Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a décidé de plafonner les cachets des comédiens, réalisateurs, scénaristes et producteurs des films français. Il cherche ainsi à mettre fin à deux ans de débats sur les revenus exorbitants de certaines stars, jugés choquants dans le cadre de la politique publique française de soutien au cinéma, souvent assimilée à un service public.
Or, le CNC est bien un organisme public, mais les aides qu’il verse aux producteurs, et qui tendent à s’accumuler dans les poches d’un petit groupe d’acteurs « bankable », ne sont pas financées par l’impôt.
D’où vient l’argent des aides au cinéma ?
Le CNC est placé sous l’autorité du ministère de la culture. Mais son fonds de soutien à la création, comme ses frais de fonctionnement, ne sont pas ponctionnés sur le budget de la culture. Ils proviennent de taxes prélevées dans le secteur, soutenues par des cotisations professionnelles.
La première de ces taxes, créée en 1948, porte sur les entrées en salles. Elle correspond à 10,7 % du prix de chaque entrée (majorée de 50 % pour les œuvres pornographiques ou incitant à la violence). Cela signifie que les films hollywoodiens diffusés en France financent également le fond du CNC.
Les chaînes de télévision ont également été assujetties à la taxe en 1986, puis la vidéo (en 1993, à hauteur de 2 % du prix de vente, 10 % pour le « hard » et la violence), la vidéo à la demande en 2003, et enfin, Internet depuis 2007. Ces opérateurs sont soumis à une taxe proportionnelle à leur chiffre d’affaires, avec des taux différenciés selon leur usage de l’image et la TVA qui leur est applicable.
La taxe sur les éditeurs et distributeurs de la télévision est celle qui rapporte le plus au CNC : 532 millions d’euros en 2013. Elle est suivie de la taxe sur les salles de cinéma (130 millions) et de la taxe vidéo (près de 26 millions).
Ces taxes ont augmenté de 70 % entre 2002 et 2012, selon la Cour des comptes. Depuis 2008, une taxe qui ponctionne Canal + plus largement, ainsi que le câble, le satellite, les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile a largement amélioré le budget du CNC. En retour, l’Etat a opéré jusqu’en 2013 des prélèvements importants sur le produit de ces taxes.
Comment le CNC distribue-t-il ces aides ?
322,4 millions En 2013, ces taxes et des remboursements au titre d’aides versées sous forme d’avances et sur subventions ont permis au CNC de distribuer au total 783,47 millions d’euros, dont 322,4 millions au cinéma, 285,4 millions au secteur audiovisuel (qui recoupe en partie le secteur cinéma) et 124,38 millions à des dispositifs transversaux (y compris pour le jeu vidéo). Enfin, le CNC a investi 51,3 millions pour l’aide à la numérisation des salles de cinéma.
Cependant, selon les derniers chiffres publiés par le CNC, les investissements dans la production cinéma ont globalement chuté de près de 23 % en 2014. Cette baisse est due notamment à la diminution du fonds du CNC, dont les taxes se font moins rentables, en particulier à cause de la chute des revenus de l’audiovisuel.
Grâce à ces sommes, et avec les chaînes de télévision (Canal + en tête), que la loi oblige à investir dans la création française, le CNC cherche à aider la production de films français sans préjuger de leur succès en salle.
Les aides au cinéma du CNC se divisent à part égales en aides automatiques et sélectives. Les premières ont pour rôle de maintenir à flot une industrie du cinéma qui reste importante en France. Elles garantissent aux entreprises, souvent des PME, une relative stabilité de leurs budgets. Ainsi, pour les producteurs, ces aides sont systématiquement attribuées selon les entrées en salles de leurs précédents films, un système que le CNC a affiné, jeudi 4 décembre.
Dorénavant, si un film ne respecte pas les plafonds de rémunérations imposés par le CNC, le producteur ne pourra pas utiliser cette aide sur son prochain film.
Les aides sélectives permettent au CNC d’encourager la diversité des œuvres et l’émergence de nouveaux talents. Le mécanisme le plus connu est celui de l’avance sur recettes, créé en 1960. L’an dernier, il a financé 57 films avant réalisation, dont 21 premiers films, pour un montant maximum de 700 000 euros par film. Facture totale : 23,7 millions d’euros. A ces films s’ajoutent 25 autres, choisis après réalisation, pour un montant maximum de 152 000 euros (2,5 millions au total). Selon les nouvelles règles du CNC, le montant de ces avances sera connu plus rapidement, afin de faciliter les plans de financement.
Jusqu’ici, des producteurs et chaînes de télévision cherchaient à réduire encore les risques d’échec à la sortie en salles et lors des diffusions TV, en investissant une large part de ces aides pour embaucher quelques acteurs jugés porteurs, dont la cote ne cessait d’augmenter. C’est pour limiter cette tendance que le CNC a introduit ces plafonds.
Le secteur bénéficie cependant d’aides publiques
+ 680 % En plus des aides que lui apportent le CNC et les chaînes de télévision, le cinéma français est bien soutenu par des fonds publics. La Cour des comptes note que le soutien fiscal dans le secteur est passé de 18,6 millions d’euros en 2002 à 145 millions d’euros en 2012. Cette hausse majeure (+ 680 %) est due à la création de trois crédits d’impôt entre 2004 et 2009 et au renchérissement du coût des Sofica (sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle), sociétés de collecte de fonds privés créées en 1985.
De plus, le cinéma bénéficie d’aides des collectivités territoriales. Celles-ci s’élevaient à 47 millions d’euros en 2012, contre 7 millions dix ans plus tôt. Enfin, le cinéma bénéfice de soutiens indirects de l’Etat, à travers le régime des intermittents du spectacle et divers dispositifs fiscaux.
Source de l’article : Lemonde
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/08/comment-le-cnc-finance-le-cinema-francais_4535007_4355770.html#YXxBCrY6wW5HJiyT.99