Manifeste des Jeunes cinéastes (Turquie, 1968)

Nous proclamons vouloir mettre sur pied un cinéma révolutionnaire, indépendant et tourné vers le peuple...

Mani­feste des Jeunes cinéastes (Tur­quie, 1968)

JEUNE CINEMA-OCTOBRE 1968- N° 1 (TURQUIE) Jeune Ciné­ma pense qu’il est néces­saire de reprendre en main le ciné­ma qui a une expé­rience de plus de 50 années en Tur­quie.

Nous pro­cla­mons vou­loir mettre sur pied un ciné­ma révo­lu­tion­naire, indé­pen­dant et tour­né vers le peuple, en paral­lèle à l’action révo­lu­tion­naire et à la prise de conscience de notre peuple. Les prin­cipes énon­cés ici bas sont dans cette lignée.

1. Nous devons signa­ler une fois de plus, que l’art fait par­tie de la socié­té, que l’art s’est déve­lop­pé avec le déve­lop­pe­ment de l’humanité, et donc que l’art ne peut être dis­so­cié de la socié­té, que la notion de peuple doit être redé­fi­nie, que les notions ” pour le peuple ” et ” au nom du peuple ” doivent être éclair­cies, et que la notion de peuple désigne la classe ouvrière.

2. Jeune Ciné­ma s’oppose au sys­tème ciné­ma­to­gra­phique actuel. De même qu’il s’oppose au sys­tème social dans lequel il s’inscrit. Car ses deux sys­tèmes se sont éloi­gnés de la défi­ni­tion de l’humain, de l’émancipation de l’humanité. Ils n’ont d’autres buts que d’exploiter l’homme phy­si­que­ment et men­ta­le­ment. C’est pour­quoi Jeune Ciné­ma doit être indé­pen­dant, et ne doit céder sur aucun de ses principes.

3. Les cultures tra­di­tion­nelles, et les cultures étran­gères doivent être expo­sées et pré­sen­tées dans une pers­pec­tive révo­lu­tion­naire. Le tra­vail accu­mu­lé doit être com­pris dans un sens révo­lu­tion­naire. Jeune Ciné­ma en ana­ly­sant l’homme moderne, voit en lui un nou­vel homme ayant des valeurs nou­velles, et l’analyse en son tout, avec ses bons et ses mau­vais cotés. Jeune Ciné­ma per­çoit l’essence et l’apparence dans un uni­té, et la com­prends dans un sens révo­lu­tion­naire. Jeune Ciné­ma pense que ces deux concep­tions ne peuvent être sépa­rées l’une de l’autre.

4. Jeune Ciné­ma s’oppose à tous les Yesil­çam de la pla­nète. Peu importe l’endroit où l’on se trouve sur la pla­nète, l’ennemi est le même par­tout. Dans ce sens, la concep­tion uni­ver­selle est main dans la main avec la concep­tion natio­nale. Jeune Ciné­ma consi­dère qu’une œuvre natio­nale por­tant en elle des valeurs artis­tiques réa­listes, solides et éta­blies, peut atteindre une dimen­sion internationale.

5. Il faut éga­le­ment signa­ler qu’un cinéaste à le devoir se tour­ner vers les réa­li­tés de son pays. Néan­moins Jeune Ciné­ma s’oppose à tout reflet dog­ma­tique et révi­sion­niste des réa­li­tés pré­sen­tées dans les œuvres artis­tiques. L’artiste crée ses œuvres en toute liberté.

Nous pen­sons qu’une lutte don­née en ce sens, ne peut se faire sans orga­ni­sa­tion. Une revue est un lieu de ren­contres, ce qui est plus impor­tant et qui compte c’est la créa­tion artis­tique et la dif­fu­sion de cette créa­tion au peuple. Un véri­table Mani­feste ne peut être mis en avant que par la créa­tion artis­tique. Nous publions Jeune Ciné­ma comme pre­mier pas de notre action.

[Yesil­çam est en fait un quar­tier d’Istanbul, et repré­sente ce que Cannes repré­sente en France.]