La place du journaliste dans un film, c’est abdiquer.
Les Arabes, Marseille et les médias : Jean-Louis Comolli filme les élections dans la série — Marseille contre Marseille — Arte radio. Entamée avec les Municipales en 1989 (Marseille de Père en fils 1&2), leur chronique compte aujourd’hui 7 films tournés à l’occasion des plus importantes échéances électorales locales.
Que deviennent les franco-maghrébins, qui espéraient à juste titre d’être présent sur la liste des partis, notamment de la majorité actuelle et qui se retrouvent écartés ?
Mis à l’écart une fois de plus. C’est une question qui est déterminé par le racisme ambiant, qui existe, mais c’est aussi une question qui est déterminé par les intérêts de la classe politique qui se protège contre des nouveaux venus, qui sont ambitieux et parfois extrêmement compétents et qui sont surtout très articulés à leur peuple dont ils sont issus et donc là, il y a un risque pour cette classe politique qui elle s’est retrouvée peu à peu détachée de la plupart des gens qui votent. Bien-sûr que les exploités et les opprimés ont des choses à dire politiquement et qui ont plus de poids que d’autres paroles dites par d’autres et qui sont moins dans une situation de détresse ou d’exploitation. C’est de cette parole-là dont on ne veut pas, une véritable parole populaire qui est articulé à des nécessités, des contraintes, des conditions objectives comme on dit. C’est cette parole qu’on veut pas, parce qu’on préfère une parole désincarnée et désenchanté.
Et il y a un constat qu’il faut faire et refaire sans cesse, dès le moment ou le Front National s’est emparé du conseil régional en région Paca. Le Front National n’a peut-être pas remporté la victoire politique, mais il a idéologiquement remporté une certaine nombre de victoires. Et d’une certaine manière, le langage politique, le lexique politique, utilisé aussi-bien par des hommes de droite que par des hommes de gauche. Ce sont les mots du Front National qui circulent dans la classe politique. Le Front National a gagné la bataille du langage.
Il est important dans un moment ou les médias sont accusés de tous les maux, de pouvoir faire apparaître aussi une figure de liberté du journaliste. C’est un peu ce qu’on a tenté de faire. Faire apparaître que le journaliste peut-être libre. Alors qu’il n’est pas nécessairement soumis, ni servile ni complice, mais qu’il a aussi son mot à dire et ses questions à poser.
Maintenant, il faut prendre la même question et la poser en termes cinématographiques. Pas seulement en termes politiques. La place du journaliste dans un film, c’est au fond, de n’être pas celui qui en sait plus que le spectateur. Il doit réussir à se défaire de son savoir, de sa connaissance, de son intelligence du milieu pour abdiquer. Sa puissance à lui, c’est poser des questions que la plupart du temps, les journalistes ne posent plus. Ne posent plus parce qu’ils ont déjà compris, ils savent déjà, donc il y a cette espèce de connivence qui existe : je dis un truc, je ne le relève pas parce que tout le monde comprends, alors que le spectateur n’a pas nécessairement compris, il n’est pas dans le cercle de la connivence. Et une partie du travail que nous faisons, consiste à poser des questions naïves, des questions simples. Par exemple, les journalistes ne disent plus à un homme politique : là, vous avez dis ceci, expliquez-moi. Cela dit clairement que le journaliste n’est pas en avance. Promettre et ne pas tenir, c’est terriblement plus grave que de ne pas promettre évidemment.
Disons, le d’une façon, la gauche est le lieu de la promesse, elle est aussi malheureusement le lieu de la déception. La droite, elle ne promet rien, elle n’a rien à promettre, elle n’a jamais rien promis et du coup on est moins déçu car on s’attend au pire. Personne ne nous dit que ce sera mieux. La gauche nous disait encore vaguement, que ce sera mieux… mais, c’est pas là. Moi, je considère que les partis politiques ont un rôle fondamental à jouer dans un pays, précisément en donnant un modèle. Or, l’exemple donné par la droite bien-sûr, mais cela ne surprends pas et la gauche, cela me révolte… L’exemple qui est montré est celui de la fermeture des portes. Alors, on peut pas construire un pays, si on continue de fermer les portes, de se fermer sur soi et de redouter avant-tout que les autres viennent apporter quelque chose. Or, ces gens qui sont venus d’ailleurs et qui sont porteurs d’autres cultures, les amènent dans le creuset français, et c’est une richesse inouïe. Et cette richesse, personne n’en veut.