais la for­ma­tion conti­nue ? Allez par curio­si­té à l’AFDAS, regar­dez les pro­po­si­tions de stages, et vous com­pren­drez qu’il y a un vrai pro­blème. Je pense qu’on pour­rait allé­ger la for­ma­tion ini­tiale, si, der­rière, la for­ma­tion conti­nue exis­tait vrai­ment pour ceux qui ont déjà du bou­lot et qui risquent de le perdre parce qu’ils n’ont pas évo­lué, ou par inertie.
Sinon, j’aurais bien vou­lu que Natha­lie Vidal nous parle de son expé­rience à l’ESAV de Mar­ra­kech, parce que c’est une autre option de for­ma­tion, dont on pour­rait peut-être s’inspirer en France ?

Gilles Hugo : Je veux bien com­plé­ter cette inter­ven­tion sur la for­ma­tion conti­nue. Il se trouve que je suis aus­si membre du Conseil d’Administration d’organismes de for­ma­tion conti­nue. Il y a un pro­blème impor­tant qui se pose : la non-recon­nais­sance par les ASSEDIC des heures de cours don­nés par un inter­mit­tent. Un artiste a le droit de don­ner un cer­tain nombre d’heures de cours et de les comp­ter dans ses heures tra­vaillées d’artiste, ce qui n’est pas le cas pour un tech­ni­cien. Ce qui veut dire qu’on se prive du savoir d’une grande par­tie des tech­ni­ciens qui sont, en règle géné­rale, au top niveau. Si une nou­velle console de mixage de sono­ri­sa­tion sort, elle sera en tour­née, bien avant d’être dis­po­nible com­mer­cia­le­ment ou dans une école, où le prof lui-même pour­ra apprendre à s’en ser­vir avant de for­mer ses élèves dessus.

Je ne revien­drai pas sur l’aspect « qua­li­té » des profs d’école… On peut évi­dem­ment être un mau­vais foot­bal­leur et un excellent entraî­neur ! En revanche, sur les toutes der­nières tech­niques, clai­re­ment, ce sont les inter­mit­tents qui tra­vaillent qui les découvrent, et si on ne peut pas en dis­po­ser dans les cours, on se prive d’éléments impor­tants. Dans ma boîte, j’assure des TP de sono­ri­sa­tion pour quelques écoles, et évi­dem­ment, on triche ! Ce qui, en tant que Pré­sident d’un syn­di­cat d’employeurs et membre d’un cer­tain nombre d’organismes sociaux, me gêne énor­mé­ment. C’est un des com­bats qu’on va essayer de mener, d’obtenir au moins la pos­si­bi­li­té pour un tech­ni­cien de don­ner un cer­tain nombre d’heures de for­ma­tion. C’est impor­tant, parce c’est le lien direct du métier avec ceux qui apprennent. C’est fon­da­men­tal, car on ne peut pas lais­ser pas­ser des inco­hé­rences comme celles-là. « Je suis un élève, je fais des trucs, mais je n’arrive pas à entrer dans le métier, tout en y étant un peu. Si je veux me for­mer, je me retrouve à l’école, avec des gens qui ne sont pas du métier ».
Le métier n’est pas uni­que­ment inter­mit­tent. On garde l’espoir qu’avec la conven­tion col­lec­tive, on va pou­voir reve­nir à des emplois plus stables, en tout cas dif­fé­rents, mais la com­pé­tence vient sou­vent des inter­mit­tents, et c’est un vrai souci.

