Cette déclaration a accompagné les premières présentations du film de “L’heure des brasiers”.
Le peuple d’un pays néocolonisé comme le nôtre ne possède pas la terre sur laquelle il marche, ni les idées qui l’entourent ; il ne possède pas la culture dominante ; au contraire, il en souffre. Elle ne possède que sa conscience nationale, sa capacité de subversion. La rébellion dans sa plus grande manifestation de culture. Le seul rôle valable qui convient à l’intellectuel, à l’artiste, dans son incorporation à cette rébellion en en témoignant et en l’approfondissant.
Contrairement aux grandes nations, dans nos pays, l’information n’existe pas. Il existe une pseudo-information selon laquelle le néocolonialisme parvient habilement à cacher sa propre réalité au peuple et à nier ainsi son existence. Provoquer l’information, déclencher des témoignages qui conduisent à la découverte de notre réalité, revêt objectivement en Amérique latine une importance révolutionnaire.
Un cinéma qui naît et sert les luttes anti-impérialistes n’est pas destiné aux spectateurs, mais surtout aux formidables acteurs de cette grande révolution continentale. Il n’est destiné à être utile que dans la lutte contre l’oppresseur. Elle sera donc, comme la vérité nationale, subversive. Elle n’atteindra que de petits noyaux d’activistes et de combattants et ce n’est qu’à travers eux et à partir d’eux qu’elle pourra transcender les couches plus importantes. Son esthétique vient des besoins de ce combat et aussi des possibilités inépuisables que ce combat lui offre.
En Amérique latine, il n’y a pas de place pour l’attente ou l’innocence. Les deux ne sont que des formes de complicité avec l’impérialisme. Toute activité intellectuelle qui ne sert pas la lutte pour la libération nationale sera facilement dirigée par l’oppresseur et absorbée par le grand cloaque qu’est la culture du système.
Notre engagement en tant qu’hommes de cinéma et en tant qu’individus d’un pays indépendant n’est ni à la culture universelle, ni à l’art, ni à l’homme dans l’abstrait ; il est et doit être, avant tout, à la libération de notre patrie, à la libération de l’homme argentin et latino-américain.
Groupe Cine Liberación, mai 1968.