Natha­lie Vidal : Je fais un petit apar­té sur l’ESAV, pour faire plai­sir à Denis Mer­cier… Ça se passe au Maroc, c’est l’École Supé­rieure des Arts Visuels, à Mar­ra­kech, créée pour des étu­diants maro­cains et afri­cains de tous hori­zons sociaux et cultu­rels. L’école essaie, entre autres, de consti­tuer un vrai panel de tech­ni­ciens qui pour­raient tra­vailler au Maroc, pour le ciné­ma marocain.
J’ai eu l’occasion d’intervenir dans cette école — qui en est à sa troi­sième pro­mo­tion entrante cette année — auprès d’étudiants en option son. En 2007, j’y suis allée trois semaines, et comme je l’évoquais tout à l’heure, ça fait par­tie de mes acti­vi­tés occa­sion­nelles au même titre que mes inter­ven­tions à la FEMIS. C’est très agréable de se retrou­ver avec des étu­diants, ça per­met de faire le point : de com­prendre où l’on en est soi-même, com­ment on va for­mu­ler des choses, qu’on n’a pas for­cé­ment besoin de for­mu­ler au quotidien…
Que ce soit à la FEMIS, à l’ESAV ou à Louis Lumière, il est pri­mor­dial de faire appel — lors des for­ma­tions — à des gens qui vont venir par­ler de leur expé­rience, et faire béné­fi­cier les étu­diants de leur savoir-faire.

Franck Ernould : Ray­mond, c’est aus­si votre cas au BTS de Bou­logne-Billan­court, j’imagine que vous faites venir des inter­mit­tents pour enseigner ?

Ray­mond Yana : Oui, bien sûr, avec la réserve indi­quée tout à l’heure. Nous, on ne peut pas tri­cher, puisque l’Éducation natio­nale ne peut pas prendre de liber­tés par rap­port à ces ques­tions de contrats. Évi­dem­ment, des pro­fes­sion­nels inter­viennent régu­liè­re­ment chez nous, mais ils savent que ces heures ne seront pas prises en compte pour les cal­culs rela­tifs à leur sta­tut d’intermittent. Pour l’enseignement pro­fes­sion­nel, nous avons des contrac­tuels : des pro­fes­sion­nels qui acceptent — pen­dant un, deux ou trois ans — de consa­crer leur temps à la for­ma­tion chez nous. Nous deve­nons leur employeur prin­ci­pal, ils sont en CDD, sala­riés, mais ils ont toute liber­té de pra­ti­quer leur acti­vi­té pro­fes­sion­nelle à côté, notam­ment pen­dant les vacances scolaires.
Je vou­drais signa­ler à Mon­sieur Mas­sie que le nombre de BTS publics, sur tout le ter­ri­toire, pour l’option son — à laquelle tous les BTS Audio­vi­suel ne forment pas — est de qua­torze éta­blis­se­ments en France, avec une moyenne de dix étu­diants par promotion.
À pro­pos du nombre impor­tant d’étudiants for­més, et de dos­siers d’inscription reçus, posons-nous la ques­tion : « Pour­quoi y a‑t-il autant de gens qui veulent pra­ti­quer ce métier ? ». Il est évident que l’enseignement public, qui est gra­tuit, ne peut pas absor­ber à lui seul toutes ces demandes. Et s’il n’y a pas plus d’établissements pré­pa­rant au BTS Audio­vi­suel, c’est qu’à l’origine de la fabri­ca­tion des réfé­ren­tiels des BTS, il y a eu pen­dant un an, une étude menée avec les pro­fes­sion­nels, pour déter­mi­ner les pro­grammes. Ça a lieu tous les cinq ans. Le nombre des BTS est limi­té volon­tai­re­ment par les dif­fé­rents rec­to­rats pour ne pas encom­brer les mar­chés de l’emploi. Ensuite, il existe toute une offre d’écoles pri­vées, qui ont le droit d’exister, de mon­ter des for­ma­tions, etc. Mais côté ensei­gne­ment public, on compte cent vingt à cent qua­rante diplô­més « BTS son » qui sortent par an, pas plus.

Public 5 : Je m’appelle Gisèle Clark, Rédac­trice en chef et pro­prié­taire du maga­zine pro­fes­sion­nel Réa­li­sa-Son. Quand j’entends un thème comme « Quel mar­ché du tra­vail ? » je suis très contente. J’ai pris l’option de créer un maga­zine qui ne parle que de son, ce qui est une option très ris­quée quand on constate que les stu­dios d’enregistrement ferment les uns après les autres… Je suis donc ame­née, au quo­ti­dien, à explo­rer d’autres voies.